e continue à chercher les raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de tuer sa propre politique dans le secteur numérique. Si vous en avez, je suis encore preneur. Parce que les raisons que les uns et les autres avancent pour expliquer la hausse drastique des frais de l’internet et même des communications ordinaires, me paraissent infantiles.
Lors d’une émission sur une chaîne de télé, le secrétaire exécutif de l’ARCEP a fait entendre que les opérateurs GSM eux-mêmes sont menacés par la baisse de leurs chiffres d’affaires relativement aux communications traditionnelles. Et il est vrai que depuis 2016, une étude intitulée Future of African Mobile Profitability, menée par le cabinet américain Xalam Analytics, mettait déjà les Etats en garde face au danger que représentent les OTT pour les opérateurs de téléphonie mobile. Mais cet argument est battu en brèche depuis ce jeudi 20 septembre 2018 par l’opérateur Moov Etisalat qui a formellement démenti avoir demandé quoi que ce soit dans ce sens.
Il est entendu aussi que la baisse des communications traditionnelles constitue un frein à l’économie nationale. Cet argument tire sa source du fait qu’effectivement plus les opérateurs GSM gagnent de l’argent, plus ils en font gagner à l’Etat à travers les redevances qu’ils paient en retour au Trésor Public. Cet argument aussi tombe à l’eau. C’est comme si l’on disait qu’il faut taxer les hôpitaux pour que le Trésor public puisse gagner de l’argent. Et puis, c’est un argument scandaleux, dans la mesure où l’on se préoccupe plus des milliards partagés par les sociétés GSM que des conditions de vie des citoyens qui doivent se battre tous les jours pour joindre les deux bouts.
Il n’y a d’ailleurs rien de plus scandaleux que cet argument qui laisse croire que derrière ces considérations se cachent peut-être des arrangements sordides avec les opérateurs GSM. Nous devons à cet égard nous poser la seule question qui vaille : depuis quand l’Etat se préoccupe-t-il de la santé financière des sociétés privées ? On ne fera pas saigner nos poches pour faire gagner des milliards aux actionnaires, quels qu’ils puissent être.
Le vrai paradoxe, les études économiques les plus sérieuses disent que la connectivité internet est un facteur essentiel de croissance économique de nos jours. La toute dernière étude publiée à ce sujet, est celle de la Banque Mondiale rendue publique le 05 septembre 2018 (il y a à peine deux semaines) et intitulée «Critical Connections : Promoting Economic Growth and Resilience in Europe and Central Asia ». Bien que cela concerne l’Europe et l’Asie Centrale, cette étude établit que l’amélioration de la connectivité a des retombées positives sur les Etats par le biais des transferts implicites de connaissances dans les chaînes d’approvisionnement régionales et de savoirs difficilement transmissibles par des livres ou des projets et qui s’acquièrent grâce à un apprentissage par la pratique.
Ce n’est pas pour rien que de nombreux Etats d’Afrique et d’ailleurs ont commencé à rendre l’internet gratuit pour leurs citoyens. Le cas le plus connu en Afrique est bien le Rwanda qui a investi des milliards et des milliards pour offrir l’internet gratuit dans ses grandes villes. Je veux conclure sur ce chapitre en soulignant que si l’accès à l’Internet est un facteur de croissance économique, l’absence ou la limitation de la connectivité internet est aussi un frein à la même croissance économique. Soit nous voulons une chose ou nous ne la voulons pas.
Faites vos enquêtes. Vous verrez que le Bénin est actuellement le seul pays à avoir taxé les réseaux sociaux en Afrique, jusqu’à ce seuil que nous voyons. Même l’Ouganda qui a commencé la taxation des réseaux sociaux sur le continent, et qui est d’ailleurs le seul en dehors du Bénin, ne prélève que 25 FCFA par jour sur chaque utilisateur. 25 FCFA par jour ! Ceux qui ont conseillé le Chef de l’Etat dans ce domaine, doivent nous dire où ils sont allés chercher ces idées d’un autre âge.
Finissons-en, puisqu’il le faut, en rappelant que tous ces fourvoiements ne manqueront pas d’avoir de graves répercussions politiques. Et c’est pourquoi je ne doute pas un seul instant que le Chef de l’Etat, qui est plus lucide qu’on ne le pense, saura trouver la juste mesure pour nous sortir de ce piège absolument inadmissible.