Ceux qui s’attendaient à une grosse charge de Koupaki contre le système Yayi, en ont eu pour leur grade : il n’en a rien été. L’homme est resté fidèle àson image de placidité et de froideur caractéristique des fonctionnaires de banque lorsqu’ils ont pris par les arcanes aseptisés de la centrale.Mais il est sûr désormais qu’il s’attache à se construire un « destin national », comme on disait du temps de Jospin. Cette marche timorée vers 2016 lui réussira-t-elle ?
C’est la question que je ne cesse pas de me poser depuis. Par tempérament autant que par conscience (tiens, la conscience !),il ne trouvera jamais les mots justes pour critiquer le système Yayi dont il fut un acteur privilégié. A l’heure des comptes, il sera tenu pour responsable des erreurs comme des acquis du yayisme. Et il le sait. Pendant plus de la moitié de ses deux mandats, Boni Yayi en a fait son bras droit, laissant supposer qu’il ne fait jamais rien sans lui. Ce n’est pas le moindredes honneurs, encore moins le plus élevé des pouvoirs au sein du gouvernement. De ce fait et de tous les autres, il est entièrement responsable des errements durégime. Il est tout aussi évident qu’il a essayé (avec une réussite mitigée) de se démarquerde la gouvernance actuelle>
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Sa réserve et son langage plus que calculés lui ont fourni les armes de cette stratégie. En plus, on ne l’a jamais vu marchant pour remercier, applaudissant ou conspuant le PVI, maudissant Talon ou célébrant le RAMU. Zen sur toute la ligne, il n’a jamais cédé à la tentation de la louange puérile. De ce point de vue, on peut le dire, c’est l’homme qui a su dire non.Parce qu’il était l’initiateur de la plupart des projets pour lesquels les autres ministres étaient obligés de se livrer à la comédie ? Certainement. Connaissant la nature du régime Yayi, l’on imagine quelles pressions il a dû subir…
Mais pour des raisons pratiques, Pascal Irénée Koupaki est contraint d’être l’obligé de Boni Yayi jusqu’en 2016. Quel que puisse en être le prix. Sans se vassaliser et sans jouer les toutous de service, il devra garder la ligne qu’il s’est tracée samedi, en faisant des mea culpaanodins, montrant ce qu’il a fait, exhibant les insuffisances, évoquant les généralités de la construction d’un Etat moderne et vertueux. Les vraies attaques frontales, il les laissera à ses groupes occultesainsi qu’aux personnalités bruyantes qui le rejoignent progressivement. L’essentiel, c’est pour lui de continuer de se maintenir en phaseavec le régime jusqu’au jour J pour ne pas subir les foudres du système Yayi. Et surtout pour s’y appuyer pour les batailles à venir.
Dans la configuration actuelle du pouvoir Yayi, tout cadre qui s’aventurerait à afficher une quelconque liberté à son encontre au nom d’une pseudo-démocratie sera purement et simplement grillé. Avec un contexte où les intérêts et les positions arrachés de haute lutte sont recherchés avec fougue, tous se méfient de tous. Ils resteront « neutres » jusqu’en 2016. Et pourtant, de leurs choix dépend celui de leurs parentsrestés au village. Par précaution, la plupart des cadres qui animent la vie politique dans les villages, resteront attentistes. Se mettre à dos le régime Yayi dans ce contexte revient à signer son propre arrêt de mort.
Mais il y a une autre raison pour laquelle Koupaki n’osera jamais remettre ouvertement en cause l’héritage Yayi. Si jamais il se positionne comme opposé au yayisme, il aura à dos une bonne partie de l’électorat du septentrion.En ce moment en effet, l’électeur béninois omet les votes rationnels. Les choix ethniques forment la majeure partie de nos habitudes électorales. Du moment qu’il le sait, l’ex-premier ministre cherchera dès maintenant à ne pas se mettre à dos cet électorat utile pour le deuxième tour. Pour espérer glaner quelques voix dans ces contrées dont le vote est automatique, il n’a nul besoinde s’opposer à son ancien mentor. Qu’il lui suffise d’agiter quelques ambitions générales, d’autant que l’électorat majoritaire ne se préoccupe ni de bilan ni de bonne gouvernance.
Mais cette posture d’enfant sage luiportera-t-elle bonheur ? C’est la question. Elle ne rassemble pas, mais élimine tous ceux qui ont des récriminations vis-à-vis du régime, notamment dans les grandes villes du sud Bénin. Et c’est là qu’entrent en jeu les stratégies politiques des derniers mois.