Dans la journée d’hier jeudi 24 octobre, les usagers des frontières entre le Nigeria et le Bénin ont constaté, avec étonnement, la fermeture des entrées donnant accès à ce grand pays de l’Est. Conséquence : presque tous les camions qui transportaient des marchandises du Bénin vers le Nigéria et vice versa étaient cloués au sol et pas de mouvement des populations de part et d’autre.
Les autorités nigerianes en ont décidé ainsi pour, apprend-on des milieux douaniers nigérians, amener les autorités béninoises à changer de comportements vis-à-vis du Nigeria. Dans le cas contraire, l’asphyxie ainsi démarrée va se généraliser pour l’économie béninoise déjà grabataire du fait de l’inconduite des autorités au plus haut niveau.
Décidemment, le Bénin et son Président n’ont pas fini d’essuyer les revers de la main par ces temps-ci. Ainsi, après que le Parquet général du Tribunal de Grande Instance de Paris ait donné une bonne raclée à la partie civile dans les affaires de tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat contre l’homme d’affaires Patrice Talon et consort, c’est maintenant le tour du grand voisin de l’Est de donner un coup de semonce à l’économie nationale par la fermeture des frontières entre le Nigéria et le Bénin.
Les raisons de cette asphyxie de l’économie du Bénin seraient dans les nombreux errements dont Yayi Boni a souvent fait montre dans les relations bilatérales entre les deux pays.
Et comme si cela ne suffisait pas, de l’avis des populations ayant leurs habitudes économiques au Nigeria, cette situation serait liée aux déboires que fait subir actuellement le pouvoir de Cotonou à ses hommes d’affaires notamment Sébastien Ajavon et Patrice Talon. Ces traitements seraient mal compris à Abuja qui les juge impertinents et non productifs pour une économie béninoise déjà bringuebalante qui se construit grâce aux apports nigérians.
Les autorités nigérianes penseraient que l’acharnement gratuit et impensé contre ces hommes d’affaires ne peut que conduire à désagréger l’économie au sein de l’espace Cedeao. Et, il faille sonner le tocsin pour que les autorités béninoises se reprennent et sortent de leur enlisement. Car, nul n’ignore aujourd’hui au pays de Béhanzin, Bio Guerra et Kaba que quand le Nigeria ferme ses frontières d’avec le Bénin, c’est la débandade totale et la panique généralisée qui atteignent en pleine figure les quelques hommes d’affaires ou opérateurs économiques qui ne sont pas encore dans le viseur de Yayi Boni.
Car, il a déjà chassé des hommes d’affaires ou continue d’ailleurs d’en persécuter parce que selon lui, personne ne doit lui tenir tête quand il décide de faire ce qui lui passe par la tête. Pendant ce temps, les Nigérians et surtout leurs dirigeants travaillent à construire leur économie avec la contribution de leurs hommes d’affaires à qui ils offrent les meilleures conditions d’investissement économiques. Et surtout quand cette économie nigériane dont le Bénin dépend tel un parasite se fortifie et cherche à promouvoir les acteurs dans les Institutions de Bretton Wood, le Nigéria se voit abandonner du soutien des autorités de son voisin de l’Ouest.
C’est le cas en 2012 lorsque le Nigeria a positionné sa vaillante et talentueuse ministre de l’Economie et des finances Dr Ngozi Okonjo-Iweala, c’est avec une désagréable et pantoise surprise que le Président Goodluck Jonathan a constaté que son homologue béninois n’a pas soutenu sa compatriote candidate au poste de Président de la Banque Mondiale. Dans cette duperie à la Yayi au détriment des intérêts de Jonathan, c’est l’Américain Jim Yong Kim qui a été nommé à ce prestigieux poste international au grand mécontentement justifié des Nigérians.
Ingratitude économique
De plus, malgré toutes les facilités que le Nigeria accorde depuis des millénaires à son voisin de l’Ouest qu’est le Bénin, c’est avec dégoût que les autorités nigérianes constatent que Yayi Boni ne leur est pas reconnaissant. Cela s’explique dans le fait que c’est à des autorités d’autres pays qui ne sont directement frontaliers avec le Bénin que des médailles de décoration sont distribuées à bout de bras.
La dernière en date est la décoration au titre de Grand Croix de l’Ordre national du Bénin accordée pompeusement tout récemment au Président ghanéen. Même si le Bénin a de l’énergie électrique du Ghana, ce n’est pas par cadeau qu’il en bénéficie. Cela est aussi bien le cas auprès du Nigeria qui fournit de l’énergie électrique au Bénin. Mais, comment se fait-il que des médailles sont distribuées aux autres partenaires du Bénin et que les autorités nigérianes passent par perte et profit ? Seul Yayi Boni peut répondre de ces bourdes dont il en a l’habite.
Et puis, quand on se réfère aux quantités importantes d’échanges commerciaux entre les deux pays, les Nigérians se demandent pourquoi leurs compatriotes sont souvent victimes de brimades ou de traitements inhumains par leurs voisins béninois. Ce sont là autant de raisons qui justifient aujourd’hui la décision prise par le Nigéria de mettre fin à l’ambiance bordélique qui s’entretient à Cotonou contre leurs intérêts économiques.
