Le week-end dernier, une ultime page a été écrite dans la guéguerre qui oppose désormais Augustin Ahouanvoébla à son ex-mentor Adrien Houngbédji. Le député a été déchu de son poste de coordonnateur PRD de la commune d’Avrankou, son fief électoral, au profit de Dénis Houssou Gbèssèmèhlan promu vice-président du parti depuis décembre dernier. Il est vrai que le général Gbèssèmèhlan était un PRD de l’ombre, pendant qu’il était encore en activité. Mais le parachutage dont il a bénéficié en allant directement à la vice-présidence du PRD, pouvait laisser dubitatif. Désormais le malaise, de ce côté du moins, s’est dissipé.
Reste maintenant la manière. C’est en son absence qu’Augustin Ahouanvoébla a été débarqué de son poste. La guerre déclarée entre l’ancien premier vice-président du PRD et son Président connait ainsi un rebondissement dans le plus pur style des règlements de comptes. Les intoxications font désormais partie des armes de combat que chaque camp utilise. Tantôt ce sont les conseillers communaux d’Abomey-Calavi qui ont démissionné du PRD, tantôt ce sont ceux d’Akpro-Missérété qui l’ont fait pour rejoindre Ahouanvoébla. Des tonnes d’articles commanditées dans les médias, servent à noircir l’image des adversaires, tandis que le combat à fleurets mouchetés fait rage dans les sous-bois du PRD. Nous sommes bien en politique béninoise, là où les idéologies sont absentes et où prospère la défense acharnée des intérêts personnels. Allez donc demander ce qui oppose les uns aux autres et vous n’aurez rien sur des idées concrètes touchant les Béninois et leur vie quotidienne. Mais chaque camp est prêt à vous démontrer qu’il a raison, étant entendu qu’il faut faire la promotion des jeunes, étant entendu qu’on a fait la promotion de tel et pas de tel autre, étant entendu que tel et tel autre se voient trop fréquemment…Des querelles qui sont loin des préoccupations quotidiennes des Béninois. Bien sûr, si rien des causes des inimitiés n’est étalé en public, c’est bien parce qu’elles ont un fond nauséabond.
Mais il est vrai aussi que la crise fragilise le PRD. J’entends d’ici les partisans irréductibles de maitre Houngbédji soutenir que les départs des personnalités du PRD, ne préparent que l’arrivée d’un plus grand nombre de militants qui n’attendaient qu’une place pour montrer de quoi ils sont capables. Même si cela est réel, il y a qu’en politique comme ailleurs, l’autosatisfaction prépare toujours la chute. Ceux qui ont encore de la mémoire se rappellent comme moi les péripéties qui ont propulsé la Renaissance du Bénin (RB) à la cassure, l’amenant aujourd’hui à n’être plus que l’ombre d’elle-même. Parce que pendant longtemps, la politique de l’exclusion, assise sur une arrogance contagieuse, a empêché beaucoup de regarder en face la pertinence ultime du discours de ceux qui n’étaient rien d’autre que des ennemis à abattre.
Mais là où cette crise tombe à un moment très délicat pour le parti, c’est le vote de la charte des partis et du code électoral. Les ajustements politiques auxquels ces lois doivent conduire, appellent à la disparition des anciens partis, quels qu’ils soient, s’ils cherchent à exister encore. Les conditions imposées pour être candidat ou se faire élire sont si contraignantes qu’aucun parti ne serait assez fort pour prétendre aujourd’hui disposer à lui seul des 10% requis pour avoir des sièges de député. En voyant le départ d’Ahouanvoébla, de Gbénou ou autres Badirou, les autres acteurs de la mouvance présidentielle vont se poser une question simple : faut-il se joindre à un PRD dont les grands électeurs s’en vont ou faire bloc avec un autre grand ensemble capable de faire les 10% ?
C’est pourquoi, il n’est plus exagéré de dire que le parti joue son avenir dans cette crise. Car, pendant que les départs se précisent, d’autres partis unitaires se positionnent déjà pour récupérer les mécontents et tous ceux qui ont peur de se positionner avec un parti qui perd des plumes. C’est une erreur de devoir faire de la soustraction au moment où tout le monde s’active dans l’addition, voire la multiplication.
Mais il y a que le camp Ahouanvoébla oublie vite ceci : la force électorale d’un député qui quitte son parti originel pour un autre, est presque nulle. C’est exactement comme si la couronne qui l’auréolait avait été enlevée. Et tout le monde finit par voir que le lion n’est craint que parce qu’il est capable de mordre. En quittant le PRD, Ahouanvoébla ne fera plus peur à personne, si Avrankou continue à rester un bastion PRD. Or ce fief était PRD avant même qu’il n’adhère au parti et ne commence l’ascension qu’on lui a connue.
Disons donc les choses comme elles sont : la guéguerre au sein du PRD est la pire menace aussi bien pour la survie politique d’Ahouanvoébla que pour le leadership d’Adrien Houngbédji.