Président-fondateur de ReBin, une fondation suisse qui se consacre au développement durable, Mark Giannelli a supervisé un projet de construction d'un centre de traitement des déchets d'un genre nouveau. A Houégbo, au Bénin, moins de six mois après son lancement opérationnel, le site produit déjà suffisamment de biogaz pour satisfaire les besoins de 200 ménages. En 2019, les objectifs sont de doubler la production, et de lancer des projets similaires au Bénin, mais aussi à Sao Tomé.
Comment est née la fondation ReBin ?
Mark Giannelli : ReBin a été créée en 2016. L'idée est partie d'un travail académique, réalisé dans le cadre de la reprise de mes études, à 40 ans passés. Le développement durable était au cœur de mon projet. Par pur hasard, lors d'un voyage en Thaïlande, je suis tombé sur un entrepreneur qui avait une approche totalement différente du déchet. Pour lui, c'était de la matière première. J'ai trouvé extraordinaire l'idée de créer, à partir de cette matière négligée, une économie circulaire. Après la rédaction de mon mémoire, j'ai joint la pratique à la théorie en créant ReBin. Pour les missions que nous voulions accomplir, nous avons dû opter pour le statut d'ONG, même si le concept ne me plaît pas vraiment. Mais le fait est que c'était le seul moyen d'obtenir une crédibilité et une légitimité dans les pays du sud, où nous voulions mettre nos projets en application.
Pourquoi avoir choisi de vous implanter au Bénin ?
Je dois avouer que c'est un pays que je ne connaissais absolument pas. J'y ai découvert ce qu'était la Suisse il y a une centaine d'années. C'est-à-dire un pays pauvre, avec peu de ressources, mais avec une capacité à percevoir le changement de manière nettement plus positive que ses voisins. L'autre aspect intéressant est que le système démocratique du Bénin est relativement stable. Pour tester un projet-pilote, c'est un terrain très favorable.
Comment le Bénin gère-t-il ses déchets ?
Comme dans beaucoup de pays africains, la gestion des déchets est inexistante. Il y a quelques efforts du côté de l'assainissement mais, pour les détritus, on reste sur une logique d'enfouissement, au mieux d'incinération ; ce qui, de mon point de vue, est déjà un non-sens économique. On paye pour être débarrassé de nos valeurs. En Afrique, le déchet est omniprésent. Cela devient un problème de plus en plus important, notamment parce que le déchet s'est sophistiqué.
Comment avez-vous développé votre projet ?
On a commencé par le plus simple : les déchets organiques. Ils représentent 50% des détritus, et sont composés à 90% d'eau. Il y a beaucoup mieux à faire que de brûler de l'eau ! Nous, avec ces déchets organiques, on produit du biogaz et du compost. Mais ce biogaz, ce serait un non-sens de le transformer en biocarburant ou en électricité. Notre idée est d'en faire un usage domestique ; de le substituer au bois et au charbon de bois utilisés traditionnellement au Bénin. Ils ont en effet deux inconvénients majeurs : les maladies que les fumées génèrent et la déforestation. Certaines de mes clientes ajouteraient qu'avec le biogaz, leurs marmites ne sont plus recouvertes de suie !
Vous vendez donc des sacs à gaz...
Comparés aux tas de bois que les habitants devaient auparavant transporter, parfois sur des kilomètres, c'est léger. Nos sacs font 1m3, soit environ 4kg. Ils sont non-compressés, et ne risquent donc pas d'exploser. En plus, la cuisson au biogaz est plus rapide que celle au charbon ou au bois. Nous avons aussi privilégié les trajets courts (moins de 5 kilomètres), afin que nos centres soient au cœur des zones de production de déchets et aussi de consommation du biogaz. Un cas d'école en termes d'économie circulaire.
Depuis quand le site de Houégbo est-il opérationnel ?
En novembre 2017, ce n'était encore qu'un champ de maïs. Depuis le 1er juin 2018, il est opérationnel. Nous avons travaillé avec des entrepreneurs locaux, en important très peu de matériels. Les gens ont rapidement compris qu'on ne venait pas faire la charité, mais pour leur proposer un projet durable. Nous avons déjà valorisé 80 tonnes de déchets. Nous comptons à l'heure actuelle 200 familles clientes, soit environ un millier d'utilisateurs. Des clients institutionnels arrivent de toutes parts. C'est très positif, d'autant que le centre de Houégbo est d'ores et déjà financièrement auto-suffisant, grâce à la vente de nos produits.
Quels sont vos objectifs à moyen terme ?
Nous sommes heureux que les autorités locales se soient, tout récemment, engagées totalement à nos côtés. Cela permettra, dès l'année prochaine, d'assainir le marché de Houégbo, qui produit chaque semaine 4 tonnes de déchets. Aujourd'hui, nous traitons 6 tonnes de déchets par semaine, ce qui nous permet de produire 130m3 de biogaz. Avec ce nouvel apport, nous prévoyons de doubler notre production en 2019. Nous avons également développer une activité de pisciculture en aquaponie ; l'eau récupérée, chargée en nutriments, servant à arroser le compost (gros consommateur en eau). Encore une fois : rien ne se perd. Nous allons également lancer un nouveau centre, soit à Porto Novo, au Bénin, soit sur l'île de Sao Tomé.