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Nullité de l’article 12 alinéa 2 de la loi sur la Criet: La Haute juridiction rétablit le droit à un procès équitable

Publié le mercredi 6 fevrier 2019  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Le symbole de la justice
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Certaines dispositions de la loi n°2018-13 portant création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) ont été longtemps décriées par les juristes et les avocats. Aujourd’hui, l’une de leurs préoccupations est prise en compte avec la décision Dcc 19-055 du 31 Janvier 2019 qui rend nul et non avenu l’alinéa 2 de l’article 12 de ladite loi.

« L’alinéa 2 de l’article 12 de la loi N°2018-13 du 18 mai 2018 modifiant et complétant la loi n° 2001-37 du 21 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin et création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme est contraire à la Constitution », a déclaré la Cour constitutionnelle après avoir connu du recours en inconstitutionnalité formé par les avocats Arthur A. Ballè, Sadikou Ayo Alao, Victor Adigbli, Francis Dako, Barnabé G. Gbago, Claude-Olivier Hounyèmè, Hermann Yves Yenonfan, Renaud Agbodjo, Roméo Godonou, Ayodélé Ahounou, tous inscrits au Barreau de Cotonou. En effet, l’article 12 en question stipule : «Les décisions de la Commission d’instruction ne sont susceptibles de recours ordinaires. Toutefois, l’arrêt de non-lieu peut être frappé d’appel devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. Selon le cas, la Cour évoque et juge l’affaire ou rejette le recours ». Procédant à l’examen de cet article pour statuer sur sa conformité, la Cour motive : « Si l’alinéa 1er de cette disposition est en cohérence avec l’orientation générale de la loi qui confère à la juridiction instituée le pouvoir de statuer en dernier ressort, l’alinéa second qui institue une voie d’appel en ce qui concerne exclusivement la décision de non-lieu rendue en faveur d’une personne poursuivie rompt cette cohérence et viole le principe de l’égalité des armes, composante essentielle de l’égalité de tous devant la loi, protégée par l’article 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et l’article 26 de la Constitution ».
C’est au regard de cette violation du droit à un procès équitable que la Cour constitutionnelle a rendu nul et non avenu l’alinéa 2 de l’article 12 de la loi portant création de la Criet. Ainsi, la loi devrait être débarrassée de cette disposition en vertu de l’article 3 de la Constitution qui dispose: «La souveraineté nationale appartient au peuple… La souveraineté s’exerce conformément à la présente constitution qui est la loi Suprême de l’Etat. Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenus… »; et de l’alinéa 1 de l’article 124 qui précise : «Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application… ».

Défaut du double degré de juridiction, pas contraire !

Il faut noter que les avocats requérants ont évoqué deux autres violations dans leurs recours. Il s’agit des articles 5 et 19 qui, selon eux, violent respectivement le principe d’égalité et le double degré de juridiction. Des présomptions de violation que la Cour n’a pas entérinées au motif que les deux articles ne s’opposent à aucune disposition de la Constitution.
S’agissant de la présomption de violation du principe d’égalité fondée sur l’article 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, puis l’article 26 de la Constitution qui dispose que « L’Etat assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale ... », la Cour constitutionnelle précise qu’en l’espèce, la loi déférée crée en son article 5 une juridiction spéciale et lui confère une compétence matérielle déterminée; qu’en procédant ainsi, elle n’a pas caractérisé par voie de discrimination a priori les personnes à juger par la Cour instituée et qu’il n’y a pas violation des dispositions visées.
Concernant le principe de double degré de juridiction, la Cour fait savoir que ce principe, quoique général, n’est ni fondamental, ni absolu ; qu’il ne s’oppose pas, en matière répressive, à ce que la Haute Cour de Justice, juridiction compétente ratione personae pour connaître des infractions commises par le Président de la République ou les membres de son Gouvernement, statue en dernier ressort, et que la chambre de l’instruction qui lui est attachée, apprécie les faits aux fins de rapport non susceptible de recours.
Pour la Haute juridiction, il faut entendre par l’article 14 alinéa 5 du Pacte international relatif aux droits civil et politique qui dispose: «Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité, conformément à la loi» qu’il est conféré par ce texte une faculté à toute personne de faire examiner sa cause par une juridiction supérieure d’une part et d’autre part, que lorsque la législation nationale organise un tel recours ; qu’il ne s’entend pas comme un devoir prescrit ou une obligation impérative imposée aux Etats parties d’instituer en toute matière le double degré de juridiction.
La Cour conclut que le double degré de juridiction n’étant pas un principe constitutionnel, ne s’impose pas au législateur et son défaut n’est donc pas contraire à la Constitution.

Anselme Pascal AGUEHOUNDE
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