L’ex chef de l’Etat Boni Yayi ne se fatigue plus de parcourir le pays tout entier. Que veut-il encore, cet homme, après 10 ans de règne au pouvoir? S’il est définitivement admis qu’il ne peut plus faire valoir sa candidature à la magistrature suprême, parce frappé par tous les critères désormais, Yayi semble ne pas baisser la garde, confortant davantage la thèse de ceux qui jurent qu’il lorgne, contre vents et marrées, un siège au Parlement ou toute autre opportunité électorale.
Patrice Talon préside aux destinées du Bénin depuis 2016, Boni Yayi ne veut pas non plus raccrocher, depuis cette même année 2016 où il lui a cédé le pouvoir. Quand il succédait à feu le général Kérékou en 2006, il était pourtant rassuré que cet énigmatique ancien président de la République allait le laisser en paix, en s’effaçant complètement de la scène politique nationale. Et ceci jusqu’à son dernier souffle en cette triste matinée du mercredi 14 août 2015. Yayi ne s’avouait pas lui, «fini», après le pouvoir, au point d’avoir pris le devant de la défunte alliance politique Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) qu’il a œuvré personnellement à transformer en parti politique, après la ruée de ses « ex- hommes forts » vers Talon. Il en a été d’ailleurs gratifié au majestueux poste de président d’honneur. Mais en réalité, Yayi ne se contentera pas que de l’honneur à la tête de ce parti. Il décide de tout et oriente tout, depuis le congrès de Parakou, courant février 2018.
Ancien chef de l’Etat actif, hyper-actif, Yayi l’est encore et ne semble pas en définir les limites, nostalgique de ses époques au pouvoir où il parcourait sans cesse tout le Bénin, à longueur de journée, à bord de cet appareil volant-hélicoptaire- qui apparaissait dans tous les cieux de toutes les régions, villes et localités dans l’allégresse générale des populations. Le «messie Yayi » descendait du ciel béninois de partout, apportant toujours la «bonne nouvelle » d’une route à construire, d’une école à bâtir, d’un micro-crédit destiné au denier plus pauvre des béninois.
Mais tout ceci est du passé, maintenant que son successeur Patrice Talon gouverne autrement le Bénin, avec moins de bruit. Yayi n’entend pas s’y conformer et demeure l’homme du terrain. « L’homme du peuple » comme le défendent ses derniers sbires, Eugène Azatassou, Théophile Yarou, Amos Elègbè et autres disciples qui lui sont restés fidèles à ce jour.
Sur le dos de Talon…
Le ‘’prince de Tchaourou’’ surfe sans doute dans la cacophonie des reproches faits à Talon sur son côté social tant critiqué, pour se refaire une certaine popularité. Depuis plusieurs semaines, Boni Yayi va à nouveau de région en région, parfois sans motif majeur, si ce n’est que des visites de courtoisie à telle ou telle personnalité « amie ». Mais en profite toujours pour s’offrir ces bains de foule dont il raffole tant. Il en fallait pour peu qu’il allât jusqu’à laisser échapper des larmes, au détour de la rencontre entre Soglo, Ajavon et lui, qui a débouché sur la création de la Coalition pour la défense de la démocratie. Des larmes qui ont laissé perplexes bien de Béninois pour le type de personnalité qu’il occupe, à moins de les classer dans une partie d’émotions subites dont seul Yayi détient le secret. Mais il n’est pas dupe, en effet. Yayi a pleuré et a fait effet, d’une manière ou d’une autre, sur ses partisans et sur un peuple qui ne comprend pas toujours les mécanismes d’une «rupture» proclamée à cor et à cri, mais qui rend la vie bien dure, en fin de compte. Yayi voulait laisser croire, sans doute, que son « cher Bénin » semble « mal se porter » sous Talon, à telle enseigne que sa chair en ressente des frissons et douleurs que seules ses larmes pouvaient en donner la vive expression. Voilà le phénomène Yayi dans toute sa plénitude. Un phénomène qui se manifeste davantage en ces veilles des élections législatives de 2019 où l’homme descend dans des rues, des maisons, visiblement solidaire des populations qu’il juge certainement « mécontentes » du système de gouvernance actuelle. Il embrasse des Béninois par ci, soulève des enfants par là, sous le regard affectif et soulageant de certains parents.
« Ces personnes nous ont conduits dans le gouffre »
« Le Bénin ne va pas perdre sa légitimité internationale. Je travaillerai surtout pour qu’il y ait un dialogue national pour qu’on se parle. Une seule hirondelle ne fait pas le printemps, personne ne peut construire seul l’économie de ce pays. Aucun clan seul ne peut construire l’économie de ce pays. Et la seule manière c’est de réussir l’enjeu d’avril 2019, c’est-à-dire un parlement contrôlé par l’opposition, un parlement de contre-pouvoir. Ces personnes nous ont conduits dans le gouffre. Si vous les envoyez là-bas, je viendrai essuyer seulement vos larmes et je dirai, « sorry ». Mais je ne le souhaite pas. » C’est un Yayi déterminé à ne plus lâcher du lest qui s’exprimait ainsi, début janvier, à l’occasion d’une cérémonie de présentations de vœux de nouvel an en son honneur par les femmes Fcbe du Littoral. Très probable candidat aux législatives 2019 dans la 8ème circonscription, Boni Yayi se lance ainsi dans la prochaine bataille législative, un peu comme pour prendre sa revanche sur Patrice Talon. Cela est évident qu’il s’arme au jour le jour pour affronter la machine politique actuelle de son «ennemi juré » sur ce terrain- là, et ne manquera pas d’user de tous les moyens nécessaires pour y parvenir. En annonçant une liste unique de l’opposition dont il serait le maitre d’œuvre et en même temps d’ouvrage, les partis désormais proches des Fcbe, la Renaissance du Bénin de Nicéphore Soglo, le Parti républicain de Maxime Houédjissin, l’Union sociale libérale de Sébastien Ajavon, renforcent davantage les marges de manœuvre de Yayi dans le rude combat électoral d’avril 2019 qui s’annonce.