Que gagne l’homme d’affaires Sébastien Ajavon à s’opposer à l’ordre donné par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) de se présenter le 18 octobre 2018 ? De l’honneur ou des ennuis ? La résistance est-elle utile en pareille occasion ?
A l’appel du juge, on se présente. Si l’on ne peut pas le faire en personne, on le motive où on se fait représenter. L’homme d’affaires Sébastien Ajavon a choisi de se faire représenter à l’appel du juge le 4 octobre 2018. L’attitude, en toute honnêteté n’est pas blâmable, puisque les textes le prévoient. Le prévenu peut se faire représenter par son avocat s’il éprouve un empêchement évident à se présenter. Jusque-là, l’homme d’affaires n’est pas fautif, puisqu’il ne fait rien d’autre qu’exercer un droit que lui confèrent les textes. Dans le même temps, il ne serait pas excessif d’analyser un peu les arguments du Ministère public de la Criet qui, dans le fond, ne manquent pas de logique. En effet, le Procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a affirmé que l’affaire Ajavon ainsi que toutes les autres affaires de trafic de drogue font l’objet d’une procédure différente, c’est à dire qu’elles sont transférées des juridictions ordinaires à une juridiction spéciale qui s’appelle Criet. Il établit que, comme ladite Cour ne connaît que pour la première fois de ces dossiers, la présence des personnes en cause est nécessaire pour permettre de se fonder sur leurs déclarations respectives. Cet argumentaire s’oppose au principe de la représentation et force ainsi la personne en cause à se présenter à la barre. Pour les avocats de l’homme d’affaires, cette position du Ministère public n’est adossée à aucune disposition légale en vigueur. Ils ont tempêté pendant le procès, mais c’est finalement la réquisition du Ministère public qui a prospéré, puisque la Cour a, par finir, demandé à Sébastien Ajavon de se présenter pour être écouté le 18 octobre. A partir de cet instant, la donne change. On dira même que la situation échappe royalement à l’homme d’affaires dont l’absence pourrait être perçue comme une forme de résistance ou de rébellion à décision de justice. Dans tous les cas de figure, l’absence d’un prévenu ou d’un accusé ne lui a presque jamais été bénéfique. Au-delà du fait que sa version des faits est royalement mise entre parenthèses, il s’agit également d’un refus consentant de la jouissance d’un droit éminent de la défense qu’est le contradictoire. Il n’y a pas mieux que le prévenu ou l’accusé pour se défendre (les avocats ne peuvent traduire les sentiments, les craintes, les peurs, la concision, la clarté des idées, les émotions de l’accusé, toute chose entrant dans la reddition). Sébastien Ajavon consentira donc à perdre ce privilège et à autoriser la Cour à rendre en son absence, une décision qu’il pourrait fondamentalement faire basculer s’il était présent. En plus de cet aspect important, il est utile de souligner que la Criet (mieux que les Cours d’assises qui ne se constituent qu’en session) est une Cour au vrai sens du terme. Elle statue en premier et dernier ressort. Cela explique justement la nécessité d’écouter l’accusé, car la décision qui sera rendue sera sans recours sauf à se pourvoir en cassation. Au-delà de toute considération politique ou politicienne et au-delà même de tout conseil erroné d’avocats à la recherche d’honoraire ou de militants partisans, il est nécessaire de conseiller l’homme d’affaires à plus de clairvoyance. Dans tous les cas de figure, son refus de se présenter ne lui apportera rien de bénéfique. Même en son absence, il peut bel et bien être jugé et même condamné. La difficulté à ce niveau est qu’il n’aura plus aucune marge de manœuvre puisqu’il s’agira d’une décision de justice assortie d’une force exécutoire. On pourra donc en son temps contraindre l’intéressé par un mandat en bonne et due forme qui aura force légale pour être appliquée. Ç’aura été le comble des humiliations pour un homme d’une dimension aussi respectable. Sa présence permettra à l’opinion de se faire sa chapelle (les débats étant publics) et de tirer la conclusion de ce qu’il y a réellement acharnement ou non. Dans tous les cas et quels que soient les motifs, le courage de l’homme d’affaires aura permis de comprendre le fond de cette affaire et de laisser le temps faire le reste.