Les écosystèmes continuent d’être explorés par les scientifiques au-delà de la polémique que suscite le sujet dans l’opinion. Dans le cadre du projet Protox Bénin, des analyses ont été faites ces 5 dernières années pour évaluer les risques dans le bassin cotonnier du Bénin. A travers cette interview, le Professeur Imorou Toko, enseignant chercheur à l’Université de Parakou décrypte les résultats obtenus et fait des propositions.
A quels résultats ont abouti les études réalisées par le Protox-Bénin dans le bassin cotonnier ?
Nous sommes partis de l’hypothèse que ces produits ont des risques énormes sur les poissons. Et sur cette base, nous avons déployé la logistique qui nous permis de collecter un certain nombre de données qui ont été analysées. Nous avons constaté qu’effectivement il y a un transfert de polluants des exploitations agricoles vers les milieux aquatiques. Au regard des pratiques phytosanitaires actuelles, la manière d’utiliser des pesticides constituaient d’importants risques pour les systèmes d’exploitation aquatiques. Mais en termes d’impacts que nous avons mesurés sur l’eau, on s’est rendu compte qu’il y a très peu de résidus dans l’eau. Les pesticides reviennent dans l’eau mais disparaissent. On s’est demandé où ils vont. En dosant les résidus de pesticides dans les poissons consommés comme les carpes, on a réalisé que certains poissons accumulent ces pesticides. Nous avons recherché les mêmes indices dans les sédiments. Nous y avons trouvé une grande quantité de pesticides. Mais globalement, lorsque nous discutons ces résultats , on se rend compte que malgré les quantités de résidus accumulés dans les poissons, comparées aux normes internationales, le risque est fortement modéré pour le consommateur. Ce sont les résultats scientifiques que nous avons eus. Dans le bassin cotonnier actuellement, les gens consomment du poisson depuis des années mais sont encore vivants. Ça veut dire que les résultats scientifiques confortent ce qui se passe.
Est-ce à dire que tout va bien ?
Non, ça ne veut pas dire qu’il faut rester les bras croisés et que tout va bien. Le risque est modéré. Dans notre classification toxicologique, on parle de risque modéré. Le danger est là. Il faut voir les mesures correctives possibles pour infléchir cette tendance, parce que si c’est modéré ça va évoluer vers l’état dangereux. A travers les résultats du projet, nous allons proposer des mesures correctives. L’objectif du workshop qui a regroupé des acteurs de terrain, est de capitaliser un certain nombre de mesures à proposer aux décideurs pour assurer la sécurité alimentaire et la durabilité des ressources.
Quelles sont déjà ces mesures attendues pour atténuer les risques sanitaires ?
Nous pensons qu’il faut intensivement agir sur le conseil agricole. Aujourd’hui, on met dans les mains des producteurs des produits dangereux. Mais, ce ne sont pas que les pesticides qui sont dangereux. Nous sommes tous les jours confrontés à des produits dangereux. Nous allons acheter à la pharmacie des produits qui sont aussi toxiques que les pesticides pour se soigner. Quand on vous dit de prendre deux comprimés de Paracétamol et que vous vous amusez à prendre 10, vous allez crever. C’est la même chose que les pesticides. Ce sont des produits dangereux au même titre que les autres produits dangereux. Nous avons des produits radioactifs auxquels nous sommes exposés, comme ces lampes qui nous illuminent, les Gsm. Ces produits qu’on met dans les mains des personnes qui ne savent ni lire, ni écrire devraient être mieux utilisés. C’est le devoir de l’Etat et des organismes qui s’occupent du conseil agricole de mieux les sensibiliser. Il n’y a pas que l’Etat. Il y a les décideurs locaux, les Osc. Nous devons travailler de façon intégrée pour apprendre aux producteurs les bonnes pratiques en vue de préserver nos ressources.
Et quelles sont ces pratiques à décourager ?
Dans les pratiques culturales, il y a beaucoup de choses. Les gens ne respectent pas la règlementation. Il y a des lois qui disent qu’il faut des distances entre les retenues d’eau et les champs pour protéger les écosystèmes aquatiques. Les gens ne les respectent pas. Il y en a qui vont faire des champs juste sur les berges des retenues d’eau. Ce sont des actes à décourager. Entre autres pratiques, il y a le non-respect des doses. Les services de vulgarisation proposent des doses qu’on retrouve dans les fiches techniques de ces produits chimiques. Mais les producteurs ne respectent pas les doses parce qu’ils sont pressés et qu’ils ont leurs propres perceptions. Il faut les amener à respecter les doses, non pas par effet gendarme mais en les amenant à comprendre. C’est notre démarche à travers ce projet. Avec eux, nous avons mené des expérimentations sur le terrain et ils ont observé les effets. C’est la vulgarisation de ces données et ces actions qui vont permettre de changer de comportements et de réduire les risques.