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3e journée du procès Icc services: Les ex-ministres Victor Topanou et Armand Zinzindohoué déposent

Publié le jeudi 20 decembre 2018  |  La Nation
Affaire
© aCotonou.com par DR
Affaire ICC service
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Victor Topanou et Armand Zinzindohoué, tous deux anciens ministres du gouvernement de Boni Yayi étaient à la barre de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) ce mercredi 19 décembre. Ils ont chacun d’eux apporté leur part de vérité sur l’affaire de placement illégal et de collecte d’argent dite Icc services qui est à sa troisième journée de procès.

L’audience sur l’affaire Icc services s’est poursuivie ce mercredi à la Criet avec la comparution à la barre de l’ancien ministre chargé de la Justice, Victor Topanou. D’entrée de jeu, le sachant relève que l’activité de collecte et de placement d’argent en cause ne relève pas de ses attributions. Il est du ressort du ministère chargé de la Microfinance. Mais il a connu le dossier du 27 décembre 2009 au 21 juin 2010, au cours de sa fonction.
En effet, ce 27 décembre 2009, se souvient Victor Topanou, il a été appelé par son collègue de l’Economie et des Finances d’alors, Idriss Daouda. Ce dernier lui a demandé de faire arrêter certaines personnes parce qu’elles exercent des activités illicites de collecte et de placement d’argent. Idriss Daouda lui demandait de vite agir pour éviter que les intéressés qui ont mis beaucoup de fonds à l’extérieur ne s’enfuient du pays. Victor Topanou dit avoir recommandé à son collègue de déposer une plainte pour une procédure régulière. Ce que ce dernier a fait un mois plus tard. Il a déposé la plainte le 27 janvier 2009 à travers la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées agissant au nom du ministre de l’Economie et des Finances. La plainte a été déposée au parquet du tribunal de première instance de Cotonou par Me Ali Yérima, alors conseiller technique juridique du ministre Idris Daouda. Cette plainte visait quatre structures illégales de placement dont Icc services. Victor Topanou dit avoir préféré que la procédure soit directement conduite par le premier substitut du procureur de la République près le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou, Justin Gbénamèto qui dirigeait ce parquet qui n’avait pas de procureur de la République en ce moment, plutôt que le procureur général près la Cour d’appel de Cotonou, qui était son collaborateur immédiat compétent pour connaitre de cette plainte, tout simplement compte tenu d’une certaine rumeur qui faisait état de ce que le procureur général (Pg) Georges Constant Amoussou serait le conseiller technique juridique occulte d’Icc services. Il a instruit le parquet du Tribunal de première instance (Tpi) de Cotonou de faire diligence pour vite instruire la plainte. Ce dernier a fait un soi-transmis à la Brigade économique financière (Bef) le 2 février 2010.

