Bientôt trois ans que le caporal Mohamed Dangou a été froidement abattu par ses frères d’armes au Camp Ghézo, un camp militaire situé au centre-ville de Cotonou. Si la Cour constitutionnelle, dans sa décision Dcc 16-115du 28 juillet 2018, a condamné les forces armées béninoises pour n’avoir pas protégé la vie du brigadier qui se trouvait sous leur responsabilité, il faut souligner jusqu’ici, qu’aucun procès ne s’est tenu pour faire la lumière sur cette affaire. La dépouille du caporal Dangou étant toujours gardée à la morgue et interdite d’accès aux parents, l’affaire serait alors pendante devant la justice, selon certains observateurs. Mais au regard du calme plat qui règne autour du dossier depuis des années, il importe de se demander ce que devient cette affaire…
06 janvier 2016. Cette date restera gravée dans les mémoires de plusieurs Béninois notamment les parents et proches du jeune caporal Mohamed Dangou. Dans l’après-midi de ce mercredi, tout est allé si vite que la seule image qui circulait sur les réseaux sociaux reste celle dans laquelle ce soldat giclait dans un bain de sang. Il venait d’être froidement abattu par ses frères d’armes alors qu’il refusait d’obtempérer à une sommation à lui faite par d’autres éléments mandatés de la mission de l’appréhender, selon des témoins. A l’origine de cet acte, une affaire de primes de mission onusienne en Côte-d’Ivoire. Selon de troublantes révélations faites sur une télévision locale par un témoin du drame, les supérieurs hiérarchiques auraient voulu menotter pour les conduire dans un lieu inconnu,le sergent Victorien Melidji, lui aussi auditionné au même moment que le caporal décédé. C’est ainsi que le caporal Dangou, refusant de s’exécuter, a été abattu, selon ses dires. Le sergent Melidjiavait expliqué qu’un supérieur de l’armée, qu’il n’a pas voulu nommer, a donné l’ordre de tirer sur le corporal. Par contre, pour le Chef d’Etat-Major Général, tout serait parti d’une manifestation qualifiée de « rébellion », qui a eu lieu en Côte-d’Ivoire. Selon les clarifications du Général Bouko Nahimi, le Caporal Dangou fait partie des meneurs d’une manifestation qui s’est produite en Côte-d’Ivoire où les soldats Béninois sont engagés. Cette manifestation a été organisée pour réclamer des primes ; primes qui leur ont été payées à leur retour au pays après plusieurs démarches menées par le Ministre de la Défense. Après donc une enquête qui a été ouverte pour clarifier les faits et situer les responsabilités, il a été décidé de conduire en cellule le Caporal Dangou et quatre autres de ses frères en armes car considérés comme les meneurs. Le disparu ne voulant pas obtempérer, a manifesté sa colère et a voulu quitter le camp. « Il vociférait, il tempêtait, il disait qu’il est prêt à tout, qu’il allait mettre le pays à feu et à sang », a déclaré Bouko Nahimi. Au moment où il a voulu sortir par la sortie Est du Camp, il a été touché dans ses parties vitales. Il a donc rendu l’âme sur place et un des gendarmes qui le poursuivait a été gravement blessé et conduit à l’Hôpital d’instruction des armées, selon ses clarifications. Mais pour plusieurs citoyens et acteurs de la société civile, toute la vérité n’a pas été dite sur les réelles circonstances du décès du soldat. Etait-il armé ? Si non, avait-on besoin d’ouvrir le feu sur un individu non armé pour l’appréhender ? Qu’en dit l’avocat commis pour défendre le disparu ? Autant de questions qui continuent de tarauder les esprits de plus d’un. Bientôt trois ans et rien n’a filtré pour élucider les circonstances dans lesquelles ce soldat a été abattu. La dépouille est toujours gardée à la morgue malgré les plaintes de sa famille pour la récupérer afin de lui rendre les derniers honneurs et l’inhumer dignement. Mais rien ne semble bouger pendant que les familles de la victime exigent que la lumière soit faite sur l’affaire…