Alors par mesure de représailles afin de se faire respecter, la fermeture des frontières est intervenue et toutes les affaires économiques des Béninois sont, du fait de leurs autorités, plombées et asphyxiées. Jusqu’à quand va durer cette situation préjudiciable au renflouement des caisses des Douanes béninoises ? Seul Yayi Boni a la réponse dans ses comportements vis-à-vis des autorités nigérianes.
Emérico Adjovi
Les raisons de la fermeture selon Benoît Illassa
De source nigériane, on apprend que le gouvernement fédéral a décidé de fermer toutes ses frontières terrestres avec son voisin, le Bénin depuis hier nuit. Le motif essentiel de cette décision, selon les autorités nigérianes, serait que le Président béninois, Yayi Boni, aurait manqué de respect à leur Président, Jonathan Ebélé Goodluck.
Mais, d’après les Béninois très furieux rencontrés ce matin à la frontière bénino-nigériane de Sèmè-Kraké, ce serait la demande d’extradition de Patrice Talon qui serait à la base de cette fermeture.
La prospérité économique du Bénin dépend surtout de sa capacité à saisir les opportunités que lui offre le marché nigérian. Depuis des décennies, les gouvernements qui se sont succédé à la tête de l’Etat béninois ont toujours manifesté un intérêt pour ce challenge. Mais à l’arrivée, les relations commerciales entre les deux pays soulèvent toujours bien des préoccupations.
Lorsqu’on interroge les statistiques du commerce extérieur du Bénin, il y a de quoi se satisfaire a priori du dynamisme des échanges entre Cotonou et Lagos. Selon Bio Goura Soulé, coordonnateur du Laboratoire d’analyse régional et d’expertise sociale, le volume des échanges réels entre les deux pays a atteint des niveaux qui tentent à faire du Nigeria le premier partenaire commercial du Bénin.
Chaque année, ce sont plus de 400 000 tonnes de riz, plus de 50.000 tonnes de produits carnés et plus de 100.000 véhicules d’occasion qui transitent par le Port de Cotonou pour chuter dans les marchés de Lagos, Ibadan ou encore Abuja. Pour l’année 2010, rien que le commerce de réexportation a généré à l’Etat des ressources financières substantielles de l’ordre de 160 milliards de F CFA, soit près de 20% du budget général de l’Etat.
En dehors de ce qui entre dans les caisses de l’Etat, la plus grande portion de cette réexportation emprunte le circuit de la contrebande, échappant ainsi au registre des services des Douanes béninoises. Mieux, les produits industriels béninois, notamment les huiles, les tissus, le ciment et les boissons sont proposés aux 150 millions de consommateurs nigérians, tout comme les produits agricoles, tels que l’ananas dont l’exportation est estimée à près de 10.000 tonnes. Inversement, d’importants produits made in Nigeria sont chaque jour déversés dans la consommation au Bénin, notamment les produits pétroliers.
Pour mémoire, le Bénin et le Nigéria partagent une frontière terrestre d’environ 773 Kilomètres.
IB
Déclarations des usagers frontaliers
Da Adéguénon Narcisse, Déclarant en Douanes
« Vous savez quand on a affaire avec le Nigéria, il faut être prudent. Nous ne comprenons rien de cette situation qui est arrivé. Ce problème ne vient pas du Bénin. Ce que nous vivons maintenant et le parc est vide comme ça, ça ne dépend pas de nous. C’est une information qui vient du Nigéria. Comme quoi toutes les frontières seront fermées pour un temps. Seulement, il faut dire que les frontières sont ouvertes mais les marchandises ne peuvent pas rentrer dans le pays. Ils ont même fermé leur port comme quoi, il y a quelque chose qui doit rentrer dans leur pays. Alors tous les bateaux en transit pour le Nigéria sont bloqués et certains de ces bateaux sont détournés vers Cotonou. C’est surtout pour cette raison que nos frontières terrestres sont fermées »
Déclarant en Douanes ayant requis l’anonymat
« Les autorités béninoises n’ont qu’à contacter celles du Nigéria pour le règlement immédiat de ce problème qui se pose. Ce sont les autorités nigérianes qui sont à la base de la situation, d’après nos informations. On ne sait pas ce qui se passe. On est venu seulement, on a constaté que tout est bloqué. Il n’y a pas de mouvements. Ça ne va pas du tout »
Déclarant en Douanes ayant requis l’anonymat
« Nous exhortons nos dirigeants à revoir la politique étatique avec le Nigéria. Le Bénin et le Nigéria sont deux pays frères. Et nous sommes appelés à vivre ensemble. Même les Nigérians disent que c’est une grande chance pour nous d’avoir notre pays à côté de leur Etat. Donc les autorités béninoises n’ont qu’à voir comment consolider les relations entre les deux pays pour que nous puissions en profiter. Ainsi le Nigéria profitera du Bénin et vice-versa. Il faut que les autorités s’assoient et revoient leur politique diplomatique pour que nous ne vivions plus cette situation. Car quand les camions sont bloqués, nous avons beaucoup de difficultés. Nous n’avons pas de problème. Le problème vient du Nigéria
Déclarant en Douanes ayant requis l’anonymat
« Le gouvernement n’a qu’à diminuer le prix des marchandises pour que cela soit comme ceux du Togo. Par exemple à Lomé maintenant, les prix sont abordables. Alors que chez nous, il y a certaines marchandises qui ont leur prix. Et c’est à cause de cela que les clients ne passent même pas par ici. Et c’est cela qui amène le problème »