La réforme controversée du gouvernement dans le domaine des services de communications électroniques est un échec. Mais au lieu de reconnaître son tort, le gouvernement pointe du doigt les opérateurs Gsm.
La détermination des internautes béninois a payé. Il n’y aura pas de taxation sur les réseaux sociaux jusqu’à nouvel ordre. Le décret n° 2018-341 du 25 juillet 2018 portant introduction d’une contribution sur la consommation des services de communications électroniques fournis par les réseaux ouverts au public en République du Bénin a été abrogé par le Chef de l’Etat pour compter de ce lundi 24 septembre 2018. Ledit décret restreignait la liberté d’expression. Il avait institué une taxation intenable sur les réseaux sociaux. Les prix de l’internet ont connu une hausse exponentielle au point que de nombreux citoyens ont dû faire recours à des services alternatifs pour avoir accès à l’information. Il fallait doublement dépenser de l’argent pour communiquer via les réseaux sociaux et pour émettre aussi les appels. Face aux difficultés, les internautes et consommateurs,en général, se sont fait entendre à travers un engagement réel sur Facebook et d’autres plateformes. Les médias classiques ont aussi soutenu la mobilisation en relayant les critiques et dénonciations. Des associations ont prévu de prendre d’assaut certaines rues de Cotonou, mais leur demande a été refusée de façon illégale par certaines autorités. Face à la fronde qui montait, il fallait analyser la situation et prendre une décision. Ainsi à la suite d’une rencontre avec les responsables des opérateurs Gsm, le gouvernement a décidé de mettre fin aux effets du décret liberticide. Il l’a fait sans reconnaître ses responsabilités. En effet, le gouvernement a choisi de rejeter le tort sur les sociétés de téléphonie mobile. « En appréciant l’exposé sur l’état d’esprit des populations puis après avoir écouté les opérateurs Gsm et l’Arcep, le Gouvernement note que les modalités de mise en œuvre dudit décret par les opérateurs, à partir du 19 septembre 2018, sont de nature à rompre l’économie globale du secteur, au détriment des consommateurs, en particulier les plus modestes», peut-on lire dans le communiqué publié le samedi dernier. «Il s’observe notamment que : (…) d’énormes difficultés et perturbations techniques ont été notées lors de la mise en œuvre et ont entraîné des désagréments dans la consommation du service internet ; des milliers de consommateurs auraient vu leurs forfaits annulés par les Opérateurs ; le renchérissement des tarifs, en particulier pour les consommateurs les plus modestes, est de nature à entraver la démocratisation de l’internet portée par la vision du Gouvernement ; les consommateurs n’ont pas bénéficié d’informations suffisantes sur les nouvelles offres des Opérateurs ; la similitude entre les nouveaux tarifs présentés par les deux Opérateurs laisse soupçonner une entente illicite», a également souligné le Conseil des ministres. Les deux opérateurs Gsm sont donc, selon le gouvernement, les seuls responsables de la situation invivable notée. Et ce, bien que les nouveaux tarifs proposés aient d’abord été appréciés par le gouvernement. Sans doute, il existe une volonté délibérée de nier toute responsabilité de l’Exécutif dans l’augmentation fantaisiste des coûts de l’internet. Le gouvernement qui dit, sans aucune base scientifique, vouloir éviter le naufrage économique aux opérateurs Gsm, a simplement tiré à terre. Heureusement qu’il a compris très tôt que le rubicond a été franchi cette fois-ci et a dû rengainer.
Talon à l’écoute de son peuple?
C’est une situation difficile qui avait été imposée aux populations. Et les dénonciations ont obligé le Chef de l’État, compétiteur né, lui qui n’a peur de rien et ne recule devant quoi ou qui que ce soit, à remettre rapidement en cause sa propre décision. Il fallait vite éteindre le ”feu” qui est même allé déjà au-delà des frontières. Mais pour tirer profit de la situation, certains esprits malins trouvent que Patrice Talon est à l’écoute de son peuple. C’est trop facile d’offrir une telle réponse aux populations pour absoudre le Chef de l’Etat. Aucun consommateur n’oserait croire que Patrice Talon n’avait pas connaissance des éventuelles conséquences que devrait comporter une telle décision. Où était le Président de la République quand le décret se rédigeait? Un décret n’est pourtant pas un arrêté que pourrait prendre un seul ministre. Patrice Talon n’était-il pas informé des commentaires et protestations qui fusaient avant l’entrée en vigueur du décret ? Ne savait-t-il pas que le contenu du décret était en porte à faux avec la vision qu’il a lui-même déclinée dans le Programme d’actions du gouvernement (Pag)? La responsabilité de tout le gouvernement, soulignons le, est engagée. C’est une énième bourde qu’on ne devrait jamais laisser échapper.
(Romuald Wadagni et Aurelie Zoumarou imperturbables…)
C’est le gouvernement qui a donné des injonctions aux opérateurs Gsm à travers le décret n° 2018-341 du 25 juillet 2018 portant introduction d’une contribution sur la consommation des services de communications électroniques fournis par les réseaux ouverts au public en République du Bénin. Mais il a préféré désigner Etisalat-Bénin et Mtn-Bénin comme les responsables de la vraie pagaille à laquelle les Béninois ont fait face durant quatre jours presque (mercredi 19 au samedi 22 septembre). Indéniablement, le gouvernement est responsable, mais ce sont le ministre des Finances, Romuald Wadagni et sa collègue de l’Economie numérique, Aurélie Adam Soulé Zoumarou qui doivent être désignés comme les principaux auteurs de la confusion créée. En effet, le décret n’a pas pu être pris sans leurs interventions. Patrice Talon a dû nécessairement recueillir leurs avis voire leurs conseils de techniciens; et on a dû faire des simulations avant de signer le décret controversé. Alors comment peut-on qualifier une décision prise depuis plus d’un mois et qui a été rapportée après seulement quelques jours d’application? Inévitablement, on devrait s’interroger par rapport aux compétences des ministres Wadagni et Zoumarou. Principalement du ministre Wadagni qui, au nom du gouvernement, avait estimé que les Béninois passent leur temps à critiquer le gouvernement sur les réseaux sociaux et donc, ils doivent payer cher le prix des critiques. Ces deux ministres ont-ils réellement la maitrise des enjeux liés à leurs départements ministériels? Difficile de répondre. Ce qui est sûr, ils ne sont pas parvenus à prendre une décision juste et adaptée aux besoins réels des populations. C’est dire que même si on peut en vouloir aux opérateurs Gsm pour avoir mal appliqué le décret n° 2018-341 du 25 juillet 2018, les deux ministres ne sont pas sans reproches. Mais ils ne devraient rien craindre. Le Chef de l’Etat accorde une immunité totale à ses collaborateurs. Ils peuvent rester imperturbables comme le ministre des Sports dans le dossier « tricherie sur les âges des joueurs de l’équipe nationale». Les ministres Wadagni et Zoumarou devraient subir le même sort que le ministre KakpoMahougnon qui n’a rien perdu de sa sérénité, après avoir signé et rapporté quelques heures plus tard un arrêté sur le port du kaki obligatoire dans les établissements d’enseignement. Comme quoi, le président Talon protège bien les siens.