S’il y avait au Bénin comme dans les grandes démocraties des instituts de sondage dignes du nom, ils seraient unanimes sur la baisse de la cote de popularité du régime de la Rupture ces derniers jours. Contrairement à ce qu’on pouvait espérer, l’annulation de la mesure de taxation sur les réseaux sociaux n’a pas pour autant contribuer à remonter la cote du chef de l’Etat. Aux récriminations des citoyens qui ne comprennent toujours pas comment Patrice Talon s’est laissé convaincre de l’opportunité d’une telle décision, l’opposition politique se réveille de sa torpeur.
Code électoral, taxation sur les réseaux sociaux, convocation de Sébastien Ajavon par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), demande de poursuites d’anciens ministres opposants au régime par la Criet sont les sujets au menu des sorties médiatiques de l’opposition politique au régime Talon. Dans un premier temps, ce sont les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) qui ont condamné la demande de poursuite par la Criet d’anciens ministres alors que la Constitution dispose en son article 136 que seule la Haute cour de justice est compétente pour juger le président de la république et les membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions. De retour de Tokyo, l’ancien président Nicéphore Soglo a, dans une déclaration solennelle, fustigé le vote du nouveau code électoral par les députés acquis à la cause du Chef de l’Etat. Un code qui, selon lui, exclut la jeunesse et les pauvres de la vie politique nationale avec le relèvement des cautionnements à 250 millions pour la présidentielle et 249 millions pour les législatives. Hier, c’est le tour du parti Restaurer l’espoir de Candide Azannaï de monter au créneau. Lors d’une déclaration de presse faite par le secrétaire général du parti le député Guy Mitokpè, le gouvernement de la Rupture a été une fois de plus vitriolé. La vassalisation du parlement que le parti Re qualifie de copinage incestueux de la ‘’mafia’’ législative et de la ‘’mafia de l’Exécutif, l’installation progressive d’un régime policier, la remise en cause des décisions de la Cour font partie des sujets abordés par le parti de Candide Azannaï qui, pour finir, lance un vibrant appel au peuple pour la reconquête de l’Etat de droit. Ces sorties médiatiques de l’opposition politique, sans oublier les ‘’Initiatives’’ qui se multiplient dans les grandes villes du pays. Après l’Initiative de Nikki, il a eu l’Initiative de Parakou puis l’initiative de Cotonou mardi dernier. A toutes ces rencontres, le gouvernement de la Rupture a été critiqué de façon très virulente. Ces faits politiques sont révélateurs d’un climat de malaise généralisé. Il est vrai que les citoyens n’ont pas attendu les partis politiques de l’opposition notamment pour mener le combat contre la taxation sur les réseaux sociaux. Le fait qu’ils sont arrivés à faire reculer le gouvernement, à le faire douter est peut-être la cause de ce réveil soudain de l’opposition.
Le silence qui parle
Paradoxalement le gouvernement du Nouveau départ et ses alliés gardent le silence. Pas la moindre réplique, encore moins de contre-attaque. Face au tollé général que suscitent certains actes, la Rupture manque-t-elle d’arguments pour justifier ses propres choix ? C’est vrai qu’il est difficile de revenir justifier une décision dont on a soi-même reconnu une application sauvage et qu’on a rapportée. A part cette tentative désespérée d’attribuer le tort aux Gsm, on n’a plus entendu aucun membre du gouvernement revenir sur la question de taxation de l’internet. Pas plus d’ailleurs sur les sujets objets des sorties médiatiques de l’opposition. Les Béninois sont curieux de savoir les arguments du gouvernement au sujet de la saisie de la Criet pour connaître des faits reprochés aux anciens ministres de Yayi. Un acte qui sonne comme une violation flagrante de la Constitution. Il en est de même de la convocation de Sébastien Ajavon et de l’intérêt que porte le gouvernement à l’ancien ministre des finances de Yayi dans des dossiers déjà vidés par la justice béninoise. Si ce silence n’est pas une reconnaissance implicite de l’objectivité des critiques formulées par l’opposition, il faut croire que les sbires du régime manquent cruellement d’arguments.