La 16e journée du procès Icc-services a été marquée essentiellement par la suite de la déposition de Sévérine Lawson. L’Agent judicaire du trésor au moment des faits a fait le point des soldes des virements effectués sur les comptes avant de revenir sur ses déboires et les pressions subies dans le cadre de la gestion de cette crise.
Procureur Spécial : Pour l’Insae, Icc-services a 94879 déposants, après examen des déposants fantaisistes. Qu’avez-vous à dire à propos de ce chiffre ?
Merci Monsieur le Président. Par rapport aux chiffres, nous n’avons rien à retirer, ni à ajouter aux résultats obtenus par l’Insae.
Toujours par rapport à l’Insae, après examens des chiffres, les réactions et les contestations, le solde que Icc-services doit à ses clients est 68.920.683.000 Fcfa. Votre réaction.
Il est vrai qu’en déposant hier, j’ai donné comme solde restant dû 68.920.172.683 Fcfa. Il faut dire que les résultats obtenus par l’Insae ont fait l’objet d’un examen par un expert informatique. Si vous avez les documents en face, vous allez constater qu’à un moment donné, l’Insae a obtenu le chiffre de 72 milliards Fcfa. J’ai dit hier qu’en matière de chiffres, je ne me retrouve pas toujours. Lorsque l’expert informatique est intervenu, certainement en prenant en compte tous les chiffres produits par l’Insae, ils ont trouvé un solde positif et un solde négatif. C’est en procédant aux apurements nécessaires qu’ils ont dégagé la somme de 68.920.172.683 Fcfa. Je n’ai rien inventé. Sinon, c’est ce qui est contenu dans le rapport. C’est peut-être après apurement que j’ai pu obtenir 68.920.172.683 Fcfa.
Par rapport à l’expert dont vous parlez, j’ai eu accès à ce rapport. Il dit qu’après examen des ordinateurs qui ont transité par la Présidence de la République, il a été retenu 53.035 victimes. Je voudrais aussi savoir le solde en décembre 2015 au niveau du compte trésor, 535.502.548 Fcfa. Ce montant ne comprend pas le produit de la seconde vente.
Merci monsieur le Président. Je crois que nous ne parlons pas du même expert informatique. Je n’ai pas souvenance que des ordinateurs aient transité par la présidence. L’informaticien à qui nous avons eu recours pour examiner les documents produits par l’Insae n’a pas été désigné par le juge d’instruction. Si nous examinons bien le décret créant le comité de suivi, il y a été mentionné un expert informatique.
Vous avez eu recours à la Direction de l’organisation et de l’Informatique du ministère de l’économie et des finances pour rapprocher les chiffres de l’Insae.
C’est ce qui a été fait. C’est peut-être un lapsus si je parle d’expert. Par rapport à moi, c’est un expert parce qu’il est dans son domaine que je ne maîtrise pas. Nous ne parlons pas du même expert. Les chiffres qu’on vient d’énumérer par rapport à cet expert, je n’en suis pas informée. Par rapport aux documents de l’Insae, après les apurements, c’est 72 milliards qu’on devrait obtenir. Mais ils ont relevé qu’il y avait des soldes négatifs. J’avoue que je n’y ai vu que du feu. Mais comme ce sont les techniciens en la matière qui l’ont relevé, ils ont fait jouer ce solde négatif qui a ramené le montant à 68 milliards Fcfa. Deuxièmement, lorsque je devrais passer service, le 9 janvier 2017 à mon successeur, le rapport final du comité de suivi avait été déjà déposé. Mais le compte ouvert au trésor n’était pas clôturé. Ce qui suppose que ce compte pourrait continuer à recevoir des dégels de comptes ou des versements de structures. Hier, dans mes déclarations, j’ai eu à expliquer que les dégels ne sont pas intervenus au même moment. Lorsque je faisais le point, il y a avait encore des comptes toujours sous-main de justice qui n’étaient pas dégelés. Est-ce que les ordonnances ont été prises et que c’est la lenteur au niveau des banques qui a justifié cela, je ne saurais le dire. Mais ce qu’il faut retenir est que tous les comptes sous-main de justice n’ont pas été dégelés avant que je ne dépose mon rapport. Il est vrai que j’ai passé service de l’ensemble des dossiers en tant qu’Ajt, mais sur le procès-verbal de passation de service, il a été mentionné l’ensemble des dossiers Icc-services. Tout ce qui concerne Icc-services est entreposé dans un endroit que j’ai indiqué à mon successeur, en prenant soin de lui dire le collaborateur au niveau du service qui pouvait l’informer en cas de besoins. C’est dire que tout ce dont la cour pourrait avoir besoin, si je ne l’ai pas sur moi, ça doit pouvoir se retrouver dans ces dossiers qu’on peut consulter à tout moment. Enfin, je dois dire que, au moment de déposer mon rapport, j’ai pris soin d’obtenir la situation du compte ouvert au trésor. Le compte ouvert au Trésor n’a pas été un compte individuel. C’est un compte global qui a reçu l’ensemble des dépôts, des versements, des virements concernant toutes les structures. C’est le régisseur de ce compte qui a pris soin de rattacher à chaque structure, les montants dégelés ou les versements faits à son profit. C’est ce qui lui a permis de faire la part des choses. Concernant Icc-services, je ne sais pas si c’est 537 millions Fcfa ou 575 millions Fcfa. Mais je dois me retrouver dans mes documents.
Procureur Spécial : Les ventes effectuées dont les sous ont été consignés étaient sous l’égide du greffier Abou du Tribunal de première instance de Cotonou. Les recherches ont révélé la somme de 252.653.040 Fcfa. Ce sont les sous d’Icc-services actuellement consignés au greffe de Cotonou. Les recherches effectuées au niveau de l’Ajt ont donné comme solde en décembre 2015 , 535.502.448 Fcfa. Ce montant ne comprend ni le produit de la seconde vente qui est 193.721.040 Fcfa, ni les 300 millions annoncés comme dégel par la commission d’enquête.
Vous ne vous êtes pas occupés vous-même des réalisations. A moins que la cour ait compris autrement.
