Une décision du Tribunal de Kandi désenchante les acteurs engagés dans la lutte contre la destruction de la faune en République du Bénin. Il s’agit de celle du mercredi 29 Novembre 2018 qui inflige soixante (60) mois d’emprisonnement assorti de sursis et 300.000 francs d’amende par tête à trois trafiquants d’ivoires.
Alors que le tribunal de Kandi a toujours su accompagner le gouvernement, sa dernière décision, ne vient guère encourager la lutte contre la criminalité faunique. Et ceci devra interpeller les autorités à divers niveaux surtout que les ivoires proviennent de quatre éléphants abattus dans le parc W récemment classé patrimoine mondial de l’Unesco. Pour rappel, en octobre 2017, ce même tribunal a condamné un trafiquant d’ivoires à 60 mois d’emprisonnement ferme et 800.000F Cfa d’amendes. Ce qui a été ovationné par le gouvernement et les activistes qui ont apprécié cette décision à sa juste valeur. Mais celle relative aux 60 mois d’emprisonnement assorti de sursis remet de plomb dans l’aile de la lutte contre la criminalité faunique et se retrouve à l’antipode de la détermination du Bénin à enrayer ce phénomène.
Nécessité de corser la sanction
Sur le cas qui fait polémique, il faut préciser que les trois trafiquants ont été pris le 14 août 2018 en flagrant délit de commercialisation de 08 pointes, l’équivalent de quatre éléphants abattus, le tout pesant 20 kilogrammes. Ces trafiquants ont été surpris en détention de ces 8 pointes d’espèces intégralement protégées. Ils ont réussi à circuler avec ces ivoires. Ce qui est sanctionné par l’article 153 de la loi n°2002-16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin et de son texte d’application. Cet article punit d’une amende de 100 000 à 500 000F et/ou d’un emprisonnement de 3 mois à 3 ans quiconque détient des animaux sauvages sans le permis requis ; et circule avec des trophées ou des dépouilles sans certificat d’origine. En plus de cela, ils ont été surpris en flagrant délit de commercialisation. A ce niveau, l’article 154 de la même loi lève l’équivoque sur la sanction à infliger aux criminels de la faune. Sont punis d’une amende de 300 000 à 800 000F et/ou d’un emprisonnement de 6 mois à 5 ans toutes personnes qui importent, exportent, réexportent ou commercialisent des animaux sauvages ou leurs trophées et dépouilles en dehors des cas permis. Le législateur n’a pas laissé impuni les complices. L’article 166 punit les complices comme les auteurs principaux et les condamne solidairement aux amendes, frais dommages-intérêts et restitutions. Au regard des articles 153, 154 et 166 et surtout qu’il s’agit de trophées d’espèces intégralement protégés et catégorisées en A, une condamnation assortie de sursis et cette amende sont loin d’être dissuasives pour décourager ceux qui se donnent comme tâches de détruire le patrimoine faunique béninois. Pour inverser cette tendance, il est vivement souhaité que les autorités compétentes accompagnent le suivi des procédures judiciaires afin que la loi soit dite avec rigueur, seul gage pour la préservation des réserves de faune au Bénin et dans la sous-région.