Pour ceux qui s’attendaient à des déballages à couper le souffle, la montagne a plutôt accouché d’une souris. Depuis trois jours à la Criet, les déclarations du magistrat à la retraite, ex agent judiciaire du trésor et ex-présidente du comité de suivi de la crise Icc-Services, ne comblent pas les attentes réelles ou supposées de ceux pour qui elle représentait à tort ou à raison la clé de cette affaire. Droite dans ses bottes, imperturbable, convaincue de la technicité avec laquelle elle a traité le dossier Icc-Services, Séverine Lawson tient depuis trois jours en haleine la Criet, dribblant les questions pièges tentant à impliquer non seulement le gouvernement d’alors mais surtout son chef hiérarchique qu’est l’ancien président Boni Yayi.
Depuis le début du dossier, aussi bien pour le président de la Cour que pour le procureur spécial, l’Etat n’avait pas à s’immiscer dans cette affaire, déjà en justice, par la création de diverses commissions. Interrogée sur la question, Séverine Lawson a répondu que c’était aussi son opinion le premier jour où elle a été conviée à la primature pour la mise en place du comité de suivi. Mais après, lorsqu’elle a lancé par l’Insae l’enregistrement des spoliés, elle a compris pourquoi il fallait que l’Etat intervienne ne serait-ce que pour éviter un trouble à l’ordre public. Donc contrairement à ce que pensent le président et le procureur spécial, pour Séverine Lawson qui a été très près du dossier, l’Etat se devait d’intervenir. On ne pouvait donc reprocher à l’ancien président de s’immiscer dans le dossier. Hier, alors qu’elle déployait un argumentaire sur les pressions subies par elle dans ce dossier, pressions qui venaient des populations, des médias mais aussi du chef de l’Etat, la Cour a voulu savoir le type de pressions qu’exerçait sur elle Boni Yayi. «Pressions positives », a répondu Séverine Lawson pour expliquer combien l’ancien président était impatient de voir commencer le remboursement des spoliés de Icc-Services. Elle était d’ailleurs étonnée que les mis en cause Emile Tégbénou et Guy Aplogan affirment que le gouvernement d’alors n’était pas dans la logique de payer. Même en affirmant avoir regretté jouer les premiers rôles dans cette affaire pour être ensuite abandonnée par tous, même par son supérieur hiérarchique le président Boni Yayi de qui elle n’a même pas eu un soutien moral dans cette épreuve, jamais elle n’a émis de doute sur les bonnes intentions de Boni Yayi dans cette affaire. A l’entendre, on a l’impression que la seule motivation de l’ancien chef d’Etat était que les spoliés entrent à possession de leurs sous. Est-cela que les gens voulaient entendre en annonçant à grands renforts médiatiques la venue devant la Criet de l’ex-présidente du comité de suivi ? Evidemment, il appartiendra à la Cour de faire son opinion et de tirer ses propres conclusions.
Les conseils de Séverine Lawson aux magistrats en exercice
Prenant l’exemple de l’ancien procureur Georges Constant Amoussou, le magistrat à la retraite Séverine Lawson a mis en garde ses collègues en fonction contre les relations incestueuses qui peuvent exister entre un procureur et un chef d’Etat. « Le supérieur hiérarchique direct du procureur, c’est le ministre de la justice. Ce n’est pas le chef de l’Etat », a souligné Séverine Lawson. Elle est partie de son exemple personnel quand elle était juge. Elle avait reçu un coup de fil du Palais et c’était le Directeur de cabinet du chef de l’Etat. Mais attachée au respect de la hiérarchie, elle a eu le courage de dire au directeur de cabinet qu’il devrait passer par le ministre de la justice. Etant donné que le ministre est nommé par le chef de l’Etat, il peut arriver que, dans l’exercice de ses fonctions, le magistrat pense qu’il a plus d’importance que son ministre parce que directement sollicité par le président de la république pour tel ou tel dossier. C’est une erreur. Chacun doit rester dans son rôle, a conseillé Séverine Lawson à ses collègues en fonction.