Elle incarne un modèle pour nombre de ses collègues et proches. Jadis sage-femme diplômée d’Etat, aujourd’hui médecin-chef, le cursus de
Virginie Hossou Adjanohoun est bien singulier. Loin d’être un long fleuve tranquille, elle s’y est donné corps et âme en vue de sa consécration. Portrait d’une femme dont le parcours se laisse apprécier.
Virginie Hossou Adjanohoun est un agent de santé hors du commun. Son parcours de médecin relève d’une longue histoire, d’une détermination de femme, d’un rêve assouvi. De la sage-femme d’Etat effacée et efficace au médecin brillant et admiré, l’aventure en valait la peine, bien qu’elle n’ait pas été un long fleuve tranquille.
Après avoir exercé le métier de sage-femme d’Etat pendant 20 ans, elle renoue avec les bancs pour se lancer dans la formation en gynécologie. Logée à la même enseigne à l’université que des apprenants de la tranche d’âge de ses enfants, ‘’la mémé-étudiante’’ alors âgée de 45 ans, a dû faire pression sur elle-même pour y arriver. Elle a fait fi des regards et des commentaires relatifs à son âge, et s’y est donné corps et âme pour à la fin obtenir son diplôme de médecin. Huit années d’assiduité au cours auront permis à cette femme, la cinquantaine révolue, d'avoir ce diplôme très convoité et réveler le génie qui sommeillait en elle puis être nommée médecin-chef de la zone sanitaire d'Abomey-Calavi. Son âge relativement avancé était tout sauf un handicap. Des témoignages renseignent qu’elle est la première sage-femme à faire un tel cursus.
Bien que se sentant très confortable dans son marigot, la routine d’exercer le métier de sage-femme a déclenché une autre motivation en elle. « Le métier de sage-femme était devenu pour moi un réflexe. A un moment donné, je ne profitais plus suffisamment de mes connaissances sur la femme et le nouveau-né, parce que je n’arrivais pas toujours à donner satisfaction à toutes les préoccupations des patients. J’ai réalisé que je devrais aller étudier l’homme dans d’autres dimensions », raconte-t-elle. Chose faite. Elle est plus outillée aujourd’hui à combler les attentes de ses patients. « Le souci de mieux servir mon pays m’a amenée à renforcer mes compétences professionnelles. Je suis à même aujourd’hui de bien réagir face aux différents cas qui se présentent à moi », assure-t-elle.
Après son baccalauréat série D, elle a appris et exercé le métier de sage-femme avant d’être rattrapée plus tard par son rêve. Celui de devenir médecin. C’est une femme apparemment très épanouie qui raconte aujourd’hui son parcours. « Je suis très fière de moi-même, entièrement comblée. J’ai le sentiment d’une femme ayant réalisé son rêve; j’ai réussi à devenir ce que je voulais être », se réjouit-elle. «Je suis fière d’être apte et d’avoir les connaissances nécessaires pour mieux prendre en charge l’être humain », s’exclame-t-elle.
Reconnaissance des populations
Des aptitudes, Virginie Hossou Adjanohoun en dispose assurément. La cité lacustre de Sô-Ava (première localité où elle a servi après l’obtention de son diplôme en médecine), peut lui rendre des témoignages à vie, en raison de ses nombreux efforts pour assurer les soins de santé dans la localité. Pendant qu’elle y exerçait, elle était au-devant de la scène pour des actions en faveur de la promotion de la santé au profit de cette population. Qu’il s’agisse de l’exécution du Programme élargi de vaccination (Pev) dans la zone, de la promotion de la planification familiale ou des bonnes pratiques en matière de lutte contre le paludisme et les maladies diarrhéiques, la 1ère femme médecin-chef dans l’histoire de la localité, s’est tout le temps affichée comme le défenseur de la cause de cette cité lacustre. A Sô-Ava, Mme Adjanohoun a vécu comme une digne fille du terroir. Sans ménagement. Là-bas, elle y a laissé de bons souvenirs dans l’esprit des populations. « J’ai été la première femme à servir dans cette localité qui n’a jamais connu de médecin-chef. Contrairement à ce que les gens pensaient, j’ai élu domicile à Sô-Ava, où je logeais sept jours sur sept et 24heures sur 24. Tous les jours de la semaine, j’étais au chevet de ces populations lacustres. Les autorités et populations de cette commune ne pourraient pas m’oublier pour mes actions positives envers elles », se félicite-t-elle. Ici, tous témoignent de son attachement au travail et de son amour du prochain.
