La réconciliation annoncée ce lundi entre l’ex-chef de l’Etat Boni Yayi et le truculent homme politique Candide Azannaï suscite beaucoup de commentaires déjà. Si de nombreuses personnes marquent leur étonnement, d’autres se disent peu surprises, au regard des élans de rapprochement qui se dessinent davantage entre ces deux personnalités embarquées depuis quelques mois dans une opposition directe et ouverte à Talon. Ils se réunissent à nouveau donc pour combattre un homme, pourrait-on tenter de dire. Même si, au point de presse tenu par le fameux comité de médiation lundi, l’on a défendu cette tentative de réconciliation comme tenant de «l’intérêt supérieur de la nation».
Si Yayi et Azannaï décident aujourd’hui de refaire la paix entre eux, cela ne devrait pas a priori, être vu comme « un drame», ou quelque chose d’ « impensable » si l’on se met dans la logique que deux être humains, vanité des vanités, peuvent en arriver un jour à taire toutes les querelles qui les éloignaient pour « s’aimer » de nouveau. Mais quand il s’agit ici des personnalités politiques qui s’unissent ainsi pour combattre un adversaire commun, cela appelle à des réflexions profondes.
Certains évoquent déjà des raisons éminemment électorales. Les nouvelles dispositions du Code électoral n’imposent-elles pas cette réconciliation qui semble être la seule alternative à ces deux hommes pour sauver les meubles ? Toute la question est là, lorsqu’on sait que l’une de ces dispositions rejette désormais toute participation d’alliances de partis politiques aux élections législatives, mais plutôt des partis politiques en bonne et due forme. Comment cela pourrait alors se faire si Boni Yayi, président d’honneur du parti Fcbe et Candide Azannai, président du parti Restaurer l’espoir, n’acceptent pas d’évoluer ensemble pour, peut-être, en arriver à créer une espèce de bloc politique déjà en vogue dans l’autre camp, en vue d’affronter vaillamment les législatives de 2019. Selon des indiscrétions, ils y réfléchissent depuis plusieurs mois en sourdine. Et si cette réconciliation s’est mise en branle depuis peu, elle participe des actions rapides, préalables à une fusion politique prochaine, sous quelque forme que ce soit. Il semble bien que Yayi, Azannaï et leurs troupes respectives ont pris conscience du danger qui les guette face à ces rocambolesques regroupements politiques qu’opère le camp Talon avec les deux grands blocs déjà connus, « Dynamique unitaire » et « Bloc progressiste ». Deux blocs constitués de presque tous les acteurs politiques d’envergure aujourd’hui au Bénin. Il faut donc des initiatives politiques de la même taille. Et si le camp Yayi et les autres leaders opposants ne peuvent pas disposer des mêmes carapaces d’hommes politiques dans leur rang aujourd’hui, il faut qu’ils créent des unifications de surprise pour effrayer Talon et les siens. Si ce n’est pas cela, ça y ressemble.
Il reste à savoir si cette réconciliation pourra produire les résultats escomptés. Car il s’agit ici d’un appel que tente de lancer ainsi Yayi et Azannaï au peuple béninois pour, semble-t-il, les exhorter à rejoindre leur rang pour dérouter le régime Talon. Si Azannaï, deux à trois ans plutôt vouait aux gémonies le même Yayi au profit de Talon qu’il a fortement contribué à faire élire en 2016 en vient aujourd’hui à cette contrariété de vue, il aura du mal à convaincre sur la constance de sa ligne politique. La confusion qu’il sème dans les cœurs des uns et des autres est aujourd’hui totale, et certains attendent de voir comment tout ceci finira. C’est vrai que l’homme se définit souvent comme un champion de la realpolitik, mais bien de Béninois semblent se perdre aujourd’hui avec lui dans ses « va-et-vient » incessants entre les hommes qu’ils combattent depuis son avènement sur la scène politique béninoise.