Le directeur général de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae), Laurent Mahounou Hounsa, a été auditionné, ce lundi, dans le cadre de l’affaire des structures illégales de collecte d’épargne et de placement de fonds dite Icc-Services en examen à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Mais ses explications ne font pas avancer les débats.
L’audition du directeur général de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae), Laurent Mahounou Hounsa, n’a pas permis ce lundi à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) d’avancer dans les débats relatifs au procès de l’affaire des structures illégales de collecte et d’épargne de fonds dite Icc-Services. Celui-ci était attendu pour renseigner principalement la cour de céans sur le point de l’opération de recensement des épargnants, les montants déposés, les intérêts déjà perçus et ce qu’il reste à payer. Le Dg/ Insae devrait aussi renseigner la cour sur la méthodologie utilisée et les difficultés rencontrées lors de cette opération pour laquelle l’institut avait été réquisitionné en 2010 par le comité de crise alors présidé par le ministre d’Etat en charge du Développement, Pascal Irénée Koupaki. Laurent Mahounou Hounsa était donc à la barre ce lundi pour déposer en qualité de sachant et dire ce qu’il sait de ce recensement.
D’entrée de jeu, il a précisé à la cour qu’il n’était pas encore directeur général de l’Insae, au moment des faits. Il n’a pris fonction que le 22 août 2018. Toutefois, l’administration étant une continuité, Laurent Mahounou Hounsa se dit outillé pour faire le job, dans une certaine mesure, sur la base des archives. Selon lui, les travaux de recensement ont duré 40 jours. Huit postes étaient ouverts sur l’ensemble du territoire national, en l’occurrence à Cotonou, Porto-Novo, Adjarra, Abomey-Calavi, Lokossa, Abomey, Parakou et Natitingou. Les agents recenseurs recevaient les épargnants qui devraient se munir de leurs contrats ou de leurs carnets. L’opération a permis de recenser 151 917 déposants, révèle-t-il. Mieux, 224 000 contrats ont été recensés dans 204 structures illégales de collecte d’épargne et de placement d’argent. Le tout pour un montant total de 161,004 milliards F Cfa. Les intérêts perçus par les épargnants s’élèveraient à 62,056 milliards F Cfa, informe le Dg/Insae. Les zones de concentration des déposants étaient beaucoup plus l’Ouémé, le Littoral et l’Atlantique. Ces zones représentent 90% du nombre total sur le territoire national dont 68 pour Icc-Services seule pour un montant total placé évalué à 109, 091 milliards F Cfa avec 200 827 contrats recensés.
Déception des avocats
Le rapport de synthèse des travaux de l’Insae a été envoyé à la présidente du comité de suivi par bordereau de transmission en date du 11 octobre 2010, informe Laurent Mahounou Hounsa. Toutefois, il fait remarquer que, pour une bonne fiabilité des chiffres, l’idéal aurait été de faire une confrontation des résultats du recensement avec les données de la structure Icc-Services elle-même. Ce qui n’a pu être fait à cause de l’indisponibilité des archives de cette structure. Mieux, il n’a pas été possible pour le directeur général de l’Insae de donner le nombre exact des déposants d’Icc-Services. Laurent Mahounou Hounsa sera aidé par le procureur spécial, Ulrich Gilbert Togbonon, assurant le rôle de ministère public. Celui-ci révèle que les épargnants d’Icc-Services sont au nombre de 94 879 pour 109, 009 milliards F Cfa de préjudices financiers.
Le président de la cour de céans note un manque de concordance entre le montant total spolié annoncé par l’avocat général et le chiffre de 109,091 milliards F Cfa avancé par le Dg/ Insae. Se fondant sur le rapport des travaux du comité de suivi, Edouard Cyriaque Dossa informe qu’après apurement des résultats par des experts informaticiens, Icc-Services dégage un solde positif de 72 961 815 920 F Cfa et un solde négatif de -4 047 642 737 F Cfa. Ce qui donne un montant de 68 920 172 683 F Cfa qu’Icc-Services doit à ses épargnants. Mais, l’inexactitude de ces chiffres obtenus après traitement des résultats de l’Insae et retracés dans le rapport de synthèse du comité de suivi présidé par Séverine Lawson n’a pas permis à la cour et aux avocats d’avoir une idée précise sur les chiffres.
Me Gustave Anani Kassa, avocat du collectif des spoliés, dit ne pas être surpris du fait qu’il n’y ait pas eu de chiffres sur la situation d’Icc-Services. Il trouve inutile la déposition du Dg/ Insae qui n’a pas pu donner le nombre exact des victimes d’Icc-Services, alors qu’il a fait l’évaluation du montant total spolié. Le nombre des victimes devrait être une simple déduction du montant de l’épargne recensé, observe l’avocat de la partie civile. « Le travail a été fait dans une précipitation consciente », estime Me Gustave Anani Kassa. Il a été appuyé par son confrère Hervé Gbaguidi, avocat de la défense. Pour ce dernier, les chiffres issus de l’opération de recensement conduite par l’Insae pèchent par défaut de confrontation avec les données d’Icc-Services. « On a travaillé dans un espace inconnu dont les repères ne sont pas déterminés », fait remarquer Me Hervé Gbaguidi qui dit s’être outillé et préparé en conséquence pour bien faire avec le Dg/Insae la bataille des chiffres pour le compte de son client. Mais, il constate avec regret qu’il n’y a rien à se mettre sous la dent. La montagne a accouché d’une souris, se désole-t-il.
« Mais, vers qui pouvons-nous nous référer maintenant pour avoir les vraies informations, notamment les chiffres exacts? », demande au sachant le président de la cour de céans. Tentant de répondre, Laurent Mahounou Hounsa oriente la cour vers peut-être l’ancien directeur général Alexandre Biaou qui était en fonction au moment des faits. Mais, ce dernier serait actuellement en poste à l’étranger. La cour a jugé utile d’inviter encore à la barre la présidente du comité de suivi de l’affaire Icc-Services et consorts, Séverine Lawson, pour des clarifications et d’éventuelles confrontations. L’audience a été suspendue pour être reprise ce mardi avec un nouveau passage de l’ex-agent judiciaire du Trésor, Séverine Lawson, à la barre.