De Sô-Ava à Abomey-Calavi, le pont a été vite franchi. Ici aussi, c’est un chef hors du commun qui prend en main la santé des populations de la commune. Un profil plutôt recherché depuis l’avènement du Renouveau démocratique au Bénin. « Depuis l'avènement de la démocratie, Abomey-Calavi n’a plus enregistré de femmes médecins-chefs de commune; je suis encore la première à occuper ce poste. Cette population témoigne un peu partout de mon dévouement à ses côtés », relève-t-elle.
Elle est au cœur de la promotion de la santé familiale. «Depuis que j’ai été installée, les femmes ont compris qu’il faut venir très tôt en consultation prénatale et qu’il faut anticiper sur les maladies des enfants en les emmenant très tôt au centre de santé afin d’éviter les complications », apprécie-t-elle avant de poursuivre : « grâce à moi, des couples vivent en harmonie aujourd’hui avec les méthodes de planification familiale. Ils savent désormais que les naissances et les grossesses se planifient ».
Sur un autre plan, l’ancien médecin chef de Sô-Ava œuvre avec les chefs postes et les relais communautaires en faveur de l’Initiative vaccinale décentralisée (Ivd). Avec son bâton de pèlerin, elle a parcouru les neuf arrondissements de la commune d’Abomey-Calavi, l’une des communes les plus peuplées du Bénin, pour enseigner les notions d’hygiène et d’assainissement et de soins aux populations.
Travailler pour son honneur
Son challenge, c’est d’apporter de la joie au cœur de tous et d’aider la femme à s’autonomiser. « La femme doit comprendre qu’elle ne doit pas toujours attendre l’homme avant de se prendre en charge », indique-t-elle. Selon elle, la santé de la femme est tributaire de celle de la famille. « Lorsque la femme se porte bien, le foyer se porte bien, le ménage est heureux et la population en tire le maximum de profit », soutient-elle.
Son souhait, c’est de voir la jeune génération de filles reprendre le flambeau des aînées et l'assumer avec talent et honneur. « On a longtemps considéré la femme comme le sexe faible, le sexe qui doit se soumettre, se rabaisser, s’humilier et obéir», relève-t-elle.
Le temps est venu pour que les jeunes puissent corriger cette perception. C’est donc en connaissance de cause qu’elle adresse cette exhortation aux jeunes filles : « la relève doit savoir que le métier représente toute une vie et travailler sérieusement pour impacter leurs communautés de sorte que même s’il arrivait qu’on leur enlève leur honneur, qu’on ne leur enlève pas leur métier. En fait, l’honneur s’acquiert par le travail », tranche-t-elle pour susciter la détermination, la conviction et le goût du travail bien fait dans leur rang.
Mais, pour un profil comme celui de Virginie Hossou Adjanohoun, il faut avoir le dos large pour essayer une telle ‘’folie’’. Renouer avec les bancs après plus de 45 ans, ce n’est pas donné à tout le monde. Si le médecin-chef de la commune d’Abomey-Calavi se conforte aujourd’hui de son statut, elle est davantage convaincue que sans des soutiens comme celui des professeurs Djidjoho Padonou, Justin Dénakpo, Albert Tévoédjrè et de son épouse, de l’ancien recteur de l’Université de Parakou, Simon Akpona, du professeur René Perrin ou encore du ministre de la Santé, Benjamin Hounkpatin, et des professeurs Marc-Abel Ayédoun et Francis Tognon, elle n’aurait pas enlevé sa blouse rose pour porter la verte ou la blanche.
Du haut de ses 54 ans, cette dame, taille moyenne, teint clair, joviale et belle demeure très jeune dans l’esprit. Si elle-même a pu bénéficier de l’accompagnement permanent de son mari et de l’un de ses cousins, David Gervais Koutangni, elle est davantage convaincue que le don de soi et l’ouverture d’esprit sont des valeurs qui doivent être mises au service de la jeunesse. En tout cas, ce n’est pas ce qui manque à ses enfants et petits-fils qui abusent de sa simplicité et de son humilité pour tirer le maximum d’elle. Une femme battante et comblée, Virginie Hossou Adjanohoun le revendique fièrement. Mais elle doit également compter avec la ‘’jalousie humaine’’. « Les gens estiment que Dieu m’a tout donné : la beauté, l’intelligence, la chance…. Je me bats simplement pour honorer le Créateur », admet-elle.
Des soutiens certes, mais la sage-femme d’Etat devenue médecin-chef sait qu’elle n’a pas droit à l’erreur. « Les professeurs qui m’ont formée m’attendent pour former d’autres gynécologues; je me battrai pour mériter continuellement leur confiance », promet-elle. Engagement d’une femme qui incarne par-dessus tout, la sagesse.