COTONOU - Au lendemain de l'annonce par les autorités
d'un coup d'Etat manqué au Bénin, l'homme d'affaires Patrice Talon, déjà
poursuivi pour avoir tenté d'empoisonner le président Boni Yayi il y a
quelques mois, est à nouveau cité comme un des instigateurs du complot.
"Un nouveau mandat d'arrêt international est en cours contre Patrice Talon
mais il n'est pas encore officiellement délivré, nous y travaillons", a
déclaré lundi à l'AFP le procureur de la République Justin Gbenameto.
Le procureur avait annoncé dimanche dans un communiqué l'interpellation de
deux personnes à Cotonou pour "tentative d'atteinte à la sûreté intérieure de
l'Etat" béninois.
Selon lui, le coup a été monté par un colonel, Pamphile Zomahoun, et un
homme d'affaires, Johannes Dagnon, tous deux actuellement détenus. Ceux-ci
comptaient empêcher le chef de l'Etat de rejoindre Cotonou après un voyage en
Guinée Equatoriale en février et instituer un régime militaire qui
contraindrait le président Thomas Boni Yayi à l'exil, d'après le procureur.
M. Dagnon, directeur de la Fiduciaire d'Afrique, un important cabinet
d'audit de Cotonou, est un cousin de Patrice Talon, auquel il est aussi lié
dans les affaires. M. Zomahoun a également collaboré avec M. Talon en 2011 et
2012 dans le cadre du programme de vérification des importations, géré à
l'époque par celui-ci.
Ancien allié du président Boni Yayi, Patrice Talon, magnat du coton, dont
on dit qu'il a financé les deux dernières campagnes présidentielles, est en
bisbille avec le régime depuis plusieurs mois, ayant dû renoncer à un gros
contrat dans le port de Cotonou ainsi qu'au monopole des intrants coton, selon
des observateurs.
Il été désigné fin octobre par les autorités judiciaires béninoises comme
le cerveau d'un complot présumé incluant trois proches du président béninois
et visant à l'éliminer à l'aide de médicaments empoisonnés.
Déjà sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour cette affaire, M.
Talon avait été arrêté à son domicile parisien début décembre avant d'être
remis en liberté moins de 24 heures plus tard. Placé sous contrôle judiciaire,
il avait remis son passeport aux autorités françaises.
L'avocat français de M. Talon, Me William Bourdon, qui avait qualifié cette
affaire de "persécution" et de "manipulation politique" à l'encontre de son
client, avait estimé qu'il était "non extradable vers le Bénin où les risques
pour son intégrité physique sont évidents".
"Au lieu de penser aux problèmes de délestage, de crise économique et
autres, nous voici encore en présence d'un autre dossier", s'est indigné
l'avocat béninois de MM. Talon et Dagnon, Me Joseph Djogbenou, s'adressant
lundi à la presse devant la cour de Cotonou, avant d'inviter les juges à
"joue(r) leur rôle pour que la vérité triomphe".
Un député de l'Union fait la Nation (UFN, opposition), Antoine Idji
Kolawolé, joint par l'AFP, s'est dit lundi "étonné" qu'il y ait encore
aujourd'hui au Bénin "une place pour les coups d'Etat".
"Heureusement qu'ils n'ont pas parlé de l'opposition. Mais si les propres
amis de (Boni) Yayi sont fatigués de lui, nous leur demandons (...)de prendre
leur mal en patience et d'attendre un régime normal, nous sommes en
démocratie", a-t-il ajouté.
Thomas Boni Yayi, 60 ans, ancien économiste, a été élu en 2006 à la
présidence et réélu en 2011.