Peut-être que je ne me suis pas bien exprimée. En ce qui concerne les ventes, j’ai dit que ce sont les commissaires-priseurs qui l’ont fait. Ce que nous avons transmis à la commission automne d’enquête, ce sont les dénonciations faites par les citoyens en ce qui concerne les biens appartenant ou supposés appartenir aux personnes mises en cause. La vente des biens a été faite par des commissaires-priseurs ensemble avec le greffier en chef près le Tribunal de première instance de Cotonou. On peut s’amuser à faire rapidement le calcul par rapport aux chiffres. Pour ce qui concerne Icc-services, les chiffres comprennent le montant des dégels des comptes au nom d’Icc-services ou des principaux responsables. Le montant des dégels au moment où je prenais le dernier relevé est de 149.433.701 Fcfa. Le montant de la première vente fait 226.712.880 Francs. Les montants des sommes récupérées auprès de ceux qui ont bénéficié de libéralités des promoteurs d’Icc-services devraient faire environs 254.100.000 Fcfa. Je n’ai pas le montant exact parce que la commission autonome d’enquête judiciaire s’est trompée dans la transcription de certains montants. Pour ceux qui ont déposé des sous pour le compte de Guy Akplogan, ça devrait faire 119.800.000 Fcfa. C’est ce que la commission a indiqué. Pour le compte de Tégbénou, c’est 68.622.200 Fcfa. Pour le compte de Sohounou Clément, ils ont indiqué 48 millions Fcfa. Or, lorsque nous avons interrogé le compte, ça faisait plus de 48 millions. Ils ont mentionné 41 millions Fcfa, en réalité c’était 47 millions. De sorte que si on fait la somme des montants sur la base de ce que la commission autonome a déclaré, nous avons un montant qui n’est pas conforme à ce que nous avons retrouvé sur le compte. Les versements ont fait l’objet de quittance. Je me suis amusée à faire la somme des quittances et j’ai obtenu 253. 846.200 Fcfa. C’est ce que moi j’ai obtenu. Je vous ai indiqué hier et ce matin qu’entre les chiffres et moi, il y a un écart.
Mme Lawson, lorsque la commission autonome d’enquête judiciaire met pour le compte de Tégbénou des libéralités à hauteur de 68 millions, ça pose de difficulté dans la compréhension. Depuis le début de ce procès à la Criet, Tégbénou a fait sortir des chiffres qui semblent absents du travail fait par la commission. Tégbénou a dit ici qu’il y a des structures religieuses qui ont pris 50 millions par département. Pour 10 départements, ça fait déjà 500 millions. Alors, c’est l’un des tournants les plus importants de ce procès.
Merci Mr le président. J’ai dit hier que je ne suis pas membre de la commission autonome d’enquête judiciaire. Je ne sais pas dans quelle circonstance des noms ont été cités et que ces personnes ont été invitées à venir restituer ce dont elles auraient bénéficié. C’est au début de ce procès que j’ai entendu parler des montants faramineux dont vous venez de faire état. Ma réflexion a été de savoir pourquoi en son temps, ils n’ont pas révélé ces bénéficiaires pour que ceux-là soient mis en demeure de restituer ce qu’ils ont perçu. Mais une fois encore je dis que je ne fais pas partie de la commission d’enquête. Je sais que ceux à qui ces promoteurs auraient fait des libéralités d’une manière ou d’une autre, la commission autonome d’enquête a été informée et a invité ces gens-là à venir restituer. Vous devez l’avoir au dossier certainement annexé au PV d’enquête judiciaire, le point des avoirs récupérés auprès des promoteurs. Moi je n’ai pas été informée de ce qu’il y a eu d’autres libéralités. S’il y en avait jusqu’à cette hauteur, honnêtement si la volonté des promoteurs d’Icc-services étaient de tout mettre en œuvre pour mobiliser les fonds en vue de désintéresser les déposants, ils auraient dû cité tous ceux qui ont bénéficié. Je ne sais pas ce qui les a poussés à occulter ces montants, aujourd’hui c’est des noms qui sont donnés avec montants. Peut-être que demain, nous aurons la chance d’avoir d’autres révélations qui vont nous amener à avoir plus de montants. Il est vrai je ne suis plus dans mes fonctions de président du comité de suivi. Mais l’essentiel était de mobiliser les fonds. Honnêtement si j’avais été à leurs places, j’irai voir ceux à qui j’ai fait des dons pendant la période de la vache grasse pour leur dire que « ce n’était pas mon argent, maintenant il faut que tu paies pour que je sois en paix ». Des gens l’ont fait et es sous ont été mobilisés pour le remboursement des spoliés.
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Emile Tégbénou : « Le gouvernement d’alors n’était pas dans le schéma de remboursement »
Nous allons ouvrir une petite parenthèse et permettre à Tégbénou Colman Emile de nous dire pourquoi il avait occulté ces bénéficiaires au moment où la possibilité leur était offerte. Pourquoi vous n’avez pas parlé des 27 milliards 50 millions pour permettre au comité de suivi et surtout à la commission autonome d’enquête judiciaire de vous aider à désintéresser les victimes épargnants ?
Mr le président, au moment où madame Lawson nous a invités, j’ai été dans son bureau deux fois. La troisième fois, elle n’y était pas. Il paraît que le juge d’instruction n’était pas au courant et on nous a rappelés à la prison civile de Cotonou. La première fois, c’était une question de listes des déposants. Le gouvernement d’alors n’était pas dans le schéma de remboursement.
C’est votre analyse
Oui, parce que vous nous demandez les listes des déposants. Mais c’est eux qui se sont précipités pour tout ramasser. On était en prison. Pour quoi que ce soit, on vous pose de question. On ne nous permet pas d’amener n’importe quel papier en prison. La seconde fois que j’ai été là-bas, on ne m’a pas demandé le travail que j’avais fait et les recettes. J’ai fait le recouvrement de 6 millions Fcfa dans le compte et j’ai montré le reçu à madame la présidente. Je lui ai dit qu’il y a aussi les sous ramassés lors de la perquisition. Automatiquement elle a dit non que le travail fait par la commission d’enquête judiciaire est différent du sien. Il y avait un colonel qui était venu du palais qui a réagi aussi.
Depuis hier, on a tous su ici que les autres promoteurs ont produit un plan de remboursement. Mais vous, en lieu et place, vous avez produit un plan d’affaires. Pendant ce temps, qu’est-ce qui vous a empêché de faire état de la possession des 27 milliards 50 millions pour le remboursement des spoliés ?
