En Afrique, les terres se meurent et contraignent les producteurs à épouser de nouvelles pratiques culturelles. Au Bénin et au Togo, par exemple, certains font recours à l’agroécologie, surtout avec l’influence des protectionnistes de la biodiversité.
Kplélé-Tshiko, au Nord du Togo. Au cœur de la forêt d’Assimè, à une altitude vertigineuse, se déroule ‘’l’université de la biodiversité’’. Pas d’amphithéâtre, ni de table-bancs. Juste des troncs d’arbres et des chaises, sous un hangar et des arbres qui peinent à résister à la fine pluie de septembre 2018. De la commodité, les paysans ne se soucient guère. L’essentiel pour eux, c’est de mieux comprendre les contours de l’agroécologie où repose désormais leur espoir. « Avant, on n’avait pas su la richesse que procurent les forêts. Aujourd’hui, nous en avons pris conscience et nous évitons de faire les feux de brousse et autres pratiques qui détruisent les terres », confie Galey Comlan, animateur rural. Kossi Agbalegnon, le microbiologiste qui partageait ses connaissances, n’a plus trop à dire. L’auditoire en face est déjà acquis. Néanmoins, il en appelle plus à une prise de conscience pour rétablir l’équilibre de l’écosystème. « L’agroécologie est assez proche du système traditionnel avec des outils proches. Nos parents avaient des croyances qui accompagnaient le système agricole et qui conservaient le caractère naturel des récoltes. Aucun être vivant dans le sol n’est nuisible. Tout dépend de l’exploitation que nous en faisons », précise-t-il.
Deux pays, un même élan
Du Togo au Bénin, la dynamique est quasiment la même. Dans certaines localités, des fermes voient le jour avec un engouement pour les biofertilisants. Pour Patrice Sagbo, membre du Réseau Jinukun, la dynamique n’est pas nouvelle. Elle a juste besoin d’être impulsée : « La grande majorité des petits paysans utilisent des superficies de 0,3 à 3 ha. Et ce sont eux d’ailleurs qui constituent plus de 80% des producteurs au Bénin. Ils n’usent que de la daba et des coupes-coupes et des pratiques endogènes. Cela ne veut pas dire que l’agroécologie refuse les machines, les tracteurs et autres. Mais il faut que tout ceci respecte l’environnement ». Déjà sous la menace des changements climatiques, les pays de l’Afrique au Sud du Sahara font face à l’érosion des sols, du fait notamment des techniques culturales inappropriées. « La dégradation des sols est en augmentation dans la région, avec plus de 20 % des terres déjà dégradées dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, affectant plus de 65 % de la population. Cela entraîne des effets négatifs importants sur la production alimentaire et les moyens d’existence », indique la Fao dans un rapport publié en 2015.
« Il faut forcement une transition »
Au Togo, où la dégradation touche beaucoup plus la partie septentrionale, le gouvernement entend restaurer 80% des terres dégradées d’ici 2030. Au Bénin, où environ 58,87% des terres ont un niveau de fertilité faible et 91% sont dégradés, l’heure est également à une prise de conscience. « Il faut forcément une transition. On ne peut pas faire un miracle. Nos politiques doivent déjà réserver une part à l’agroécologie », propose Brice Sohou, un activiste écologiste. Cependant, si l’agriculture paysanne pourrait constituer la solution, elle pose dans le même temps un problème de rentabilité. « C’est bien rentable. Il y a beaucoup qui font aujourd’hui de l’agroécologie à grandes échelle. A Allada, à côté, il y a un exploitant qui a des hectares d’ananas, de maïs, de papaye, etc. Il y a un champ de compostage. Même dans nos villages, les petits producteurs ne font que ça », soutient Patrice Sagbo. Cependant, la question de la main d’œuvre n’est pas à négliger, surtout dans un contexte d’exode rural. « Elle peut se faire sur de grand espaces aussi. Il suffit de s’approprier l’organisation du travail dans les communautés d’antan. Mais pour y arriver, Il faut qu’il y ait un minimum d’aménagement dans nos milieux ruraux pour encourager les jeunes à rester. L’agroécologie ne doit pas demeurer un slogan », souligne Claire Regina Quenum, Point focal Rapda-Togo. Mais, il faudra aussi bien régler l’équation de la disponibilité des terres, dans un contexte d’urbanisation incontrôlée.