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Le Matinal N° 4210 du 21/10/2013

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Me Joseph Djogbénou à propos du Mouvement mercredi rouge :« Il y a une sorte de baisse de régime mais c’est un réveil ciblé, sectoriel… »
Publié le mardi 22 octobre 2013   |  Le Matinal


Maître
© 24 heures au Bénin par DR
Maître Joseph Djogbénou avocat de Johannès Dagnon


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A propos du Mouvement mercredi rouge actuellement en berne, Me Joseph Djogbénou, l’un des concepteurs présente ici le bilan. Dans cette interview, il ne s’avoue pas vaincu et compte attiser davantage le mouvement qui sera à la 14ème édition demain mercredi. A la veille du 14ème mercredi rouge, quel bilan faites-vous du mouvement ? Le bilan est, on ne peut plus, heureux. Je n’ose pas dire glorieux. Heureux par rapport aux résultats. Pas glorieux en ce qui concerne la portée. Les résultats, c’est lorsqu’on adopte une approche finaliste, c’est-à-dire, lorsqu’on met en exergue, les fins recherchées. Quelles sont ces fins ? C’est faire prendre conscience à nos compatriotes notamment à l’élite béninoise que ce qui se prépare autour de la révision de la Constitution, ce qui se prépare autour de la minoration de l’importance de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi), ce qui se prépare autour de la tentative de remise en cause de ce qui était considéré, depuis 1990, comme une option fondamentale de notre République, à savoir l’impossibilité de faire plus de deux mandats est dangereux. De ce point de vue, nous considérons que beaucoup plus de Béninois prennent conscience de ce qu’il y a un danger. L’interrogation est vive même si les réponses ne sont pas encore satisfaisantes. Vous savez que le clergé est intervenu, les partis politiques aussi, dans le sens du refus de la manière dont on veut procéder actuellement à révision de la Constitution. De ce point de vue, la conscience est établie. Et pourquoi dites-vous que les résultats ne sont pas glorieux ? On aurait aimé que plus de Béninois portent le rouge. Il faut être réaliste, lorsque certains ont été interpellés, l’on a considéré, sans doute, qu’il y avait plus de crainte à porter le rouge. Ce n’est pas, par volonté, que les uns et les autres ne portent pas la couleur rouge. Mais en même temps, on peut considérer que n’étant pas de culture portée vers le rouge, certains n’avaient pas et n’ont pas encore une tenue de cette couleur dans leur armoire. Et donc, on travaillera davantage à faire en sorte que le rouge rayonne. A considérer, par ailleurs les tentatives de débats, la réaction de l’Assemblée nationale par rapport à l’initiative introduite, tout cela nous conforte à dire que nous n’avons pas totalement tort. Les résultats sont satisfaisants. Mais en même temps, on a l’impression que l’engouement n’est plus le même qu’au début. Du mercredi rouge, on en parle de moins en moins. La colère est comme l’eau qui jaillit d’une source. Elle n’a pas la même intensité tout le temps. L’être humain ou la société qui se met en colère avec la même intensité disparaitrait beaucoup plus rapidement. Parce qu’il faut un cœur qui porte la colère. Il faut des poumons qui impulsent la colère. Il ne faut pas être étonné qu’il ait comme une sorte de baisse de régime dans l’expression de la colère. Ça ne m’étonne pas, parce que nous sommes en colère mais nous devons travailler. Nous sommes en colère mais nous devons envoyer nos enfants à l’école. Nous sommes en colère mais nous devons organiser les vacances et les congés. Nous sommes en colère mais nous avons d’autres préoccupations. Mais l’essentiel, c’est de dire et d’affirmer que nous sommes en colère. Moi je considère qu’il y a une sorte de réveil ciblé, sectoriel et régional, je ne dis pas régionaliste. Le rouge, c’est maintenant l’instrument pour faire dire à son voisin que l’on n’est pas d’accord. De mon point de vue, il ne faut pas craindre qu’il y ait comme une sorte de baisse de régime et un réveil de temps en temps. Nous même, nous avons intégré cela parce qu’on ne peut pas porter très haut la colère tout le temps. Pour les mercredis à venir, nous allons porter le message sur le terrain de l’attention et de la préoccupation et à faire en sorte qu’on ne baisse pas la garde. Le signal de la baisse de garde vient-il de quelques pressions ? L’affaire Gaston Zossou le 1er août par exemple. Non, non, ce n’est pas cela. Mais la question est la bienvenue. On a l’impression que parce qu’une personne s’est investie dans ce mouvement, qu’on a voulu porter atteinte à sa liberté y compris moi-même quand j’y étais. Il était envisagé, selon les informations qui nous étaient parvenues, que nous étions les deux à devoir répondre devant quelle juridiction, je ne le sais. C’est en des situations comme cela qu’il faut