Topanou lavé de tout soupçon

Mais il a constaté un ralentissement du dossier à partir de cette date jusqu’au 2 mars 2010 où il a relancé la procédure. Mais le 3 mars 2010, Victor Topanou dit avoir reçu un coup de fil du premier substitut du procureur qui l’informe de ce que le procureur général vient de lui ordonner de lui communiquer le dossier, au moment où il s’apprêtait à arrêter les promoteurs des structures illégales en question. Dès lors, le dossier lui échappe s’il transférait la procédure au parquet général. Ce qui venait de faire foirer son plan de faire gérer cette plainte par le premier substitut du procureur de la République sans l’interférence du procureur général, constate-t-il. Le procureur général est allé le voir par la suite pour lui faire observer que le ministre de l’Economie et des Finances ne pouvait pas engager techniquement des poursuites pénales contre les mis en cause. D’autant qu’il s’agit d’une activité de placement de fonds en ligne. Laquelle, selon lui, bénéficie d’un vide juridique. Il n’existe aucune loi nationale ou communautaire qui l’interdit. Le procureur général propose au ministre Victor Topanou de faire prendre par le gouvernement un décret pour régulariser le vide juridique en attendant un texte supranational pour réglementer l’activité. Mieux, l’arrestation des intéressés risque d’hypothéquer le remboursement des épargnants, estime le procureur général dans le rapport qu’il a transmis au ministre Victor Topanou. Lequel rapport il dit avoir donné copie au ministre de l’Economie et des Finances et au ministre d’Etat Pascal Irénée Koupaki. On était en mars 2010. Appréciant le contenu du dossier, le ministre Idriss Daouda, à en croire Victor Topanou, s’est offusqué des observations du procureur général qui s’oppose à la poursuite pénale des mis en cause. Le dossier était là quand il est sorti du gouvernement le 21 juin 2010. Mais il a constaté que les mis en cause ont été arrêtés quelques jours après son départ. Victor Topanou déclare à la barre avoir appris, quelques mois avant son départ du gouvernement, que le chef de l’Etat a été conseillé par deux de ses proches Marcel de Souza et Placide Azandé, alors premier adjoint au maire d’Abomey-Calavi, tous nommés par la suite ministres, que ce dossier Icc services était une grosse affaire qui risque de faire chanceler le pouvoir si rien n’est fait. Il fallait trouver coûte que coûte un bouc émissaire pour faire taire cette nébuleuse. Dans cette foulée, le chef de l’Etat a fait une confrontation dans son bureau au palais de la Marina avec lui et le procureur général sur le dossier. A la suite de cette rencontre, le chef de l’Etat a limogé le procureur général. Certainement pour n’avoir pas fait ce qu’il devrait faire dans le cadre de cette procédure soutenue par une plainte du ministre de l’Economie et des Finances en date du 27 janvier 2010. Mais pourquoi n’avait-il pas adressé une demande d’explication au procureur général lorsqu’il a appris que ce dernier était proche des responsables d’Icc services ? A cette question du ministère public, Victor Topanou dit en avoir pas eu l’idée surtout que la rumeur n’était pas soutenue par une preuve matérielle. Il résume cette affaire d’Icc services comme une série de trafics d’influence de faire ou de ne pas faire. Il se rappelle avoir vu à la télévision le sieur Emile Tégbénou reçu en audience par le chef de l’Etat Boni Yayi, le 10 février 2010, juste au lendemain de la transmission au substitut du procureur de la République du tribunal de
Cotonou, Justin Gbénamèto, le 6 février 2010, du procès-verbal de la Brigade économique et financière (Bef) devant aboutir à l’arrestation des responsables d’Icc services.
Sur la question des deux millions de don que Guy Akplogan, président directeur général d’Icc services, a déclaré la veille lui avoir fait, Victor Topanou a été on ne peut plus clair. Il martèle n’avoir bénéficié de quoi que ce soit de l’accusé. Il menace à la barre de porter plainte contre lui au cas où son honneur ne sera pas lavé par la cour de céans. Toutefois, il reconnaît que Guy Akplogan est habitué à certains membres de sa famille à Kansounkpa dans la commune d’Abomey-Calavi. Il l’a remarqué pour la première fois en septembre 2009 lors de la fête des moissons organisée par l’Eglise protestante de Kansounkpa où il achetait des bouteilles d’eau à deux millions F Cfa. Victor Topanpou reconnait avoir reçu à son bureau au ministère Emile Tégbénou qui est venu lui présenter ses civilités. Mais cette audience a eu lieu sur insistance de trois de ses cousins qui étaient aussi de la partie. A la fin de la visite, Guy Akplogan lui a tendu une enveloppe dont il ignore le contenu qu’il avoue avoir refusé de prendre. Mais ses frères l’ont informé par la suite qu’une fois parti de son bureau, Guy Akplogan leur a fait un geste de 200. 000 F Cfa pour le carburant, disent-ils. Victor Topanou se souvient que tout ceci se passait au moment où enflaient les rumeurs de l’arrestation des promoteurs d’Icc services et consorts. Après cette clarification, Victor Topanou défie Guy Akplogan de rapporter la preuve qu’il lui a remis en main propre une enveloppe de deux millions F Cfa comme don au moment où il était ministre. Sur la question, le président de la cour a invité Guy Akplogan à la barre pour confirmer ou infirmer sa déclaration de la veille relative à l’affaire des deux millions F Cfa. Dans sa réaction, le patron d’Icc services précise avoir remis l’enveloppe dans le bureau à l’un des neveux de ce dernier, le sieur Vivien Kougnimon qui a facilité l’audience. Ce dernier devrait remettre les fonds au ministre. Mais il n’a pas eu le retour que l’argent a été remis ou pas. Mieux, il répond par la négative à la question de la cour de savoir si le ministre l’a appelé par la suite pour le remercier ou si les relations entre lui et Victor Topanou se sont améliorées particulièrement après son geste. « Je ne peux pas véritablement dire que le ministre Victor Topanou a reçu de l’argent dans mes mains », conclut Guy Akplogan.

Armand Zinzindohoué, un bouc émissaire ?

