« C’est la Constitution de tous les records en Afrique », clame Joël Aïvo, constitutionnaliste, maître de conférences agrégé, doyen de la Faculté de droit et de sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi. La Loi fondamentale béninoise a 28 ans. Le 11 décembre 1990, la Constitution béninoise était promulguée après avoir été adoptée par le peuple par voie référendaire. 28 ans après, elle n’a subi aucune modification. « Cette Constitution a établi, au Bénin et en Afrique, un record de longévité, de stabilité et d’intangibilité… Elle tient après celle du Japon de 1947 et devant celle de la principauté d’Andorre de 1993, le record de la Constitution qui a le plus traversé le temps sans être modifiée ». A son avènement au pouvoir, Patrice Talon a cru obtenir l’adhésion des élus du peuple quant à sa révision. A deux reprises, en avril 2017 et juillet 2018, les députés ont rejeté le projet de révision constitutionnelle. La première tentative n’a même pas franchi l’étape de la prise en considération. La seconde s’est heurtée à la possibilité offerte par les députés aux populations de décider par elles-mêmes. Le référendum qui s’est imposé n’a pas prospéré au niveau du chef de l’Etat appelé à convoquer le corps électoral à cet effet. Depuis, c’est le calme plat. Cet anniversaire célébré en ce jour relance le débat relatif à la Loi fondamentale. Faut-il ou non la réviser ? Méfiants, les Béninois n’ont pas toujours vu d’un bon œil tout ce qui a trait à un éventuel toilettage de ce texte de loi. Réservés, peu emballés, beaucoup estiment qu’il vaut mieux laisser la Constitution en l’état. Qu’est-ce qui peut bien justifier la longévité exceptionnelle dont jouit cette loi fondamentale ?
Le Pr Joël Aïvo remonte à ses origines pour tenter de convaincre. « La constitution a été inspirée par les errements de notre pays, les fautes politiques que nous avons commises par le passé, la conférence nationale qui s’est réunie après la chute du mur de Berlin et les difficultés du PRPB à tirer la conclusion qu’il faut faire une constitution taillée à la dimension du Bénin ». Par ailleurs, la constitution assure une certaine protection de l’individu et du citoyen. « Les droits de l’homme sont dans la constitution, les libertés publiques sont désormais garanties ». L’autre trait particulier de la constitution béninoise est le rôle prépondérant de la Cour constitutionnelle, clé de voûte du système institutionnel béninois. Arbitre du jeu politique et institutionnel, elle est dotée de pouvoirs importants.
L’issue des législatives de mars 2019 pourrait avoir des répercussions sur la loi fondamentale. Si Patrice Talon obtient la majorité écrasante dont il rêve, nul doute qu’il ne boudera pas son plaisir de procéder enfin à une réforme constitutionnelle. Dans le cas contraire, il devra prendre son mal en patience et négocier avec ses partenaires politiques.
Moïse DOSSOUMOU