L’assiette des sachants et témoins s’élargit à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) qui a convoqué de nouvelles personnes capables de faire jaillir la vérité dans le cadre du procès de l’affaire dite Icc Services (Investment consultancy and computering services), du nom de la principale structure illégale de collecte d’épargne et de placement de capitaux ayant opéré, de 2006 à 2010, à la manière du système de Ponzi.
De nouvelles personnes sont attendues à la barre de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) en charge du procès de l’affaire dite Icc Services. Il s’agit de l’ex-procureur de la République près le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou, Justin Gbènamèto, président de la commission autonome d’enquête judiciaire ayant géré l’affaire Icc Services et consorts; du directeur de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae) ; du régisseur et du directeur de l’Organisation et de l’Informatique du ministère de l’Economie et des Finances.
Ces quatre personnes sont convoquées par la Cour qui a instruit à cet effet le procureur spécial près la Criet, Gilbert Ulrich Togbonon de les faire comparaitre. La cour attend de ces derniers, chacun selon son niveau d’intervention dans le dossier Icc services, la clarification de certains points d’ombre qui résistent à la manifestation de la vérité dans cette affaire. L’opportunité de la convocation de ces personnes s’est imposée à la cour, lors de l’audience de ce mercredi 16 janvier, suite aux insuffisances et imprécisions relevées dans la déposition de Sévérine Lawson, ex-agent judiciaire du Trésor (Ajt) et présidente du comité de suivi mis sur pied en 2010 par décret présidentiel pour faire face à cette crise sociale.
La présidente Séverine Lawson n’a pas pu fournir hier à la cour le nombre exact des déposants spoliés par Icc Services, le montant total compromis et les avoirs des promoteurs à la date d’aujourd’hui. Or, pour le président de la cour de céans, ces chiffres sont très importants pour un bon jugement de cette affaire. Sur la question, l’ex-agent judiciaire du Trésor a tout le temps renvoyé la cour à la commission autonome d’enquête judiciaire présidée par Justin Gbènamèto, alors premier substitut du procureur de la République du tribunal de première instance de première classe de Cotonou et au comité de crise qui avait été dirigé par l’ex-ministre d’Etat Pascal Irénée Koupaki.
Bataille des chiffres
Ce dernier avait déposé à la barre le lundi 17 décembre 2018, lors de la première audience du procès. Pascal Irénée Koupaki va certainement repasser à la barre pour une seconde déposition. Ce qui permettra à la cour de faire une sorte de confrontation entre les présidents de ces trois structures stratégiques qui ont été au cœur de la gestion de cette affaire en vue d’avoir la vérité des chiffres. Le directeur de l’Insae est attendu pour dire à la cour comment il a effectué le recensement des déposants spoliés pour qu’aujourd’hui, la cour n’ait pas un chiffre exact sur l’opération. Quant au directeur de l’Organisation et de l’Informatique du ministère de l’Economie et des Finances, il a été aussi convoqué pour faire la lumière sur l’opération d’apurement des listes des déposants et des avoirs des promoteurs d’Icc Services qu’il a faite après les résultats de l’Insae.
Puisque selon Sévérine Lawson, pendant que l’Insae évalue à 109 milliards F Cfa le montant total collecté par Icc Services auprès de ses déposants recensés, l’informaticien arrête, après purge de la liste des spoliés, la somme de 68 milliards F Cfa. Et pendant ce temps, le président directeur général d’Icc Services soutient mordicus que sa structure n’a pas collecté au-delà de 15 milliards F Cfa. La cour de céans, le ministère public et les avocats tant de la partie civile que de la défense ont jugé utile d’écouter tout ce beau monde pour y voir clair. Clarifications, il en sera également question avec le régisseur central du ministère de l’Economie et des Finances. Il s’agira surtout pour celui-ci de confirmer ou d’infirmer la déclaration de Séverine Lawson qui a soutenu ce mercredi à la barre qu’elle devrait disposer d’un émolument de 500.000 F Cfa le mois en sa qualité de présidente du comité de suivi.
Mais elle n’a touché le moindre kopeck avant de partir à la retraite en janvier 2017. Mieux, pour une mission dont le mandat a été fixé à 60 jours dans le décret présidentiel du 28 juin 2010 qui la nomme, elle y a passé deux ans à gérer cette crise. Le régisseur est donc attendu à la barre pour tirer tout cela au clair. Il devra surtout préciser si ce sont les fonds du Trésor public ou les avoirs des promoteurs d’Icc Services qui ont été utilisés au cas où il y aurait eu payement de ces émoluments. En tout cas, pour les avocats dont Me Olga Anassidé, assurant les intérêts de l’Etat béninois représenté par l’Ajt, ce procès a atteint son point culminant avec l’audition de Séverine Lawson qui a été la présidente du comité de suivi. La cour aura raté le coche si elle ne tire pas le maximum d’informations d’elle. Mais elle se dit désespérée face à l’attitude de l’ex-agent judiciaire du Trésor qui semble faire économie de vérité par rapport à certaines questions importantes concernant par exemple les chiffres.
Me Alain Orounla s’est voulu plus audacieux en faisant observer qu’il a l’impression que le statut de haut magistrat de Séverine Lawson semble influencer la cour qui a tendance à la ménager. Pas question, rétorque le président de la cour de céans, Edouard Cyriaque Dossa. Cette situation a même obligé les avocats dont Me Hervé Gbaguidi, l’un des conseils des accusés, à solliciter de la cour, dans la matinée, quelques minutes de suspension en vue de se concerter entre eux. La sérénité est de retour après la suspension. Les débats se sont poursuivis jusqu’à la suspension du procès pour le compte de cette dix-huitième journée. L’audience reprend ce jeudi toujours avec l’audition de Séverine Lawson, présidente du comité de suivi de l’affaire Icc Services et consorts.