En mars 2001, elle est entrée dans l’histoire par la grande porte. En bravant les interdits, en brisant le mythe, elle a créé la sensation en se portant candidate à la présidentielle de cette année-là. Une décision plutôt osée à cette époque où la plupart des Béninois ne parvenaient pas à caresser l’idée qu’une femme puisse accéder à la magistrature suprême de leur pays. Comme il fallait s’y attendre, cette avocate qui a fait son apparition sur la scène publique à l’image d’un ouragan n’a pas réussi à déchaîner les foules. Les pesanteurs sociologiques ont eu raison de sa fougue et de ses ambitions. Marie-Elise Gbèdo, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a dû se contenter, la mort dans l’âme, d’un score mitigé. Le soutien des 52% de femmes que compte le Bénin lui a cruellement manqué. Ses congénères ont pris fait et cause pour les hommes. Loin de se décourager, elle est revenue à la charge en 2006.
Cette fois, elle n’était plus la seule représentante de la gent féminine en lice. Inspirée par son courage et son exemple, Célestine Zanou, l’ancienne directrice de cabinet civil du Gl Mathieu Kérékou, connue pour sa bravoure et ses interventions, s’est également jetée à l’eau. Là encore, à deux, elles ont réalisé un score plutôt insignifiant. L’essentiel pour elles, ce n’était pas tant de participer, encore que personne ne refuse de gagner des millions, l’essentiel, disais-je, était de briser à jamais un tabou. Elles ont plutôt réussi leur coup. Pendant que certaines femmes se terrent, trouvent des prétextes pour ne pas réaliser leur rêve d’une vie publique, pendant que d’autres refusent de s’affirmer et se réfugient derrière des considérations sociologiques, elles ont pris l’héroïque décision de donner un coup de pied dans la fourmilière. Au lieu de subir, elles sont passées à l’action. C’est tout à leur honneur.
Contrairement à leur aînée Rosine Soglo, qui en dépit du poids de l’âge et de la maladie, continue de mener le combat politique avec le peu de forces qui lui restent, Marie-Elise Gbèdo et Célestine Zanou donnent l’impression d’avoir déjà jeté les armes. Depuis plusieurs années, la première ne s’illustre plus, à proprement parler sur le terrain politique. A sa décharge, il faut avouer qu’elle a reçu des coups, et pas des moindres. A force de trop encaisser, elle a peut-être préféré s’éclipser en douce. La seconde par contre, tente de donner des signes de vie. On l’a vue lors de la dernière présidentielle, celle de 2016, s’illustrer aux côtés du candidat Abdoulaye Bio Tchané, qui occupe aujourd’hui, le portefeuille convoité de ministre d’Etat en charge du développement. La présidente de la dynamique du changement pour un Bénin debout qui a pris ses distances avec cet allié circonstanciel s’est enfermée dans un mutisme.
Au Bénin, les femmes constituent plus de 52% de la population. Si on devrait réfléchir de manière linéaire, en réussissant à s’organiser et à concentrer leurs voix sur une candidature féminine, elles sont à même de prendre le pouvoir. Mais cette solidarité recherchée demeure un rêve et il est fort à parier qu’il en sera ainsi pour longtemps encore. Avec la réforme du système partisan, les femmes sont obligées de se battre, beaucoup plus que par le passé, si elles tiennent à avoir voix au chapitre. Comment s’organisent-elles pour intégrer les nouveaux partis créés à ceux à naître avec beaucoup d’influence ? Après avoir montré la voie, Marie-Elise Gbèdo et Célestine Zanou devaient continuer à mouiller le maillot jusqu’à faire des émules. Certes, avec ce qui a été fait, elles ont assuré. Mais elles ont l’obligation de mieux faire. Leur présence constante en politique suffit pour créer l’effet d’entraînement. Après elles, d’autres femmes et pas des moindres sont attendues en politique. Pour ce faire, elles ont besoin de mentors à qui s’identifier. Outre Rosine Soglo et feu Rafiatou Karim, il faut que beaucoup d’autres femmes se lèvent, ici et maintenant.
Moïse DOSSOUMOU