Monsieur le président, lorsque le Conseil économique et social était venu à la prison nous rendre visite et nous questionner par rapport au plan de remboursement, on n’y avait aucun moyen. On n’avait pas accès aux documents. Concernant le plan d’affaires, c’est seulement le Pdg Guy Akplogan qui a élaboré. On n’avait pas accès à nos matériels pour présenter la liste des déposants avec les montants, puis soustraire ceux qui ont déjà bénéficié des intérêts. On a donc demandé aux membres du Conseil économique et social de nous aider à avoir accès à nos documents. Mais c’est juste après ça qu’on nous a éparpillés dans les autres prisons. J’ai même écrit plusieurs fois au Président Yayi Boni depuis la prison civile de Cotonou pour proposer les moyens. J’ai indiqué les sous ramassés chez moi. C’est pour cela que je vous ai dit que je ne vois pas en eux la volonté de rembourser les déposants.
Les montants qu’on a dits étaient plus élevés que ce qu’on avait. J’ai tout fait, j’ai écrit plusieurs fois. On sait comment le remboursement qui a été fait par certains depuis la prison ça s’est passé. Nos parents ont été mis à contribution pour désintéresser certains. Nous-mêmes, on pouvait faire le théâtre et montrer qu’on procède au remboursement. On ne nous a pas laissés avoir accès à nos listes. Au moment de notre arrestation, les cachets, les livrets, les contrats, etc., tout a été ramassé.
Au moment où le comité de suivi vous a dit de proposer un plan de remboursement, est-ce qu’il a déjà eu de perquisition dans votre domicile ?
Il y a déjà eu de perquisition dans mon domicile.
Et vous n’avez pas parlé de ça au comité de suivi ?
Je vous ai tout à l’heure que quand elle m’avait donné la parole et que j’ai montré la quittance, on ne m’a pas laissé le temps de parler. Il y a un colonel qui vient du palais. On ne m’a pas laissé le temps de m’exprimer. Tout le monde avait peur quand on nous avait arrêtés, parce que ce qui s’est passé était grave. Ce n’est pas comme aujourd’hui où nous parlons librement. Mais au comité, ils ne nous ont pas intimidés, sauf que le colonel ne m’a pas laissé le temps de dire de quoi il s’agissait.
Guy Akplogan, j’ai sur moi la correspondance que vous avez adressée au Président Yayi Boni le 13 décembre 2010. Vous avez proposé le dragage de sable, des carrières de gravier, le transport de marchandise, briqueterie, agro pastoral, biens immobiliers, etc. Eux, ils veulent de l’argent, mais ici vous avez proposé des activités qui doivent s’étaler sur une certaine période. Pourquoi ?
Je vais abonder dans le même sens que le frère Tégbénou pour dire que ni le chef de l’Etat Yayi Boni, ni les comités ou commissions mis en place n’avaient pour souci le remboursement de nos déposants. Dans la mesure où déjà au commissariat, ils ont ramassé tout ce qui devrait nous permettre de montrer exactement ce qu’on faisait et comment on pouvait résoudre la crise. Nous on avait demandé de nous sécuriser pour rembourser nos déposants. Mais rien n’a été fait dans ce sens. Me Gbaguidi avait refusé de nous accompagner à l’Ajt parce qu’il ne comprenait pas cette partie de la procédure. Ce qui fait que nos parents ont constitué Me Kato Attita qui servait de médiateur. Nous avions de quoi proposer qu’on nous accompagne simplement. Mais tout a été détruit.
Est-ce que vous ne pouvez pas rembourser sans ces activités ?
C’est avec les sous de nos déposants qu’on était dans ces activités-là.
La commission réclame de l’argent pour vous accompagner à dédommager. Mais vous, vous demandez qu’on vous permette de travailler pour rembourser. Ne voyez-vous pas si vous n’aviez pas l’appui politique du premier drapeau et de certains membres du gouvernement, vous n’allez pas agir ainsi ?
Monsieur le président, ce n’est pas en ce terme-là parce qu’on ne nous avait pas permis de nous retrouver ensemble pour faire le point de la situation concernant Icc-services. Si on avait cette possibilité, on serait allés du côté de Tégbénou. Depuis la résidence surveillée, on avait appris qu’il avait été ramassé de l’argent chez lui. (…)
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Sévérine Lawson : « On me suspectait d’avoir bénéficié de ces 260 et quelques millions … »
Je me suis dit que ça pose un problème. Je lui ai dit ce que j’ai reçu comme information. Il dit n’avoir jamais appelé. Or le samedi lorsque j’ai reçu l’information, c’est peut-être ce que j’aurais dû faire avant mais j’ai été naïve, j’ai commencé par appeler certains responsables de la présidence pour leur demander de me donner le numéro de l’aide de camp. On m’a donné un numéro mais qui était fermé. Le lundi lorsque je me suis rapprochée de lui, il m’a dit que ce n’est plus son numéro et qu’il ne l’utilise plus. C’est ce jour-là, 22 Août qu’il me faisait comprendre qu’il a été informé et qu’il paraît que l’intéressé aurait déjà remis de l’argent. J’ai demandé à ce qu’on m’appelle l’intéressé qui m’a fait savoir qu’il a déposé les sous sur un compte. J’ai dit qu’à cela ne tienne, si c’est sur un compte, on aura la traçabilité. J’ai demandé s’il a les documents, il a dit oui. Il m’a produit une vingtaine de fiches de versement. C’était hallucinant. On y voyait des versements de 4 millions, 6 millions, 15 millions, 5 millions, tous les deux jours. J’ai dit vous on vous met la pression ici et vous remettez de l’argent à quelqu’un que vous ne connaissez pas. Il me dit non qu’on l’a appelé au téléphone et qu’on lui a dit d’aller verser de l’argent sur tel compte. Aussitôt j’ai pris les documents, j’ai informé le comité. J’ai transmis les documents à la BEF par le biais du Dgpn pour qu’on mène des investigations sur cette affaire. J’ai tenté d’obtenir des renseignements au niveau de la banque mais qui m’a évidemment dit qu’il y a le secret bancaire et ne pourra pas donner plus d’information. Mais j’ai lu sur les décharges de versements un numéro d’adresse que j’ai remis aux Opj. En définitive ce numéro était fictif. L’adresse était fictive. J’ai poussé mes investigations et je me suis rendu compte que l’agent a démissionné de la banque. Quand le journaliste qui a diffusé cette information disant que Lawson est au chœur d’un scandale, j’ai porté plainte et j’ai eu droit aux décisions évoquées. Après ça, le promoteur s’avise à porter plainte contre moi en janvier 2012. Le jour où je l’ai reçu quand il est venu me rendre les documents, c’était le lundi 22 Août 2011 aux environs de 21h. J’étais encore à mon bureau quand il est venu me remettre les documents. La plainte dont on m’a fait voir la copie aurait été déposée au commissariat central le 22 Août. J’ai dit que ça pose un problème. Il a quitté mon bureau à 21h et a pu déposer la plainte. J’ai sollicité un huissier pour aller faire le compulsoire des registres au niveau du commissariat central. C’est une plainte qui a été déposée après coup et transcrite entre deux lignes. Le numéro de la main courante portait 3.001 bis. J’ai dit comment un courrier arrivé peut obtenir un numéro bis. Si la secrétaire n’était pas étourdit, mais ça ne devrait pas se faire ainsi. Lorsqu’il y a un numéro bis, le numéro suivant doit être décalé. Après le 3001, on a eu le 3001 bis et on a eu le 3002 alors qu’on devrait avoir le 3003. J’ai compris que c’était une véritable mafia et c’est pour ça qu’on a déposé plainte. Ce n’est pas la BEF qui est venue m’interroger. C’est la brigade territoriale qui est venue m’interroger. Sur procès-verbal, je vais encore exagérer, en principe d’arrestation, on me suspectait d’avoir bénéficié de ces 260 et quelques millions de francs CFA et pendant 5h d’horloge j’ai été interrogée.