lutter. Ni le Christ, ni Mahomet ne sont venus dans un pays où il y a la paix totale, où tout le monde trouve à manger. Où la loi est respectée. Ils sont venus pour rétablir la loi. Allons-nous attendre que Monsieur Boni Yayi considère que « tout ce que vous dites est vrai. Moi je dépose les armes, moi je vous accorde même une garde rapprochée pour vous manifester ». Notre discours, c’est de dire ce n’est pas parce qu’il y aurait des policiers, des gendarmes que l’on va refuser de porter, ne serait-ce que une chemise rouge, un foulard rouge, un bandeau rouge. C’est vrai que certains ont perçu cela comme une crainte. Mais il faut davantage affirmer que dans un pays où on veut construire, non pas pour soi-même forcément, mais pour la suite de soi-même, pour ses enfants, pour son avenir, pour sa propre liberté à venir, c’est maintenant où cela semble assez difficile qu’il faut élever la voix et faire en sorte que l’autre sache que vous existez. Voulez-vous dire que la lutte continue ? Si vous-même vous répondez à la question de savoir est-ce que l’on a retiré la révision de la Constitution, est-ce que la Lépi est totalement un instrument transparent, ouvert à tous, capable de nous permettre d’organiser les élections saines et transparentes, eh bien, je dirai oui, c’est fini. Si vous répondez à la question de savoir, est-ce que nous avons l’assurance que non seulement Boni Yayi va partir, mais que le même régime ne va pas continuer avec une figure de substitution, je dirai que mercredi rouge va s’éteindre. J’ai l’impression que mercredi rouge, c’est le sang qui bat dans le cœur lorsque quelque chose ne va pas. Mais si vous me dites que tout va bien, dans le meilleur des mondes et pour le meilleur aussi, mercredi rouge n’aurait pas de sens. Je voudrais que chacun comprenne qu’on ne contraint pas les Béninois à porter le rouge. Il faut que cela soit très clair. S’il y a des Béninois qui considèrent que Boni Yayi gère bien le pays, que lorsqu’ils vont aux concours publics, on ne va pas leur demander ce qu’ils savent, mais on va leur demander, a posteriori, qui ils sont ? ; Si on considère que la révision de la Constitution est parfaite, nécessaire et opportune ; que l’affaire Icc Services c’est de la fiction ; que Cen-Sad c’est de la fiction, que le pays est bien debout et tout le monde a la meilleure santé, que le Ramu n’est pas une nouvelle affaire Icc, je ne demande pas à ces personnes de porter une tenue rouge. Mais si vous considérez que le contraire, vous n’êtes pas admis à dire que vous être silencieux, qu’on va à l’église prier pour que tout aille mieux après. La différence entre l’être humain et les animaux, c’est notre capacité à réagir lorsque ça ne va pas. Et si nous refusons de réagir alors que ça ne va pas, je crains que nous nous ramenions nous-mêmes aux animaux. Je voudrais insister sur le fait qu’il faut arrêter d’avoir peur. Si vous avez une tenue rouge et que vous, vous avez peur, et que votre voisin veut porter, remettez lui cette tenue rouge. Il faut considérer aussi que nous avons un nouveau code de procédure pénale et suffisamment d’éléments qui nous rendent libres et il faut en profiter. La plus grande manifestation c’est que chacun de nos concitoyens doit porter le rouge. Non pas pour ma personne, mais pour le pays, pour ce contre quoi, ils ne sont pas d’accord. D’aucuns soutiennent que l’initiative est financée par des hommes d’affaires de haut niveau. Que répondez-vous ? Il faut dire que mercredi rouge est une idée d’une spontanéité extrême. L’idée a été prise, par certains, dans mon bureau, de répondre à une seule question : comment dire sa colère dans un pays où on ne peut pas marcher, où on ne peut pas manifester, où toutes les manifestations sont interdites ; et comment faire en sorte qu’on dise sa colère sans exposer des fonds. Mercredi rouge au départ, c’est sans financement. C’est-à-dire que mon corps est exposé pour dire ma colère. Je porte une tenue de couleur rouge et je n’ai pas besoin de financement. Ce n’est pas une manifestation pour laquelle on regroupe les gens de région en région dans une salle louée. En principe, il n’y a pas d’argent. Mais en même temps, les premiers « mercredi rouge » ont été difficiles. J’ai payé et certains parmi nous ont payé de leur poche. Bien sûr, il y a des citoyens béninois qui ont souscrit. Et je n’ai pas d’état d’âme par rapport à ces citoyens. Parce qu’il n’est pas interdit, lorsqu’on porte en soi-même une vue, une option, une opinion d’encourager celles et ceux qui aident à porter encore plus loin cette opinion. Mais quand vous dites des hommes d’affaires de haut niveau, je ne sais pas sur quelle échelle de valeur. Mais considérez que personnellement je contribue et je contribuerai davantage.

Propos recueillis par Abdourhamane Touré

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