Le régime de la refondation célèbre la découverte de l’Or noir. Et son chef s’égosille dans l’euphorie. L’emballement pour le pétrole a mis le trône en effervescence avec le roi qui tient enfin le trophée du siècle. Coincé dans ses rêveries, le ministre du sous-sol saute au plafond et revendique sa victoire sur les saint Thomas. Sûr de déménager définitivement au sous-sol et d’en explorer les profondeurs, Barthélémy Kassa se promène d’abord dans les nuages. Au miroir d’un gisement haut de gamme, le petit pays du golfe de Guinée veut croire au destin de pays du golfe persique. Le ministre en transe partage les fantasmes du roi, et tous font sonner le gong de la propagande avec des mailloches archaïques selon le rituel yayiste du pari gagné. Mais, l’annonce en fanfare du pétrole au Bénin ne nous extrait pas de nos incertitudes.
Kassa s’est lui-même chargé de relayer les chiffres pétroliers de l’ère Yayi. 87 millions de barils d’or noir semblent déjà disponibles sur le bloc 1 et feront l’objet d’une exploitation sur quatorze ans, à raison de 7.500 barils par jour à compter de la date d’exploitation. La surexcitation ministérielle vient de la confirmation évasive de l’existence du pétrole dans le bassin sédimentaire côtier béninois. On agite une autre réserve estimée à 100 millions de barils. Du coup, Kassa passe à la proclamation mémorable de l’entrée du Bénin dans le cercle des pays producteurs du pétrole. Si le discours sur l’Or noir n’est pas un nouvel épisode du bluff et de la gouvernance fiction, l’économie béninoise devra à terme bénéficier du coup de pouce pétrolier. La manne surgie du sous-sol de la refondation serait porteuse d’espoir. Le rêve de l’émergence devrait nuancer les sempiternels cauchemars auxquels le pouvoir cauri a jusqu’ici condamné la nation. Si on s’en tient, toutes proportions gardées, à la rhétorique pétrolière couvrant l’agitation de l’attelage Yayi-Kassa, l’illusion d’un décollage économique bercera les esprits. Avec le déclin du coton et la misère portuaire, le supposé avènement de l’Or noir tombe comme du pain béni pour le roi et sa bande d’opportunistes.
L’existence du pétrole sous le règne de Yayi 1er reste néanmoins chargée de risques. Si la découverte hurlée n’est pas une pure distraction, et si on est miraculeusement dans du vrai et non dans l’habituel faux, elle véhiculera une menace pour le pays. Le péril est interne. L’Or noir risque de gonfler la dangerosité de l’écurie cauri, de donner du volume aux illusions de Yayi 1er et d’alimenter son désir inavoué de s’accrocher au trône. En attendant les retombées de l’exploitation du pétrole, le roi peut même s’endetter et financer des actions malsaines pour s’assurer la survie et une longévité record au pouvoir. A terme, l’argent du pétrole servira à l’organisation des marches de soutien, les prières, les messes d’action de grâce…pour le dictateur. Vecteur potentiel de folie, ce pétrole est susceptible d’attiser les grossières ambitions du trône.
Il est évident que Yayi, président d’un pays producteur du pétrole changera de statut aux yeux de ses partenaires et prendra une nouvelle dimension. Cette ampleur héritée de la possession de l’Or noir lui fera pousser des ailes et le basculera dans des élans chargés de grosses inconnues. A l’interne, la fin de mandat risque d’offrir d’étranges sensations. Devant la prophétie des millions de barils, on imagine la conscience du roi. Gare à l’obsession de la révision de la Constitution et au rêve du pouvoir à vie.
La vocation mal dissimulée de Yayi est d’écrire sa propre histoire avec le pétrole et le trône. Que la découverte annoncée, sourires simulés, soit un ballon d’essai ou une réalité, elle vise d’abord à doper le moral du roi et à agir sur la psychologie des foules. La bataille est celle de la manipulation et de l’appropriation des esprits. Du pétrole dans le bilan du roi devrait lui assurer le destin de « dieu » longtemps recherché via le culte de la personnalité. Et par conséquent, la prolongation du règne après 2016 reviendra à l’ordre du jour même si elle n’avait jamais quitté l’agenda personnel de sa Majesté.
La refondation est à l’heure du pétrole et officialise les statistiques de l’exploit. C’est désormais en millions de barils que Yayi 1er rêve d’avancer dans les rayons de la dictature. En fin de mandat, le pétrole sera au cœur de la politique et des rituels dans la cour royale. La présidentielle de 2016 s’offrirait ainsi un nouvel enjeu : le contrôle des pétrodollars. A condition que la découverte de l’Or noir soit d’abord vraie. Revient donc au galop, la cruciale question de la crédibilité de l’équipe Yayi qui n’a pas horreur du mensonge et de la diversion.