Je vous assure Mr le président. Lorsque vous savez que vous êtes innocent, vous vous battez. Je me suis battu bec et ongle. Si on va profiter de la gestion de ce dossier pour me livrer en agneau de sacrifice, je ne me laisserai pas faire. Je leur ai donné toutes les pistes possibles. Quand le PV a été établi, c’est bien après que j’ai appris que le Procureur de la République a demandé que ce PV soit classé sans suite. Et ce n’est pas tout Mr le président. Lorsque j’ai eu à porter plainte contre le journal qui m’a diffamé, rassurez-vous, le parquet d’alors s’est levé pour requérir l’irrecevabilité de mon action. Heureusement qu’entre le parquet et la présidence, il y a cette séparation. Le juge qui avait en charge le dossier a déclaré que l’action était recevable. Comprenez Mr le président, je porte plainte contre un journaliste qui m’a diffamée. La HAAC n’a pas voulu rendre la décision pendant près de 6 mois. C’était une première. C’est avec moi que la HAAC a mis une décision en délibéré. Alors je me demandais ce qui se passait. Je porte plainte et le parquet requiert l’irrecevabilité de mon action. J’obtiens une décision. Je ne trouve aucun journal pour la diffuser. Pour les autres organes de presse, je n’ai pas été intriguée. Mais pour les organes de service public, ça m’a fait réfléchir. Mais je n’ai pas voulu pousser plus loin ma réflexion. J’ai dit la justice des hommes elle est une mais la meilleure justice c’est celle de ma conscience et celle de Dieu.
Madame Sévérine Lawson, c’est l’une des épreuves que vous aviez vécues. Des informations ont aussi fait état de ce que vous étiez, vous allez confirmer et si possible développer, que vous étiez sur un plan d’assassinat dans le cadre de la gestion de ce dossier Icc-services. Ce sont des informations vérifiées ?
Oui je me suis retrouvée embarquée dans un développement de plan d’assassinat. J’avoue que cette information, je l’ai lu pour la première fois dans un mémorandum que le Procureur Général Georges Constant Amoussou qui demeure mon ami puisque étant un condisciple aurait écrit au lendemain de son arrestation. J’avoue que j’ai été choquée. J’ai trouvé hallucinant qu’un magistrat de sa trempe ait pu écrire de telles énormités sur ma personne. J’ai essayé d’analyser et de comprendre. Je me suis rendu à l’évidence que le collègue, l’ami Amoussou Georges Constant avait peut-être raison parce qu’il a conçu une rancœur sur des élucubrations, sur des suppositions. C’est lui qui m’a succédé au poste de Procureur Général. Il y a un numéro de téléphone mis à la disposition du PG. Après lui avoir passé service, je lui ai dit que s’il veut, on lui donne un autre numéro parce que je suis déjà habitué à ce numéro. Il me l’a laissé. Je n’ai jamais su que mon ami Amoussou constant Georges flottait avec le palais jusqu’à l’éclatement de l’affaire, parce qu’il n’y avait pas de lien entre un procureur général et le Président de la République. Lorsque le juge d’instruction, un Président a pu me faire convoquer me demandant de venir à son cabinet, passant par son Directeur de cabinet, je n’ai pas manqué de dire au Directeur de cabinet de passer par mon ministre. Effectivement, ils sont passés par mon ministre qui était Yehouessi. Nous sommes dans sa salle ici aujourd’hui. Le ministre m’a dit madame Lawson, je vais vous accompagner. Lorsque je me suis rendue à la Présidence, c’était à la primature, je cherchais qui m’a convoquée. Par coïncidence, je suis tombée sur la porte du Directeur de cabinet. Il m’a dit Ah c’est vous, merci pour la leçon de ce matin. Quand je lui ai dit qu’il n’a pas le droit de me convoquer, qu’il fallait passer par mon ministre, il a bien pris la chose. C’est vous dire que lorsque nous sommes des magistrats, sauf à être dans des liens politiques, il faut que nous sachions comment nous comporter. Donc je n’avais jamais su que mon cher ami allait chez le Président de la République. C’est lorsque j’ai lu le mémorandum que j’ai su que le chef de l’Etat l’avait appelé pour lui dire que madame Lawson ne faisait pas l’affaire en matière d’avis juridique à lui donner et qu’on lui demandait de venir donner ses avis. Cela a fait tic dans ma tête. Je comprends alors que parmi ceux qui allaient donner des avis contraires à ceux que moi je donnais au Président, il y a peut-être cet ami-là. Je vous l’ai dit hier que le 28 juin, le Pg Amoussou Georges était en retard à la séance et que je l’ai appelé. Le lendemain 29 juin, il n’était pas convié à la réunion parce qu’on m’a dit qu’il aurait des accointances avec des responsables de Icc-services. C’est à partir de là que j’ai pris ma distance. Je n’ai plus été informée de rien du tout. Un jour, j’étais à la présidence, en Conseil des ministres quand j’ai vu, il me semble des généraux le 13 ou le 14 juillet ont parlé au ministre d’Etat qui dirigeait la séance. Je ne sais pas ce qu’ils lui ont dit et à la fin de leur conciliabule, le ministre d’Etat m’a demandé si c’est normal qu’un Procureur Général s’oppose à une perquisition. Prise sur le vif et pour ne pas révéler mon ignorance, j’ai dit qu’il a des formalités. Je savais qu’en sortant de là, j’allais prendre le code et repréciser les conditions d’une perquisition. Mais j’ai pris soin de dire que les magistrats bénéficient d’un privilège de juridiction. Je parlais encore quand l’un des généraux est sorti a fait un appel et m’a tendu le téléphone disant que le procureur est en ligne. J’ai demandé s’il a