Si j’étais à la place de Talon, actuellement, je changerais radicalement de méthode de communication. Il se passe aujourd’hui que la popularité du chef de l’Etat est en chute libre, appelant de lui une action rapide et immédiate. Mais la question est de savoir s’il le pourra, c’est-à-dire s’il pourra prendre la mesure des enjeux et opérer une rupture.
Il se fait que Patrice Talon a choisi un mode de communication qui privilégie l’isolement et la distance, au détriment du contact direct. Dans le même temps, il laisse à ses collaborateurs et autres membres de la mouvance, le soin de créer la bulle nécessaire à son aura au sein de la population. En évitant d’être populiste, le Chef de l’Etat n’en est pas moins exigeant sur ce dernier point. Aucun ministre, aucun DG ou responsable politique de la mouvance ne peut faire le moindre discours sans évoquer le PAG et l’onction de Talon. C’est une exigence coutumière qui est aujourd’hui insuffisante à redorer le blason de la Rupture qui prend l’eau de toutes parts.
A dire vrai, les couacs se sont multipliés ces derniers jours. Quoi que l’on puisse dire, l’affaire Korogoné est vécue dans l’opinion comme une injustice grave. De quoi accroître la popularité de l’activiste de Nikki qui a écopé d’un an d’emprisonnement ferme assorti d’une amende de trois millions de FCFA. Surfant sur cette vague sombre, la lettre ouverte de l’ancien président Yayi Boni, a ravivé davantage la polémique. Désormais, et définitivement, il faut déployer des efforts surhumains pour enlever de la tête des Béninois que Talon n’est pas en train de dérouler une machine liberticide qui ne broie que les opposants, tout en dressant un tapis rouge aux mouvanciers.
L’affaire des 18 kg de cocaïne est venue envenimer la situation déjà délétère. Qu’on le veuille ou non, Sébastien Ajavon est dans le rôle de la victime maltraitée et martyrisée, surtout que Patrice Talon lui-même avait déjà prétendu que pour gagner les élections au Bénin, nul n’est besoin d’exhiber un bilan élogieux. Il faut seulement réussir à museler toute autre velléité de candidature. Pour la majorité des citoyens, voilà le plan qui est en cours. Et si les électeurs connaissent les intentions politiciennes sous-tendant les poursuites judiciaires, il n’y aura aucun effet de surprise. Le vote-sanction de 2016 va encore parler en 2019 aux législatives. Ne l’oublions pas : dans ce pays, Séfou Fagbohoun, même en prison et surtout parce qu’il y était, a réussi à se faire élire député. Le même processus de victimisation de l’opposition ne servira qu’à rendre le Chef de l’Etat encore plus impopulaire.
Que personne ne trompe personne. L’impopularité actuellement croissante aura des effets néfastes l’année prochaine. Le peuple des villes et des campagnes, sous la poussée de l’opposition, a atteint un niveau de frustration dangereux. D’autant d’ailleurs que, selon mes propres observations, la parole de la mouvance est de moins en moins audible sur l’échiquier. Elle est même dénaturée en permanence, suspectée de ruse et d’intentions politiciennes malveillantes. Ce sont les conséquences directes de la perte de crédibilité et de l’aura du pouvoir. Les dernières décisions relatives à la taxation d’Internet, ont achevé de rendre le régime impopulaire. Désormais, certains ministres auront même du mal à évoquer des sujets sur lesquels ils passaient pourtant pour des experts chevronnés.
Il en est ainsi des désillusions politiques. Et quand un peuple en vient à ce niveau mental, il est presque impossible de lui faire entendre raison.
Dans ces conditions, que peut faire le Chef de l’Etat ?
Il y a une rupture urgente à opérer. En mon âme et conscience, je reste convaincu que Talon ne fera rien. Il n’a pourtant d’autre option actuellement que de sortir de son isolement volontaire pour rentrer dans la mêlée, aller au contact des foules dans les villes et les campagnes.
Car, au XXIème siècle nul ne s’isole en son palais sans conséquence, sous prétexte de ne pas être populiste. Aller dans les marchés, participer à des meetings politiques pour expliquer ses réformes, visiter les structures déconcentrées de l’Etat, aller sur les chantiers, voilà ce que font tous les Présidents aujourd’hui pour ne pas perdre pieds dans leurs peuples.
Ne pas le faire, reviendrait à laisser envahir l’Assemblée nationale par l’opposition en 2019. C’est-à-dire voir Candide Azanaï, Sébastien Ajavon ou même Yayi Boni prendre le contrôle du parlement. Pour le plus grand malheur de Patrice Talon.