Décidément, du riz japonais, il en pleut sur les côtes béninoises. Pour la septième fois, à ce qu’il paraît, et les populations ont pu le remarquer, plus de 5000 tonnes de riz en provenance du pays du soleil levant ont été, il y a à peine quatre jours, déchargés au Port autonome de Cotonou. Déjà en octobre dernier, le Bénin avait reçu du même partenaire asiatique près de 4000 tonnes aux fins d’une vente à moindre coût pour un réinvestissement des fonds récoltés dans des projets à caractère social. Avantage de cette formule nipponne qui devient donc une habitude par ici, c’est d’abord la sécurité alimentaire qui est renforcée. Ensuite, ce sont des projets de développement socioéconomique qui, facilement par l’entremise de l’écoulement de ce riz très prisé, bénéficient, sans doute, de financement.
D’ailleurs, pour avoir une idée de ce que rapporte ce riz évalué à plus d’un milliards et vendu pour surtout aider les indigents, il faut noter que le prix de cession du sac de 30 Kg du dernier stock envoyé était de 7.800 Francs CFA. Pour la suite, je laisse chacun à sa calculette. Mais, il n’empêche que ce riz que les Japonais n’en finissent pas de nous offrir peut bien être contreproductif, ne serait-ce que pour la production et l’économie nationales. Ainsi, même si ce n’est que sur une courte période, dès lors qu’il n’était pas question de déficit alimentaire, c’est toujours à une concurrence néfaste qu’on assistera. En somme, au lieu d’une formule d’aide qui tue l’entreprenariat, il me plaît bien que la coopération bénino-japonaise se penche beaucoup plus sur une assistance technique qui booste notre capacité de production et permet d’avoir du riz à vil prix en toutes saisons. Sinon, ce n’est pas l’espace pour produire en quantité suffisante cette céréale au Bénin qui manque. Alors, oui à l’aide étrangère mais pas pour nous gaver de riz japonais au risque d’attraper le béribéri.
De surcroît, nous avons toujours chanté consommons, au mieux que nous pouvons, local. J’imagine qu’à l’allure où débarque ce riz par ici et avec ce tonnage, les cantines scolaires censées absorber les fruits des efforts de nos valeureux paysans n’y résisteront pas longtemps. Et même si certains chanteront que je suis dans la fiction, je parie que si l’on ne procède pas autrement, ce ne sont pas nos enfants nourris à cette céréale offerte pour, en principe aider les indigents, qui inverseront la tendance. Ce qui est sûr, au Bénin, on produit aussi du bon riz. Mais, ce qui manque, c’est un sursaut patriotique en vue de la priorisation de nos produits. Sans ça, ne soyons pas surpris qu’à chaque annonce de déchargement de surplus du riz japonais sur le compte de l’aide au développement, les appétits s’aiguisent et que même la voracité s’y mêle.
Pour preuve, lors de la précédente assistance japonaise en riz, la cible principale n’a pas été atteinte et les accusations ont fusé de partout. Au cœur de la polémique, une certaine élite qui s’accapare de l’essentiel de cette céréale au détriment du bas peuple. Justement, c’est bientôt la période des intéressements des populations par les acteurs politiques, et j’ai bien peur que du don japonais, on passe rapidement aux libéralités de campagne. Ou encore, que se croyant plus intelligents, des marchands véreux échangent les emballages pour la revente du riz japonais sur nos marchés. Ce ne serait pas nouveau. Mais, cette fois-ci, espérons qu’il n’en serait plus ainsi.
Angelo DOSSOUMOU