« Dire soi-même qu’on a rendu l’emploi précaire pour faciliter l’embauche est une erreur. Cela signifie qu’on se déclare l’ennemi de son peuple et l’ami des investisseurs. Ce n’est pas rassurant pour l’investisseur qui aime d’abord la paix sociale pour la sécurité de ses capitaux », a-t-il commenté
Le chef d’Etat béninois, Patrice Talon, a pris part, du 30 au 31 octobre 2018, à une conférence de partenariat entre les 20 pays les plus industrialisés et l’Afrique, « G20 compact with Africa », à Berlin en Allemagne.
Quelques jours après la participation de délégation béninoise, le professeur Ahouansou, a analysé les propos du chef d’Etat béninois devant ses pairs en Europe.
A travers une contribution parvenue à notre rédaction, René Ahouansou renseigne sur les conséquences qui découleront de la prestation de Patrice Talon. Lire ci-dessous, l’intégralité de sa déclaration.
Contribution de René Ahouansou
LES DECLARATIONS PEU HEUREUSES DU CHEF DE L’ETAT AU SOMMET G-20-AFRIQUE EN ALLEMAGNE.
Quand on critique le Chef de l’État pour ses déclarations publiques qui ne répondent pas aux circonstances, ce n’est point commettre un outrage à son égard ni entrer dans sa vie privée comme peuvent le penser certains bien à tort mais c’est au contraire l’aider à dire ce qui est approprié compte tenu de l’auditoire et des circonstances. Le discours du Chef de l’État en Allemagne est inapproprié et ceux qui le lui ont rédigé ont péché par ignorance des us et coutumes diplomatiques.
Croire qu’on a créé les meilleures conditions pour les investisseurs étrangers en déclarant qu’on a réduit les jours de grève à 2 jours par mois et à 10 jours par an au Bénin n’est nullement présenter la meilleure carte de visite pour notre pays en espérant que cela suffira pour attirer les capitaux étrangers. Dire soi-même qu’on a rendu l’emploi précaire pour faciliter l’embauche est une erreur. Cela signifie qu’on se déclare l’ennemi de son peuple et l’ami des investisseurs. Ce n’est pas rassurant pour l’investisseur qui aime d’abord la paix sociale pour la sécurité de ses capitaux.
Il s’agit là de déclarations contre-productives, car elles font apparaitre le Bénin comme un pays où le mode de vie est la grève et non le travail, à tel point que l’Etat a dû sortir l’artillerie lourde et aller contre les Conventions internationales de l’OIT, du BIT et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme sur le travail .
Présenter son pays comme une dictature aux manières fortes et musclées en fait un plat très peu savoureux pour des capitaux qui cherchent où s’investir en toute tranquillité et pour le maximum de profit. Cette image laisse présager l’éventualité d’affrontements sociaux, car les grèves sont toujours le résultat de rupture des contrats de travail par l’employeur. Les travailleurs ne sont jamais à l’origine de ces ruptures de contrats. Ils en sont toujours les victimes. Cela, le Chef de l’Etat ne le sait pas ou feint de ne pas le savoir. Donc il ne maitrise pas le fonctionnement de la société ou feint de l’ignorer. Cela n’est nullement rassurant pour l’investisseur.
Or, le G-20 est constitué pour l’essentiel de pays à démocratie avancée où les droits de l’homme et des travailleurs sont strictement respectés. Le genre de discours tenu par le Chef de l’Etat au Sommet G-20-Afrique passerait très bien en Corée du Nord mais certainement pas dans ces pays du groupe du G-20.
Par contre, dire que le Bénin a une longue tradition de dialogue social dynamique et performant auquel adhèrent à la fois l’Etat, les employeurs et les travailleurs permettant ainsi de préserver la paix sociale et la coopération active du monde du travail, est plus agréable à entendre que le langage de la force. Le Chef de l’État pouvait même aller jusqu’à dire que tout n’est pas encore parfait chez nous mais que la vision de son gouvernement est de créer les conditions de travail proches des modèles suédois, finlandais, en un mot, proches du modèle scandinave qui plait tant, aussi bien en Europe qu’en Afrique.
Les pays de l’Europe du Nord ainsi cités se sentiraient dans l’obligation de faire honneur à leur réputation de grandes démocraties libérales et de modèle social qui font des émules jusqu’en Afrique. Chacun doit se rappeler que c’est la Suède qui, dans les années 1970-80 de la décennie pour le développement de l’Afrique avait proposé 0,70% du PIB de chaque État de l’OCEDE pour l’aide publique au développement des États africains.
Pour conclure, il faut une certaine culture d’ensemble pour prendre la parole devant certains auditoires pour ne pas paraître peu préparés à certaines fonctions et à un certain niveau de responsabilité.
Un investisseur a besoin de tranquillité et de paix sociale du style suédois pour la prospérité de ses investisseurs mais quand on lui présente un pays à hauts risques, il n’est pas sûr qu’il soit intéressé.