bien lu les textes ? Il m’a dit que les textes ont été bien lus. J’ai dit est que vous vous êtes rapproché d’un doyen ? Il a dit tout est fait dans les règles de l’art et il raccroche. C’est en sortant du Cabinet du Conseil des ministres que j’ai lu sur une bande défilante, en rouge, que le Procureur Général et le ministre Zinzindohoué ont été limogés. Ce jour-là, je vous assure que le sentiment fraternel m’a habité. J’ai dit que cher collègue à des problèmes. J’étais sorti abattue. Je ne pouvais pas prendre le risque d’aller chez lui parce que j’aurai appris qu’il a des accointances avec les gens d’Icc-services. Mais pour qui a travaillé sous le président Boni Yayi, qu’il apprenne que vous rendez visite à quelqu’un qui est déjà étiqueté, ça peut être mal perçu. La belle preuve lorsque j’ai été conviée à la réunion du 29, j’aurais pu le lui dire. Mais j’ai remercié Dieu de m’avoir amené à ne rien lui dire parce que je ne savais pas dans quelles circonstances il n’a pas été convié. Voilà tout ce que je sais de l’implication possible de mon collègue et ami Constant Amoussou. J’ai été surprise d’abord par le mémorandum et ensuite un jour, je reçois une convocation de la cour suprême. J’ai vu plein de noms comme celui de Boni Yayi. En légaliste, je me suis présentée à la Cour suprême. Ce jour-là, c’était le ministre Kassa qui m’a accueilli dans la salle d’audience. Il m’a même offert un siège. Je ne comprenais pas. Pour moi, c’était une audience ordinaire. C’est lorsqu’ on m’a invité dans le cabinet des conseillers de la Cour suprême et qu’on a fait venir le ministre Kassa que j’ai compris qu’il était mon accusateur. Il était conseil de Constant Amoussou. Je vous assure que j’ai eu des frayeurs. J’ai senti que les conseillers étaient gênés. J’étais la seule présente sur les 15 convoqués. Il y avait des ministres, des OPJ, mais j’étais la seule à me présenter. On me lit une décision qui déclare l’action recevable et fixant le montant de la consignation à 500.000 et renvoyant l’affaire devant le tribunal de Cotonou. Je vous assure que je n’ai plus jamais mis la tenue que j’ai porté le jour-là.
Mais pourquoi ?
Parce que ce jour m’a laissé un très mauvais souvenir. Et parmi les accusations, ils ont dit complicité d’assassinat. Quand on parle de complicité d’assassinat il y a des actes matériels. Qu’est que j’ai fait ? De quoi ça retourne ? Je ne saurais le dire. J’ai entendu mon collègue le Procureur Général à la Cour de son passage devant vous, répéter les mêmes accusations et le plus grave c’est lorsqu’il dit que les premiers responsables de cette affaire de Icc-services c’est le président Yayi Boni, Pascal Koupaki et madame Sévérine Lawson. Je vous assure que les faits ne sont pas présentés de cette manière dans le mémorandum. Mais c’était le coup de massue, je ne me retrouvais pas. Nous sommes des magistrats. Je suis complice de quoi ? Monsieur le président je vous remercie d’être revenu sur ces accusations portées contre ma personne. Je n’ai pas jugé utile de tenter une quelconque action en diffamation durant toutes les épreuves dans cette affaire Icc services. Si je devais porter plainte contre des gens, je crois qu’une bonne partie du peuple passerait devant les tribunaux pour diffamation. J’ai laissé le tout puissant être mon juge. Il y a un adage qui dit même lorsque il s’agit de votre ennemi, vous ne saurez l’accuser sans preuve, à plus forte raison un ami. Mais mon souhait est qu’on nous invite à préciser à votre auguste cour, les actes matériels que madame Sévérine Lawson aurait commis avec le président Boni Yayi et le ministre Pascal Koupaki.
Est-ce que cette invitation ne revenait pas à la juridiction de Cotonou qui est désignée par la cour suprême ?
J’attends qu’on me donne la suite réservée. Ça constitue encore l’une des épreuves. Quiconque peut-être passera dans ce cabinet et lirait dans le registre d’instruction une tentative d’assassinat avec mon nom, vous savez ce que ça fait. Monsieur le président, c’est indélébile sur ma peau. Vous convenez avec moi que les blessures que j’ai eues. Maudit soit ce 27 juin où on m’a appelée. Je l’ai dit hier.
Sévérine Lawson, la question qui était posée est si vous ne faites pas partie d’un plan d’assassinat sur votre personne ?
Je ne sais pas. Alors là, vous me l’apprendrez. Il faut que je prenne des précautions. C’est possible monsieur le président ! Je vous assure hier que j’ai eu quelques mésaventures. Le chauffeur ne vient pas. Le véhicule tombe en panne. Lorsque j’ai trouvé la troisième personne, je lui ai dit de rouler à 20 km/h. L’essentiel est que j’arrive. Je ne sais pas qui peut avoir intérêt à ce que je ne vienne pas parler au procès. J’ai encore des sueurs froides, le magistrat a beau avoir des garde-corps, le meilleur garde-corps c’est Dieu. Les chefs d’Etat, les ministres ont été assassinés en présence de leurs garde-corps. C’est pourquoi moi je dis que la présence des garde-corps est un mal. Ils sont là non pas pour nous protéger mais pour nous épier. Monsieur le Président, si vous avez des éléments, dites le moi parce que je tombe des nues.
Procureur Spécial : Madame Lawson, vous avez travaillé au sein d’un où vous étiez seule à maîtriser votre sécurité, mais vous ne savez pas tout ce qui vous entourait. Vous ne savez rien de ce qui vous entourait. Je n’en dis pas plus
Dans le cas de cette affaire, est-ce que monsieur Abou Salomon yayi a reversé les 300 millions qu’il a reçus indûment ?
