Dans sa parution du vendredi 18 octobre 2013, votre quotidien « Le Matinal » dénonçait la mauvaise foi du gouvernement au sujet du maintien en détention des accusés Johannes Dagnon et consorts dans les affaires tentatives de coup d’Etat et d’empoisonnement du Chef de l’Etat et d’empoisonnement du Chef de l’Etat. Sur la question, Me Joseph Djogbénou s’est exprimé le lendemain sur sa page Facebook. Lire son opinion.
Chers amis
Il importe d’appeler l’attention de chacun sur les faits suivants :
Le 1er juillet 2013 la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou a rendu deux arrêts confirmatifs de non lieu n°107 /13 et 108 /12 à l’égard, d’une part, de Moudjaidou Soumanou, du Docteur Cisse, de Kora Zoubérath et, d’autre part, de Johannes Dagnon et de Pamphile Claude Zomahoun poursuivis pour, pour les uns, des faits d’association de malfaiteurs, tentative d’assassinat pour ce qui concerne et, pour les autres, d’attentat à la Sureté de l’Etat.
Immédiatement, Monsieur Paul Kato Atita, avocat et le Procureur Général près la cour d’Appel de Cotonou ont formé pourvois en cassation contre ces arrêts suivant déclarations reçues au greffe de la Cour d’Appel ce 1er juillet 2013.
On savait qu’ils recherchaient une couverture juridique au maintien en détention des personnes concernées. Mais on n’imaginait point que le Procureur général pût arbitrairement refuser de transmettre les dossiers à la juridiction qu’il avait lui-même saisie. C’est ce qu’il fit, pourtant.
Dès le 17 juillet 2013 en effet, suivant deux correspondances n°229/GEC/CA/13 et n°230/GEC/CA/13, le Greffier en Chef de la Cour d’appel de Cotonou a transmis au Procureur général près ladite Cour les dossiers objet des pourvois en vue de leur acheminement au parquet général près la Cour suprême à Porto-Novo.
Étonnamment, Monsieur le Procureur général n’a pas accompli les diligences de sa charge puisqu’il n’a pas daigné mettre les dossiers en route et ce, contrairement à la célérité dont il avait fait preuve quand il se fut agi de transmettre les dossiers du tribunal à la Cour d’appel.
Il s’est même autorisé à faire enrôler à nouveau ces dossiers à l’audience de la Chambre d’Accusation du 12 août 2013 à l’effet de voir statuer sur des requêtes en interprétation introduites le 25 juillet 2013 par Monsieur Paul Kato Atita pour le compte de la partie civile.
A la sommation à lui faite le 27 août 2013, le Président de la Chambre d’Accusation a rétabli les deux dossiers au parquet général près la Cour d’appel de Cotonou le 04 septembre 2013 en vue de leur transmission effective à la Cour suprême en précisant : « qu’il n’avait pas besoin de l’ensemble des deux dossiers pour vider son délibéré sur les requêtes en interprétation des arrêt n° 107 et 108 de Maître Paul Kato Atita »
Le Procureur Général près la Cour d’appel a encore refusé de les transmettre à la haute juridiction.
La chambre d’accusation a finalement rendu deux nouveaux arrêts le 07 octobre 2013 (arrêts n°134/13 et 135/13) déclarant irrecevables les requêtes en interprétation formulées par Monsieur Kato Atita. Celui-ci en a formé un nouveau pourvoi à la suite duquel, par correspondance du 14 octobre 2013, le Greffier en Chef de la Cour d’appel de Cotonou a mis tous les dossiers de ces procédures à la disposition du Procureur général pour être transmis à la haute juridiction. On ne pouvait alors que s’attendre à ce que tous les dossiers fussent transmis à la Cour suprême.
Le Procureur Général près la Cour d’appel refuse à nouveau de le faire
Lorsqu’un juriste renonce aux devoirs de sa charge et au service de la Nation, la justice devient le cimetière des libertés et de la dignité. Le Procureur général près la Cour d’appel de Cotonou s’expose à une faute morale et une faute professionnelle grave en usant de la ruse pour prolonger le maintien en détention de personnes qui eussent bénéficié de la liberté depuis fort longtemps.
Même s’il considère, à tort, que le pourvoi suspend la remise en liberté, il n’a pas le droit, de refuser, au moyen de stratagèmes, de transmettre les dossiers à la juridiction appelée à en connaître.
Même la cour suprême, à qui nous avons transmis les décisions rendues par exploit d’huissier refuse d’en connaître au motif qu’elle n’est pas saisie par le Procureur général, alors même que sa propre loi de procédure dispose qu’elle n’est saisie que par la déclaration de pourvoi et que l’okn ne saurait opposer à un plaideur le défaut d’accomplissement de formalités incombant à une personne publique.
L’espoir d’obtenir par servilisme une promotion et d’occuper des fonctions se joue souvent de la vertu et de la compétence et passe, en l’espèce, par la méchanceté inutile, l’inertie et l’absence de courage pour maintenir indûment des citoyens en détention.
Dagnon et consorts restent finalement en détention, parce qu’on refuse d’exécuter des décisions de justice, parce qu’on refuse que le juge que l’on a soi- même saisi examine leur cas, parce que ce même juge s’abstient de se mouvoir tant que celui qui refuse de lui transmettre les dossiers ne le fait pas. Dagnon et consorts gardent la prison parce que nous sommes dans la République des juristes, des magistrats et du Président dont le vouloir est règle. Une république où l’on finit par réaliser qu’il ne faut plus vivre longtemps pour voir quelque chose et son contraire.
A la suite de Simon Pierre Adovelande, de Désiré Vodounon, de Georges Constant Amoussou, de bien d’autres par le passé, de beaucoup d’autres à venir, Dagnon, Moudjaidou, Zomahoun restent en prison et les juristes font leur travail, rentrent le soir et sont en paix avec leur famille ; les magistrats gardent leur réserve, qui les préserve ; les Béninois circulent, ce n’est point leur affaire.
Le pays se porte bien en effet, et cela n’arrive qu’aux autres.