Marie-Cécile Zinsou, qui dirige une fondation d’art au Bénin, réagit à la décision d’Emmanuel Macron de restituer 26 œuvres d’art « sans tarder » à l’ancienne colonie française.
C’est une statue royale anthropo-zoomorphe magnifique en bois polychrome et métal, représentant le roi Béhanzin sous la forme d’un homme-requin. « Un requin en furie », ainsi s’était qualifié lui-même le dernier roi du Dahomey - l’actuel Bénin -vaincu par les armées françaises sous la conduite du colonel Dodds, lors de la conquête coloniale de 1892. Béhanzin, à qui l’artiste Sossa Dede a consacré cette oeuvre, a été exilé en Martinique après sa défaite. La statue sera sauvée des flammes du palais d’Abomey et ramenée en France. Elle est l’un des chefs-d’œuvre du musée du Quai-Branly-Jacques-Chirac, et fait partie des 26 pièces que le président Emmanuel Macron a décidé de restituer « sans tarder » aux autorités du Bénin qui les réclament, comme il l’a annoncé vendredi soir.
Cette décision fait suite à la remise, le même jour, du rapport commandé par le chef de l’Etat à deux experts, l’historienne d’art française Bénédicte Savoy, et le professeur d’économie et écrivain sénégalais Felwine Sarr, qui s’intitule « Restituer le patrimoine africain », également le titre de leur livre qui sera publié mardi (Le Seuil-Philippe Rey).
Les auteurs eux-mêmes ne s’attendaient peut-être pas à une réaction si rapide du président de la République. Car les œuvres appartenant aux musées français sont considérées par la loi comme « inaliénables », ne pouvant être ni vendues, ni offertes. Les experts préconisent une modification du code du patrimoine passant par un vote parlementaire pour rendre possible le retour de ces objets pillés ou en tout cas ramenés en France sous la colonisation, dans plusieurs pays africains, principalement le Cameroun, le Sénégal, le Mali et le Bénin.
« Diplomatiquement, c’est malin »
La rapidité de la décision présidentielle a surpris jusqu’aux défenseurs des restitutions, comme Marie-Cécile Zinsou, qui dirige une fondation privée d’art à Cotonou (Bénin) et milite pour cette cause depuis des années : « Je suis incroyablement fière que les jeunes générations béninoises aient bientôt accès à ce patrimoine. Je ne pensais pas voir ça honnêtement. Je suis même sidérée que ça aille si vite. Ça va aussi beaucoup améliorer l’image de la France en Afrique, qui a été très écornée. Diplomatiquement, c’est malin. Symboliquement, cela va aider à rétablir une relation qui s’est abîmée avec le temps. »
Marie-Cécile Zinsou, fille d’un ancien Premier ministre du Bénin, ne voit pas ces restitutions programmées comme le début d’un retour massif qui va vider certains musées français, comme le craignent certains, surtout dans l’Hexagone : « Vous croyez que 50 000 pièces vont quitter la France ? Bien sûr que non. D’abord, tous les Etats africains concernés ne sont pas mobilisés pareillement face à la culture. Il faut déjà qu’ils fassent une demande officielle, et celle-ci concernera surtout des œuvres symboliques. L’important, c’est que les chercheurs africains auront accès pour la première fois à l’inventaire global de toutes ces pièces conservées en France. Et les échanges entre conservateurs français et béninois seront très enrichissants, tout le monde va travailler ensemble. »
Le président Macron, en commentant ce rapport, a d’ailleurs souhaité le développement d’expositions et de prêts.