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Edito: Restituer le patrimoine

Publié le mercredi 28 novembre 2018  |  L`événement Précis
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© aCotonou.com par DR
Objets d`art au Bénin
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26 œuvres culturelles d’origine béninoise seront bientôt rendues par la France. Cette décision du chef de l’Etat français surprend par sa rapidité, puisqu’elle intervient seulement quelques heures après la remise d’un rapport commandité par Macron lui-même sur le sujet. La commission Savoy-Saar a clairement suggéré une restitution des biens culturels détenus en France par diverses institutions publiques et privées. Vue du Bénin, la question est peut-être banale. Mais il faut rendre à notre pays, sa part d’histoire volée.
Si nous devrions le rappeler, parmi ces biens culturels, il y a des récades, des trônes royaux, des masques, des statuettes, des objets cultuels et cérémoniels et d’innombrables objets d’art usuels qui sont partis suivant des modalités variables. Ils ont subi un pillage en règle lors des guerres de conquête coloniale, arrachés dans les maisons ou les lieux de culte pour forcer les Africains à abandonner leurs religions.
On considère que ces vols organisés suivant des circuits non conventionnels, ont continué même après les indépendances. D’une façon générale, les spoliations se sont surtout étendues du milieu du XIXème siècle jusqu’au début des années 1960. Et vous conviendrez avec moi qu’il y en a eu même tout récemment encore dans nos musées. Nos musées ont été pillés par nos propres concitoyens qui en ont fait un fonds de commerce. Le musée d’Abomey en est un exemple patent. Il a subi de nombreux cas de vols dont certains ont été camouflés à travers par les incendies qui se sont multipliés ces dernières années. Ce sont environ 53 000 pièces issues d’Afrique subsaharienne dans la seule collection du musée du Quai-Branly à Paris.
Alors question : sommes-nous prêts à accueillir tous ces objets qui ont été conservés avec le plus grand soin depuis parfois plus d’un siècle ?
Je le dis tout de suite, cette question ne s’adresse pas à ceux qui nous ont dépouillés de nous-mêmes. Elle ne se pose pas aux Français, aux Anglais, aux Espagnols ou aux Allemands qui sont les premiers auteurs des dommages faits à nos biens patrimoniaux. Le rapport Felwine Sarr- Bénédicte Savoy a été très clair à cet égard. C’est à eux de nous restituer nos biens, et sans condition. Mais la question se pose à nous, d’autant plus que nos lieux de mémoire sont les lieux du crime dont nous parlons. Et aujourd’hui la sécurité de ces lieux est plus que jamais d’actualité.
Il y a aussi la question de la capacité de nos musées à accueillir durablement, dans les conditions requises des biens qui ont été conservés avec tant de soin en Europe.
Sur la question d’ailleurs, l’Etat béninois a commencé à donner un début de réponse, puisque quatre nouveaux musées seront construits à Porto-Novo, Allada, Ouidah et Abomey. Ils pourront accueillir les objets restitués. Il appartiendra alors à l’Etat de faire en sorte que ces objets qui font partie de notre histoire, soient mis à la disposition des citoyens, des élèves, des étudiants, des chercheurs et des travailleurs pour une réappropriation définitive. En clair, il y a des milliards à investir pour que l’ambition du chef de l’Etat soit réellement concrétisée.
Certains pourraient se demander pourquoi on se prépare à dépenser autant d’argent pour sauver des statuettes ou des masques, des figurines, des trônes qui, somme toute, peuvent être reconstitués chez nous.
Certaines pièces n’ont d’ailleurs plus le même sens un siècle après avoir quitté notre pays. Des objets d’intronisation, ont été désacralisés au fil des pérégrinations qui les ont amenés en Europe. Ce sont néanmoins des témoins irrécusables de notre histoire. Ce sont des pièces dont la valeur est immatérielle et que nul n’a le droit de spolier.
Le fond du débat est que nous n’avons pas appris à regarder notre passé avec fierté. Au moment même où nous évoquons la problématique de ces biens volés, il est nécessaire de revenir sur le cas de ces citoyens qui ont été capables de vendre des biens cultuels précieux de leurs propres couvents, de leurs propres familles, de leurs propres parents, sans mesurer la gravité de l’acte qu’ils posaient en ce moment. Même s’il est évident que la pauvreté peut expliquer en partie ces actes d’apatridie, il y a aussi l’inconscience de beaucoup de citoyens à qui le système n’a pas enseigné à sauvegarder leurs propres patrimoines. S’il y a un défi citoyen désormais, c’est bien celui-ci : dire à chacun sa responsabilité dans la préservation de nos biens culturels.

Par Olivier ALLOCHEME
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