Je dois dire avant d’apporter une réponse à la question qui m’a été posé, qu’il est possible que des gens soient passés pour jouer de la comédie. Mais nous devons savoir que les moutons se promènent ensemble et n’ont pas la même valeur. Alors pour en revenir à la question, je ne sais pas qui est Abou Salomon Yayi. Le comité de suivi n’a récupéré aucun fonds auprès des tiers, ni auprès des promoteurs, ni auprès des déposants. Le comité de suivi a fait ouvrir un compte au trésor public pour recevoir les montants ou les fonds qui viendraient soit des restitutions, soit des ventes, des dégels de comptes. Voilà les trois sources des fonds qui sont versés ou virés au trésor. Alors je ne sais pas de qui on parle et ce montant ne me dit absolument rien.
Vers quelle structure nous allons nous tourner aujourd’hui pour avoir la liste de ceux qui sont allés restituer les fonds qu’ils auraient perçus indûment, le produit de vente des biens appartenant notamment à Icc-services et la liste des montants dégelés dans les banques ?
S’agissant de la liste de ceux qui auraient restitué des montants dont ils auraient bénéficié, c’est soit la commission autonome d’enquête judiciaire, soit la Brigade économique financière. J’ai cru comprendre que ces deux structures ont eu à mener des enquêtes dans le cadre du dossier de collecte et de placement de fonds. Première source, les montants récupérés, c’est la commission autonome d’enquête judiciaire. Les gens ne vont pas d’initiative déposer ou restituer ces fonds là sur le compte. Deuxième source, le produit des ventes des biens meubles comme je l’ai dit hier et répété ce matin, ce sont les commissaires-priseurs qui ont été désignés pour procéder à cette vente. Donc ce sont eux qui ont fait virer ou verser sur le compte. J’ai dit s’agissant d’Icc-services, le produit de la première vente aux enchères publiques. En ce qui concerne la deuxième vente, le produit n’a pas été versé dans le compte. S’agissant du dégel des comptes, il revient aux banques d’apporter la preuve des comptes qui ont été dégelés et dont les montants ont été virés dans le compte du trésor.
J’avoue que j’essaie de comprendre comment ce mécanisme fonctionne et plus je m’embrouille. Tout à l’heure vous avez dit que les structures à même de nous donner les informations sont la BEF et éventuellement la commission autonome. Est-ce qu’à l’ouverture de l’enquête judiciaire, après la saisie du juge, la BEF a continué à poser des actes ? Si oui, dans quel cadre ? Je voudrais également que vous puissiez nous préciser dans la chronologie la façon dont les différentes structures sont nées, quelles étaient leurs attributions, les prérogatives.
Me Anassidé, est-ce que vous ne trouvez pas cette question d’une dimension plus colossale que requiert la présence de Lawson Sévérine en tant que présidente du comité de suivi ? Les questions qui doivent être les vôtres, c’est celles qui concernent les attributions qui ont été celles de la présidente du comité de suivi et madame Sévérine Lawson les a déplumées hier.
Qu’elle nous reprécise tout au moins les attributions du comité de suivi.
Merci monsieur le président. Je crois que je vais effectivement devoir repréciser, puisque vous l’avez dit tantôt. A l’une de vos questions j’ai répondu pour ce qui concerne la mission qui était confié au comité de suivi, j’ai décliné cette mission en cinq objectifs à savoir : mener les investigations nécessaires sur la situation des structures illégales de collecte de l’épargnes et de placement de fonds, inventorier avec le concours des dirigeants de ces structures, tous les actifs, notamment les biens, les titres de propriétés ainsi que le solde des comptes bancaires desdites structures et des personnes mis en cause ou de leurs propres notaires, faire évaluer tous les biens recensés en vue de leurs réalisations dans le respect des textes en vigueur avec le concours des personnes concernées d’un notaire et d’expert en la matière, assurer dans la limite le remboursement aux déposants des fonds dont-ils ont été spoliés, mettre en œuvre toute déposition dont le comité de crise lui confiera la responsabilité d’éducation. Il s’agit là des objectifs découlant de la mission confiée au comité de suivi. Hier également, j’ai dit que dans le décret qui a institué le comité de suivi, il est indiqué que ce comité est la structure opérationnelle du comité de crise. C’est à l’article 2 du décret qui a créé le comité. Je ne saurais dire ou apporter aucune précision quant à la concomitance ou la chronologie de l’existence des différentes structures puisque je n’ai nullement été associé à la mise en place de ces structures. Ni le comité de crise, ni la commission autonome d’enquête judiciaire. Ce que je sais et je retiens surtout des propos du passage des officiers de police judiciaire devant votre cour depuis le début de ce procès, c’est qu’il y avait la BEF qui a travaillé et mené des investigations dans le cadre de cette affaire et il y a eu la commission autonome d’enquête judiciaire. Est-ce que ces deux structures ou unités ont travaillé de pair, je ne saurais le dire. J’ai parlé des deux structures, BEF et commission autonome parce que les quittances qui ont sou tendu les versements ou les dépôts ont indiqués d’où provenait ou qui a effectué ce versement. Il serait peut-être facile de voir dans le dossier. Je suppose que les Opj qui ont établi les PV ont dû porter tous ces éléments sur lesdits procès-verbaux. Je dois dire que certaines enquêtes menées par, soit la BEF ou la commission autonome n’ont été en exécution de commission rogatoire. Il n’est donc pas exclu qu’après la clôture de leurs PV initiaux d’enquêtes que des Opj dans le cadre de la gestion de ce dossier aient été saisies par la commission rogatoire et qu’ils aient continué. Voilà ce que je peux dire. J’espère avoir essayé dans la mesure du possible de me faire mieux comprendre.
