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Art et Culture

Restitution de l’art africain : "Nous avons besoin de cette mémoire"

Publié le vendredi 23 novembre 2018  |  AFP
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© aCotonou.com par Didier Kpassassi
Promotion culturelle : Arise groupe du Benin
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La remise du rapport Savoy-Sarr cette semaine sur la restitution des objets d’art africain à leur pays d’origine a déclenché de vives passions en France, mais en Afrique de l’Ouest, conservateurs ou
historiens préfèrent parler de "collaboration" et préparent leur retour sur le long terme.
Le Béninois Alain Godonou, ancien directeur du département des objets culturel pour l’UNESCO, travaille sur cette question depuis plus de 30 ans.
Il vient d’être nommé responsable des questions du patrimoine pour la nouvelle agence nationale de promotion du tourisme du Bénin pour mener les missions de gestion du patrimoine, dans un pays qui a déjà fait connaître son désir de récupérer certaines de ses oeuvres.
L’expérience de sa longue carrière le fait toutefois relativiser sur le rendu de ce rapport, commandé par Emmanuel Macron au lendemain de son discours de Ouagadougou où il avait assuré que les pays africains qui en feraient la demande pourraient récupérer les oeuvres pillées ou mal-acquises avant et pendant la colonisation.
L’actuel Bénin est directement concerné. Le petit pays d’Afrique de
l’Ouest, ex-Dahomey, abritait le royaume d’Abomey (1600-1894), et des
richesses inestimables, dont le trône du roi Glélé (1858), qui fait partie des pièces maîtresses des 70.000 objets africains désormais conservés au musée du Quai Branly-Jacques Chirac de Paris.
"Conserver des butins de guerre dans des pays qui sont désormais amis et qui collaborent, ça n’a pas lieu d’être", confie à l’AFP M. Godonou. "Mais ca ne se fait pas à la va-vite, il faut s’entretenir avec les conservateurs, les législateurs. On avance, mais il reste énormément à faire".


- Question sensible -

"Les objets, on ne veut pas les avoir pour les avoir", poursuit-il. "Il nous faut des projets d’appropriation de notre patrimoine". Cela passe par des projets éducatifs, mais aussi par une réhabilitation des musées.Le problème de la conservation, qui a justifié pendant de nombreuses années le statu-quo sur cette question sensible, n’est plus tabou et sur le continent. On reconnaît volontiers le problème.
Mais dans de nombreux pays du continent, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, ou encore au Bénin, on prépare les plans de nouveaux musées ou leur inauguration prochaine.
Le président Béninois Patrice Talon, qui souhaite faire du tourisme l’un des piliers de l’économie nationale, a approuvé les chantiers de cinq musées dont celui des Rois d’Abomey et des Amazones, en hommage à l’ancien régiment militaire entièrement féminin du Dahomey, qui devrait ouvrir ses portes en 2020.
Ousmane Aledji, chargé du patrimoine pour la présidence béninoise, se réjouit de voir émerger "une nouvelle forme d’échanges culturelles" avec la France.
"Nous ne sommes pas dans la réclamation violente, mais nous voulons mettre en place des mesures d’accompagnement pour des restitutions progressives", assure-t-il.
Même discours à Abidjan, où la directrice du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire, Silvie Memel Kassi, reconnaît que "ce n’est pas un mal en soit qu’ils aient été conservés et répertoriés en France".

- "Pièces ancestrales" -

Le musée national d’Abidjan a été rénové en 2017, mais un musée plus important est en projet. Dans ce cas, "on pourrait commencer à parler de restitution" définitive. Mais, "en attendant, qu’ils viennent et qu’ils repartent, ça ne nous pose pas problème", insiste la directrice.
"L’important est de travailler ensemble. Nous voulons avoir accès à ces objets. Nous avons besoin de cette mémoire, ces objets sont une mémoire".
A Dakar, le musée des civilisations noires (MCN), dont l’inauguration est prévue le 6 décembre, sera prêt, un jour, à accueillir les oeuvres, assure son directeur.
"Nous avons des réserves opérationnelles qui peuvent accueillir de pareils objets", explique Hamady Bocoum, soulignant toutefois que les oeuvres n’ont pas forcément vocation à finir dans un musée, mais appartiennent également à des communautés, qui pourront "décider de les remettre dans les autels des ancêtres".
"Ces oeuvres-là viennent de nos aïeux", raconte à l’AFP Taho Toubo, chef traditionnel We, groupe ethnique de Côte d’Ivoire. "Je prie nos ancêtres, dépositaires mêmes de ces pièces précieuses, ancestrales, je prie les ancêtres pour que leurs pièces-là retournent", confie l’ancien.
Selon les recommandations du rapport, que le président Macron peut
accepter, rejeter, compléter, amender à sa guise, avant de le faire passer au vote de l’Assemblée, la phase de restitution pourrait commencer en 2019.
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