A la suite de l’ancien garde des Sceaux, l’ex-ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, au moment des faits, Armand Zinzindohoué a été invité à la barre pour donner sa part de vérité sur le dossier qui lui a coûté son poste et plusieurs jours de garde à vue à la Brigade territoriale de Cotonou ainsi que sa traduction devant la Haute cour de justice en 2010. Avec toute la force et l’énergie qu’on lui reconnait, Armand Zinzindohoué informe la cour avoir connu, en mars 2009, Emile Tégbénou par le biais de son ami, Guillaume Sogbossi. Il l’a présenté comme le responsable de la Société nouvelle alliance du Bénin (Snab) spécialisée dans la construction de forage et de château d’eau. Il lui a dit que la société venait de construire un château d’eau à Glo-Djigbé dans la commune d’Abomey-Calavi et une église du Christianisme céleste à Malanwi dans la commune d’Adjarra. Emile Tégbénou dit faire ses réalisations un peu partout, selon Armand Zinzindohoué, afin de faciliter la réélection du président Boni Yayi.

Ainsi, Emile Tégbénou l’a invité au cours de la rencontre à participer à l’inauguration du château d’eau de Glo-Djigbé. Il lui a remis deux cartes d’invitation, une pour lui et l’autre pour le chef de l’Etat. Armand Zinzindouhoué se souvient qu’au cours de cette première rencontre, Emile Tégbénou a exprimé des besoins de port d’arme pour sa sécurité à Adjarra. Il dit avoir orienté Emile Tégbénou vers le commissariat central de Porto-Novo dont relevait Adjarra pour cette question d’ordre sécuritaire. Il a rendu compte des invitations de cette société au chef de l’Etat qui l’a autorisé à aller le représenter à la cérémonie d’inauguration du château d’eau de Glo-Djigbé. Il a constaté sur les lieux la pause de grandes affiches réalisées à l’effigie du président Boni Yayi et des banderoles qui portaient des messages élogieux à l’endroit de ce dernier. Il dit avoir rendu compte de tout cela à son patron à son retour à Cotonou qui était visiblement satisfait. Armand Zinzindohoué dit avoir fait le même exercice le dimanche 6 septembre 2009. Il a été autorisé par le chef de l’Etat pour aller le représenter à la cérémonie d’inauguration de l’Eglise du christianisme céleste de Malanwi. Le message était toujours le même : amener les fidèles à soutenir les actions du président Boni Yayi et à travailler pour sa réélection. Mais il dit avoir constaté avec grand étonnement à cette inauguration que la maison d’Emile Tégbénou à Adjarra était gardée par des militaires et les bureaux par des éléments de la Gendarmerie nationale. Mieux, Emile Tégbénou avait un garde de corps et un permis de port d’arme. Mais il dit ne pas savoir comment l’intéressé a pu avoir tout ce prestige. Jusque-là, il n’a jamais su que Emile Tégbénou faisait partie des membres d’Icc services. Ce n’est qu’au Conseil des ministres du 19 mai 2010 qu’il a eu l’information lorsque la question a été introduite en divers par le ministre de l’Economie et des Finances, Idris Daouda. Il en était là quand le dimanche 20 juin 2010, alors qu’il était à Abomey, il reçoit un coup de fil du président de la République, Boni Yayi. Ce dernier lui demandait de passer en bande passante sur la Télévision nationale un communiqué invitant tous les responsables d’Icc services à une séance de travail avec lui le lundi 21 juin 2010. Cette séance a été tenue sur instruction du chef de l’Etat avec comme ordre du jour : les raisons des plaintes des clients Icc services et consorts. A cette réunion, Guy Akplogan lui a répondu qu’il avait des problèmes de trésorerie. Raison pour laquelle il n’est pas en mesure de payer les épargnants. Il a fait la promesse que les choses rentreront dans l’ordre. Dès qu’il a fait le point au chef de l’Etat, ce dernier lui demande de les remettre à la police. C’est ainsi qu’il a instruit les forces de l’ordre d’arrêter les mis en cause aujourd’hui à la barre. Mais il dit ne pas savoir que sa loyauté à servir son chef pouvait lui coûter aussi son poste. Il a été sorti du gouvernement le 7 juillet 2010 où il a été sauté comme un fusible. « J’ai été littéralement sacrifié dans ce dossier. J’ai servi de bouc émissaire. On m’a collé cette affaire pour embrouiller les cartes », se défend Armand Zinzindohoué. Les débats ont été suspendus sur lui et rependront toujours avec lui ce jeudi.

Composition de la cour ce mercredi 19 décembre 2018

Président : Edouard Cyriaque Dossa, président de la Criet

Assesseurs : Tchognon Richard Limoan ; Adamou Moussa ; Guillaume Lally et Cyprien Tchibozo

Ministère public : Ulrich Gilbert Togbonon, procureur spécial près la Criet

Greffier : Me Nancy Sèna Gandaho

Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau
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