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Lawson : « Il est loisible à l’exécutif de mettre en place toute structure qu’il juge nécessaire pour la gestion d’une crise »
Quelle justification donnez-vous à la création de ce comité avec ses objectifs alors qu’un juge d’instruction a été saisi de la procédure ? Comment les informations vous étaient remontées ? Je ne parle pas non plus des premiers procès-verbaux lorsque des payements étaient faits soit au niveau soit au niveau de la BEF soit au niveau de la commission d’enquête
Merci Mr le président, à ma connaissance les différents comités ou commission d’enquête ont précédé les ouvertures d’information au niveau des juridictions d’information judiciaire. La création des divers comités ou commission a précédé la saisine des juges d’instruction. Donc au moment de cette création, les juges d’instruction n’étaient pas saisies, à ma connaissance. Deuxième chose, même si des informations judicaires ont pu être ouvertes avant la création des comités, il faut apprécier cette démarche par rapport à la nature qui est concédée à chacune des commissions. Pour ce qui concerne le comité de suivi, je l’ai dit hier dans la compréhension et l’appropriation des objectifs qui ont été fixés à ce comité, ils n’avaient qu’une nature purement administrative. Lorsque le décret a été pris et que nous avons passé en revue les différents objectifs, dans notre entendement, il n’était nullement question d’empiéter sur une quelconque information judiciaire qui aurait été ouverte. Il faut rentrer dans le dossier pour voir les dates d’ouverture des informations judiciaires et les comparer par rapport à la date de création du comité de suivi. Je l’ai dit hier, la priorité à mon sens était de faire en sorte que les victimes ou les déposants soient remboursés. Je ne peux pas dire ce qui a pu motiver les premières enquêtes confiées à la Brigade économique et financière ou à la commission autonome d’enquête judiciaire concernant les promoteurs d’Icc-services et d’autres structures. Le comité de suivi avait à mon sens une nature purement administrative et il est loisible à l’exécutif de mettre en place toute structure qu’il juge nécessaire pour la gestion d’une crise. Nulle part les activités que le comité de suivi a eu à accomplir ou à mener n’ont empiété sur la compétence des juridictions d’instruction. Vous avez entendu ce matin de la bouche de Mr Tégbénou Emile que le comité de suivi ne les a pas écoutés. Il dit : « Ils ne m’ont pas posé de question sur les faits. Ils m’ont demandé la liste des déposants ». Il ne revenait pas au comité de suivi d’aller rechercher ou d’aller investiguer sur les éléments constitutifs d’une quelconque infraction. Lorsqu’il nous a été demandé de mener des investigations nécessaires sur la situation des structures illégales de collecte de l’argent et de placement de fonds, à ce que je sache il ne s’agit pas là d’une activité rentrant dans le champ de compétence du juge d’instruction. Le juge d’instruction mène ses investigations sur l’existence ou non des infractions retenues à la charge des mis en cause. Lorsqu’il nous a été demandé d’inventorier avec le concours des dirigeants tous les actifs, notamment les biens et les titres de propriété ainsi que le solde des comptes bancaires, le comité de suivi s’est dit qu’il n’a pas le moyen ni le pouvoir d’inventorier les biens des promoteurs ou des structures. Peut-être qu’il recevait une dénonciation et les transmettait à la commission autonome d’enquête judiciaire pour faire évaluer tous les biens en vue de leur réalisation. Le comité de suivi n’a procédé à aucun remboursement. Il peut avoir eu des lapsus pour qu’on dise que le comité ait remboursé. Mais dans la réalité des faits, ce sont les promoteurs eux-mêmes qui définissaient sur la base d’une orientation globale donnée par le comité de crise. C’est-à-dire ne rembourser que le nominal, commencer par les plus petits déposants. Donc en se fondant sur ces grandes orientations, les promoteurs définissaient et établissaient leur plan de remboursement avec à l’appui la liste des déposants éligibles à ces remboursements. Et puis mettre en œuvre toute décision dont le comité de crise lui confiera la responsabilité d’exécution. A ce que je sache, il ne s’agit pas là d’une activité pouvant rentrer dans le cadre d’une instruction judiciaire. Voilà ce que je peux dire Mr le président pour répondre à votre question.
Est-ce que ce n’est pas aux alentours de ces trois missions que s’établissent les difficultés que vous éprouvez aujourd’hui ? Est-ce que ce n’était pas facile pour vous de dire au chef du gouvernement, c’est bien vrai vous avez créé un comité de suivi administratif mais les missions, les biens, les titres les propriétés ainsi que le solde des comptes bancaires ne peuvent pas rentrer dans les attributions du comité administratif. Le même comité ne peut pas évaluer tous les biens recensés en vue de leur réalisation en vue d’assurer le payement des spoliés. N’est-ce pas mieux de dire au chef du gouvernement de revoir le décret à la dimension de votre capacité de pouvoir ?
Je dois dire que c’est très facile, lorsqu’on n’est pas dans le feu de l’action, de penser qu’on aurait pu faire autrement. Ce n’est pas un reproche que je vous fais. Je suis un fonctionnaire, et le fonctionnaire à la devoir d’obéissance à l’endroit de son chef hiérarchique sauf lorsqu’il se trouve en présence d’instruction illégale. C’est la fameuse théorie des marionnettes intelligentes. Dans le cas d’espèce et nous situant dans le contexte d’alors, il est vrai madame Lawson est parfois courageuse, mais elle n’est pas téméraire. Elle n’est pas téméraire en ce sens que si j’avais eu l’outrecuidance de m’opposer à cette orientation du gouvernement à l’époque, je ne sais pas ce que j’aurais subi ne serait-ce que la foudre du chef de l’exécutif d’alors.
C’est que ce vous avez fait à la pratique
Dans la pratique je l’ai fait parce que c’était ma stratégie. J’ai démarré ma carrière en travaillant sous l’autorité de hauts magistrats politiques et j’ai appris beaucoup de choses. J’ai appris comment tout en demeurant technique, on peut travailler sous des politiques. C’était une stratégie et je crois qu’elle m’a servi.
Madame Lawson vient de nous faire la revue des missions qui étaient celles de la commission et l’un des aspects de ma question était de savoir lorsque la commission a tout ça à faire que reste-t-il au juge d’instruction ? Là je m’adresse au magistrat.
