20 ans de prison ferme. C’est la peine infligée au Roi de la volaille la semaine écoulée par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Une condamnation qui pourrait dresser un boulevard à la Rupture lors des prochaines législatives. Mais l’opposition pourrait aussi tirer profit de cet arrêt d’une juridiction d’exception décriée par tous les démocrates sérieux.
Sébastien Ajavon ‟est fini”. Certains politiques voudraient y croire. Ils pourraient à tout le moins prendre le risque de crier victoire après la condamnation dont a écopé le président d’honneur de l’Union sociale libérale (Usl) le 18 octobre 2018. En effet, la Criet n’a pas hésité à prononcer 20 ans de prison ferme, la peine maximale, contre l’homme d’affaires, classé troisième lors de la présidentielle de 2016. Si la Cour suprême n’examine pas le pourvoi en cassation qu’entend relever la défense de Sébastien Ajavon avant mars prochain ou encore si elle confirme avant cette date la décision de la Criet, le Roi de la volaille sera exclu des législatives prochaines. Sous le coup d’un mandat d’arrêt international, cet opposant qui a déjà fait une demande d’asile politique en France risque de ne plus retourner au Bénin pendant longtemps. Et si c’est le cas, la mouvance présidentielle pourrait tirer profit d’une telle situation. L’Usl, le parti en construction, pourrait être fragilisée. Le parti pourrait souffrir de moyens financiers. Et l’absence physique de Sébastien Ajavon pourrait influencer négativement le choix des électeurs en 2019. Les partis proches du pouvoir pourraient engranger des points en présentant au cours de la campagne électorale Sébastien Ajavon comme un baron de la drogue, donc peu fréquentable et non représentatif. Toute l’opposition perdrait une figure de proue et manquerait aussi de grosses ressources financières. La Rupture déjà en difficulté dans l’opinion se retrouverait sur un boulevard politique libre. Elle pourrait prendre des forces et retrouver l’énergie nécessaire face à une opposition de plus en plus appréciée par la population. Et ce, grâce à l’arrêt historique de la Criet, une juridiction créée de toute pièce par les députés du Bloc de la majorité présidentielle (Bmp). Cette décision pourrait permettre d’éjecter définitivement de la scène politique nationale un homme d’affaires riche et philanthrope mais aussi un homme politique toujours populaire.
Un verdict qui desservira Talon?
La décision prononcée le 18 octobre dernier par la Criet pourrait produire des effets contraires à ceux espérés par un camp politique. Certains apparatchiks de la mouvance présidentielle qui croyaient pouvoir tirer des avantages de la condamnation controversée de Sébastien Ajavon pourraient être surpris sur le terrain. En effet, même condamné et contraint de vivre hors du territoire national, le président d’honneur de l’Usl pourrait toujours rester un atout déterminant pour l’opposition. Ses soutiens pourraient, ils ont d’ailleurs commencé à le faire, le présenter comme une victime de la caporalisation des institutions sous la Rupture. Ils rappelleront sans doute l’acharnement dont leur leader et ses entreprises ont été l’objet depuis octobre 2016. Dans la bataille électorale qui s’engagera bientôt, l’Usl et le Parti Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), les deux plus grands regroupements de l’opposition, chercheront à coup sûr à jouer sur la sensibilité des nombreux électeurs qui ont pendant longtemps bénéficié de la générosité du Patron des patrons béninois. Et les citoyens béninois qui ont souvent pris fait et cause pour le persécuté ou l’opprimé, comme ce fut d’ailleurs le cas pour Patrice Talon sous Yayi Boni, pourraient bien désavouer la Rupture dépeinte comme un régime plutôt ultralibéral aux méthodes brutales. C’est dire que la condamnation de Sébastien Ajavon pourrait desservir toute la Rupture et particulièrement le Chef de l’Etat lors des législatives de 2019. Pour le moins, l’ancien allié de Patrice Talon sera au cœur de la prochaine campagne électorale qui s’annonce très animée voire orageuse.