Cette affaire a fait grand bruit. Plus que cela, elle avait jeté de l’émoi dans les cœurs. Les heures qui ont suivi le vote de la loi 2018-15 portant code pénal en République du Bénin, le 5 juin dernier, ont été éprouvantes pour les acteurs du commerce de l’essence de contrebande communément appelée « kpayo ». Cette activité qui nourrit cent mille familles, soit près d’un million de personnes, était plus que jamais menacée. Les peines corsées insérées à dessein dans ce texte de loi visaient à décourager les personnes qui ont fait de cette activité leur gagne-pain. La volonté du législateur ne souffre d’aucune ambiguïté. Pour les députés, il était temps de mettre un terme à ce commerce illicite, et la solution appropriée passe à leurs yeux par une interdiction pure et simple assortie de sanctions. Les acteurs de cette filière économique qui voyaient le ciel tomber sur leurs têtes ne savaient plus à quel saint se vouer.
Ce code pénal riche de 1007 articles répartis en 4 livres interdit le commerce de l’essence de contrebande sous toutes ses formes. L’article 929 de ce texte dispose : « Le commerce des carburants, notamment : essence super, essence tourisme, pétrole, gasoil, mélange deux temps, ainsi que celui des lubrifiants aux abords des rues, dans les agglomérations, et tout endroit autre que dans les dépôts et installations de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers ou des distributeurs agréés sont rigoureusement prohibés ». Cette interdiction est assortie de sanctions telles que la confiscation des produits et des moyens de transport, l’amende égale au double de la valeur des produits saisis, dans tous les cas, le montant de ladite amende ne peut être inférieur à cent mille francs Cfa et l’emprisonnement ferme qui peut aller de trois mois à trois ans. Sur ce coup, les députés ne sont pas allés de main morte.
Les consommateurs aussi se sont sentis concernés par ce débat. Eux qui, dans leur écrasante majorité, s’approvisionnent auprès de ces vendeurs à cause des prix accessibles pratiqués poussaient des jurons à tout bout de champ. Se voyant contraints de s’approvisionner désormais dans les stations-service, ils espéraient secrètement que ce code pénal ne soit pas appliqué à la lettre. Puis, du jour au lendemain, alors que les vendeurs installés aux abords des voies et dans les ruelles redoutaient une répression impitoyable, la bonne nouvelle leur est parvenue. Contrairement à leurs appréhensions, les décideurs ne se sont pas mis dans une posture de chasse aux sorcières. Néanmoins, l’activité telle qu’elle se pratique, sera améliorée dans la forme avec un accent particulier sur les mesures de sécurité. Les mini-stations mobiles installées avec les équipements appropriés ont donc été proposées pour éviter les dégâts causés par la manipulation de l’essence « kpayo ».
Quatre mois se sont écoulés et depuis, rien n’a changé. Ce produit dangereux éminemment inflammable fait des dégâts comme à l’accoutumée au nez et à la barbe des décideurs. Seule une mini station mobile a fait son apparition à Cotonou. L’intérêt suscité par cet outil auprès des consommateurs témoigne de la pertinence de cette trouvaille. Qu’attendent les autorités et les bras économiques du secteur pour aller vers la généralisation ? Si, en dépit de son caractère dangereux, le gouvernement fait l’option de fermer les yeux sur ce commerce, il ne saurait continuer à demeurer laxiste quant à la manière dont ce produit est conservé et vendu. Un effort a été fait pour ce qui est du transport à Cotonou et environs pour limiter les dégâts. Il faut permettre aux acteurs qui sont au contact des consommateurs de poursuivre leurs activités dans des conditions optimales de sécurité. En tout état de cause, le gouvernement ne peut plus continuer à se défiler.
Moïse DOSSOUMOU