Merci Mr le président. Il reste bien entendu au magistrat à mener ces investigations pour lever les zones d’ombre qui ont pu subsister après l’enquête préliminaire menées par les officiers de polices judiciaires. Il reste aux magistrats à compléter cette enquête préliminaire. Il reste aux magistrats de définir ou de revoir les éléments constitutifs de l’infraction. Et il reste au magistrat, le juge d’instruction d’envisager le remboursement des victimes. J’ai été juge d’instruction pendant près de dix ans. Je ne le dis pas pour me glorifier. Je continue d’intervenir au niveau de l’Enam pour la formation des auditeurs, notamment sur la pratique de l’instruction. Et je sais que le juge d’instruction peut ne pas attendre la fin de l’instruction et accéder à la demande de certaines victimes qui veulent recevoir la restitution de certains biens ou montants dans la mesure où il y a une parfaite harmonie entre les personnes mises en cause et les victimes. Il m’est arrivé à plusieurs reprises alors que des fonds ont été consignés, lesquels ont été récupérés chez les personnes inculpées, soient restitués à des victimes à leur demande. Et ce bien entendu, après l’avis de la personne poursuivie. Il est également arrivé que des gens inculpés, dans le but de recouvrer plus facilement leur liberté, offrent de dédommager leurs victimes et je crois que nous nous sommes retrouvés dans ce cas d’espèce où ce sont les personnes poursuivies qui ont saisi le juge d’instruction en vue de la réalisation ou du dédommagement de leurs victimes en ces termes : « Permettez-nous de vendre tel bien pour rembourser les victimes ». Et je pense que c’est bien dans ce cadre que les ordonnances qui ont été prises par le juge d’instruction ont indiqué que les produits de la vente soient versés sur le compte ouvert au trésor. A mon sens, c’est dire que la commission administrative n’a rien enlevé aux attributions très précieuses du juge d’instruction. Bien au contraire, il a semblé au comité de suivi que le juge d’instruction pour une fois avait aussi de son côté un peu d’empathie pour les victimes. Il lui était loisible de s’opposer à cette requête-là pour dire : « Non, je veux attendre la fin de la procédure ». Dans la mesure où les mises en cause sont favorables à la chose, je ne vois pas qu’il y a eu empiètement de l’exécutif sur les précieuses attributions de la justice, notamment des juridictions d’instruction.
Grégoire Kokou Ahizimè a déjà porté plainte entre les mains du Procureur de la République près le tribunal de première instance de Cotonou contre Icc services et consort par rapport aux infractions relevés dans ledit dossier. Est-ce que le pouvoir exécutif ne pouvait pas rester tranquille et laisser la justice jouer sa partition ? N’a-t-il plus si tant confiance en la justice en créant des structures supplémentaires dont entre autres le comité de suivi, le comité de crise ?
Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je vous ai dit que c’est contre toute attente que je me suis vue embarquée dans ce bateau. Je ne sais ce qui a pu motiver l’exécutif. Lorsque j’ai été à la première réunion, je vous ai fait part de mon sentiment. Et pour ce que j’ai retenu de ce 28 juin 2010, une plainte aurait été déposée et les autorités judiciaires auraient estimé qu’il n’y avait pas matière à poursuivre. Je pense que si cette plainte qui aurait fait l’objet d’un procès-verbal avait prospéré, on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais comme je l’ai dit hier, l’option du gouvernement, pour ma part, était quelque part salutaire même si à l’origine je n’étais pas favorable. Je me suis dit que rien ne concernait l’Etat. C’est la querelle éternelle entre les juristes et les politiques. En effet nous, nous nous accrochons aux textes alors que les politiques ont d’autres préoccupations. Sur ce, je ne peux pas dire ce qui a motivé véritablement l’exécutif à prendre toutes ces décisions. Je me suis occupée de la mission qu’on m’a confiée. Et dès lors que j’ai compris l’esprit de la mission, je me suis mise au travail avec les membres du comité de suivi.
Me Anassidé : Mme Lawson, si on vous demande d’expliquer le phénomène Icc-services, que diriez-vous en quelques mots ? S’il y a des gens qui doivent répondre d’Icc services, qui indiqueriez-vous ?
Président de la Cour : Cette question n’est pas dans la mission du comité de suivi
Me Olga : M. le président, pour aller vers le remboursement, les personnes dont les ressources devront servir au remboursement doivent avoir compris au préalable comment nous en sommes arrivés là. Pour moi, c’est le point de départ. Sinon, comment a-t-on choisi ceux dont on a dit qu’il fallait saisir et vendre les biens ? M. le président, je vous prie de permettre à Mme Lawson de répondre.
Elle va répondre. Me Olga, constatez que le comité de suivi n’a pas exécuté ces trois missions mais les a plutôt orientées soit vers le juge d’instruction, soit vers la commission autonome d’enquête judiciaire parce que le comité à son niveau a su que ce ne sont pas des attributions relevant d’un comité administratif.
Me Olga : Cependant, je suppose qu’elle a dû comprendre ce qu’était Icc services. Dans la pratique, elle ne l’a pas fait, je le lui concède. Mais je pense qu’elle a bien compris ce qu’était Icc services, comment est-ce que l’organisation a fonctionné, ceux qui étaient censés en répondre avant d’apprécier et de dire que techniquement cela relève plus des attributions du juge d’instruction. Je ne vais pas m’avancer en pratique sur ce terrain. Je voudrais la prier de répondre à ma préoccupation si elle a les éléments parce que j’ai retenu hier des choses de sa déposition et c’est cela qui m’amène à lui poser la question.
Je crois que les personnes les plus à mêmes d’indiquer ce qu’était Icc services, ce sont ses promoteurs. Lorsque le comité de suivi a commencé ses travaux, il a essayé de comprendre ce qui a pu se passer. Et il a compris qu’en 2006 des Béninois qui étaient en Côte d’Ivoire et qui menaient certaines activités de collecte de l’épargne et de placement de fonds, sont revenus dans leur pays et ont démarré dans un cercle restreint les mêmes activités qui consistent dans un premier temps, d’après ce que j’ai cerné, à collecter des fonds sous forme de tontine auprès des premiers adhérents. Et que de fil en aiguille, ces activités sont transformées en activités de collecte. Le comité de suivi s’est rendu compte qu’on proposait aux déposants des intérêts hors normes qui n’avaient aucune commune mesure avec ceux pratiqués par les institutions bancaires et les établissements financiers agréés. Il a aussi compris que ces activités ont pu prospérer de 2007 jusqu’en 2009, lorsque les premières alertes ont été données. Et selon ce que le comité de suivi a appréhendé, les alertes seraient parties des banques primaires en direction de la Bceao qui aurait à son tour informé le ministère des finances. Malheureusement ce qui devrait se faire en temps réel, n’a pas pu l’être. Et cela nous a conduits en janvier 2010 où les premières actions ont commencé par être envisagées. Brièvement, voilà ce que je peux dire. Je ne suis pas initiatrice d’Icc services. Je ne suis pas dans le système. Je ne connaissais même pas l’existence de cette structure.
La rédaction