L’Afrique séduit seulement 5% des touristes du monde entier malgré les pyramides, les chutes Victoria, les safaris ou ses plages désertes. Pour utiliser au mieux son potentiel, elle doit miser sur l’écotourisme et se stabiliser politiquement, estiment les experts.
"Les pays qui ont réussi (dans le tourisme) sont ceux qui ont fait ces choix", explique la directrice générale de l’Association du tourisme en Afrique (ATA), Naledi Khabo, lors d’une conférence du secteur organisée par Airbnb la semaine dernière au Cap.
Elle en veut pour preuve les exemples de la Tanzanie et du Rwanda, "très attractifs pour certains voyageurs".
Le nombre de touristes en Tanzanie, qui propose des safaris respectueux de l’environnement et des lodges neutres en émission de carbone, a plus que doublé depuis 2006 à plus d’un million.
Le secteur contribue à hauteur de 14% au produit intérieur brut de ce pays d’Afrique de l’Est, selon l’agence gouvernementale de promotion de l’investissement Tanzania Invest.
Pour Naledi Khabo, l’Afrique du Sud a aussi réussi à s’imposer comme une destination incontournable en "diversifiant ses produits au-delà des safaris".
Elle a enregistré une forte augmentation des visites centrées sur le mode de vie des habitants, avec des voyageurs curieux de découvrir des townships et des communautés rurales désavantagées en plus de faire un safari et de déguster des bons vins dans les vignobles du Cap.
Abigail Mbalo a fondé le concept 4RoomEkasi, où les voyageurs découvrent nourriture et mode de vie des communautés noires en Afrique du Sud. "Nous avons tablé sur le développement du tourisme dans les régions rurales et les townships (...) Cette niche n’a pas été exploitée", explique-t-elle.
Aujourd’hui, le tourisme en Afrique du Sud emploie près de 700.000 personnes, dont nombre de Noirs, un vrai succès dans un pays où le taux de chômage avoisine les 28%.
- "Restaurer l’image du pays" -
De nombreuses destinations africaines misent sur des voyageurs à devises fortes, mais le Kenya a décidé de promouvoir le tourisme intérieur après avoir été boudé il y a quelques années par les étrangers pour cause de violences post-électorales et d’attentats.
"Nous avons réussi à développer le marché local qui représente 21% des occupations d’Airbnb", s’est félicité le ministre kényan du Tourisme Najib Balala à la conférence.
Le tourisme, deuxième ressource du Kenya, a généré 1,2 milliard de dollars (1 milliard d’euros) de revenus en 2017.
Comme au Kenya, l’instabilité politique handicape nombre de pays africains au fort potentiel touristique.
Sur la carte, la République démocratique du Congo (RDC), avec ses gorilles, ses volcans et ses parcs nationaux, pourrait être un paradis pour touristes si elle n’était ravagée par les violences, note l’auteure Anita Mendiratta, spécialisée dans le tourisme.
En mai, deux Britanniques ont été enlevés dans le parc des Virunga (nord-est), avant d’être libérés quelques jours plus tard.
Après des années de vaches maigres, le Zimbabwe, qui propose de somptueux safaris et abrite les impressionnantes chutes Victoria, a enregistré une forte affluence après la démission fin 2017 de Robert Mugabe, qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis des décennies.
Le nombre de touristes étrangers a augmenté de près de 50% aux chutes Victoria au premier trimestre de cette année, mais le pays est encore loin d’atteindre sa pleine capacité.
L’insécurité est "parfois une menace réelle, mais parfois il s’agit aussi d’un problème de perception", estime Naledi Khabo.
"Il revient aux gouvernements africains et aux responsables du tourisme d’être plus pro-actifs et de changer la perception" de leur pays à l’étranger, ajoute-t-elle.
Le Rwanda fait figure d’exemple en la matière.
Le pays aux mille collines a été ravagé par un génocide en 1994 mais est désormais une destination prisée, notamment pour ses gorilles.
"Le tourisme est notre principale source de devises étrangères, ce qui est incroyable pour un pays comme le Rwanda", estime Rosette Rugamba, à la tête de Rwanda Tourism de 2003 à 2010. "Il contribue énormément à restaurer l’image de notre pays".