Une gouvernance performante de la transhumance nationale et transfrontalière permettra d’en tirer grand profit. Cela appelle l’application effective des textes et des mesures préventives instaurées pour la gestion de la campagne 2018-2019, notamment la dynamisation des comités de gestion de la mobilité pastorale.
Faire de la gouvernance de la migration saisonnière des animaux un vecteur de développement économique, social et culturel et non une source d’insécurité, reste une préoccupation pour tous. Gouvernement, élus locaux, agriculteurs, éleveurs et autres acteurs s’accordent sur la nécessité d’instaurer un mécanisme pour une transhumance apaisée capable d’assurer une sécurité alimentaire pour les populations.
En fait, les conflits liés à la transhumance engendrent, depuis plusieurs années, beaucoup de pertes en vie humaine et de dégâts matériels. Le passage des troupeaux est marqué par l’émondage des arbres pour le pâturage aérien, les feux de brousse, le braconnage, l’empiètement ou l’invasion agricole, les risques d’épizooties, les braquages, les viols perpétrés sur les femmes, les vols de bêtes. Toutes choses qui créent une psychose générale chez les populations à chaque saison.
La campagne 2017-2018 a été moins sanglante grâce aux mesures préventives prises par le gouvernement en vue de réduire et de maîtriser les dégâts. Les déplacements de troupeaux provenant du Nord-Bénin ont été limités à la latitude de Dassa-Zoumé. Dans les départements où la transhumance est autorisée, il était question de s’assurer que tous les couloirs de passage de troupeaux sont libérés d’éventuelles cultures, de sensibiliser les populations riveraines sur les comportements à adopter, de mettre en place un dispositif d’accueil, de contrôle sanitaire, d’enregistrement et d’orientation des transhumants, de mieux suivre les mouvements des troupeaux transhumants.
Fort des résultats probants enregistrés, le Conseil des ministres, en sa séance du 16 janvier dernier, a décidé de renforcer le dispositif mis en place pour l’édition 2018-2019, tout en mettant l’accent sur la nécessité de réactiver les comités départementaux et communaux de transhumance qui ne sont pas souvent opérationnels. Il importe, dans une approche concertée, de rendre fonctionnels ces creusets de concertation composés d’autorités des structures décentralisées et déconcentrées en charge de la gestion des ressources naturelles, des représentants des éleveurs et des agriculteurs, des associations de développement, des forces de sécurité. Aussi, est-il question d’adopter un mécanisme d’échanges et un système de coordination de la transhumance 2018-2019, tout en identifiant les activités à mener par les comités ainsi que les personnes et ressources auxquelles ils pourraient faire appel pour y parvenir.
Avantages
Si l’autorisation du renfort de la Police républicaine par des unités de l’Armée dans les communes concernées est à saluer, il convient d’exhorter les forces de défense et de sécurité à faire preuve de professionnalisme pour éviter des dérapages. Ce qui passe par un renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la gouvernance de la mobilité pastorale. Car, la gestion de la transhumance va au-delà d’une présence dissuasive des forces de sécurité ou d’une simple surveillance des couloirs de passage des troupeaux et de leurs propriétaires.
Plus de 1150 km de couloirs de passage ont été tracés et balisés de Malanville à Ouinhi, grâce au Projet d’appui aux filières lait et viande (Pafilav) qui prévoyait également l’aménagement de 10 000 ha d’aires de pâturage. Mais, force est de constater que l’entretien et la libération effective des couloirs posent encore problème dans nombre de localités. La dynamisation des comités de gestion des retenues d’eau, couloirs de passage et aires de pâturage des animaux favorisera le dialogue entre les différents acteurs afin que les balises placées ne soient pas détruites. Ils veilleront à l’aménagement des aires de pâturage, la dynamisation des postes d’entrée, l’application effective des textes législatifs et réglementaires (notamment la loi n° 2018-20 portant Code pastoral en République du Bénin), la mise sur pied des cellules légères au niveau de l’arrondissement et au niveau du village, le renforcement du contrôle frontalier et l’organisation de la délivrance des certificats de transhumance, la formalisation de contrats entre agriculteurs et éleveurs par rapport à la gestion des résidus de récolte.
La mise en place et l’opérationnalisation d’une agence nationale de transhumance visant à optimiser sa gouvernance, reste une préoccupation majeure pour en tirer les bénéfices. Car, au-delà de la psychose et de l’insécurité sur les biens et les personnes qu’il engendre, le déplacement des troupeaux constitue une ressource économique, écologique, sociale. La transhumance contribue à l’économie locale avec le paiement des taxes aux communes d’accueil, à l’accroissement des échanges commerciaux, à la valorisation des résidus agricoles, à la fertilisation des sols par l’apport de fumure organique. Elle favorise la disponibilité à bon prix de la viande et des produits laitiers dans les zones d’accueil, l’amélioration des races bovines, le brassage des communautés, le renforcement de l’intégration sous-régionale, le développement des activités de suivi-vétérinaire.