Le procès de l’affaire des structures illégales de collecte d’épargne et de placement d’argent s’est poursuivi, ce mardi 5 février, à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) avec la plaidoirie des avocats de la défense qui plaident surtout l’acquittement pur et simple de leurs clients.
Les faits mis à la charge des accusés de l’affaire Icc-Services, en l’occurrence Guy Akplogan, Pamphile Ludovic Dohou, Emile Tégbénou, Clément Sohounou, Etienne Tchihoundjro, Michel Agbonon, Grégoire Cocou Ahizimè et le pasteur Justin Dimon ne sont pas constitués. Il y a lieu, au principal, de les acquitter purement et simplement. C’est ce que plaident les avocats de la défense à l’égard de leurs clients. Ils étaient six à défiler, tour à tour, ce mardi, à la barre de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) pour faire leurs observations à la cour de céans.
Mes Hervé Gbaguidi, Gilbert Attindéhou et Hugo Koukpolou, représentant Me Fulbert Béhanzin ont défendu la cause des accusés Guy Akplogan, Pamphile Ludovic Dohou, Emile Tégbénou, Clément Sohounou et Etienne Tchihoundjro poursuivis pour association de malfaiteurs; escroquerie avec appel au public et exercice illégal d’activité de microfinance et de banque. Le volet technique des trois infractions à l’égard des six accusés a été abordé par Me Hugo Koukpolou. Il a tenté de battre en brèche les trois chefs d’accusation retenus contre les promoteurs d’Icc-Services. Selon lui, l’escroquerie aggravée dont le siège se retrouve à l’article 405 du code pénal n’est pas un crime, mais plutôt un délit. L’appel au public, poursuit-il, n’est pas une notion littéraire, mais plutôt juridique consistant à faire du démarchage par le biais des médias. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce d’autant que ses clients n’ont jamais utilisé les médias pour appeler le public à venir déposer leur argent. L’on devra éviter de faire l’amalgame avec les apparitions publiques des promoteurs Icc-Services avec des autorités ou en train de faire des œuvres de charité. Le succès d’Icc-Services a été fait avec la communication orale, c’est-à-dire de bouche à oreille. Ce qui n’est pas un appel au public. L’infraction de l’escroquerie avec appel au public n’étant pas constituée, il n’y a pas lieu non plus d’infraction d’association de malfaiteurs, martèle Me Hugo Koukpolou. Car, selon lui, les dispositions de l’article 265 du Code pénal sont très claires là-dessus. Ce chef d’accusation s’entend comme une entente en vue de commettre une infraction dans une intention criminelle, soit aux personnes, soit à leurs propriétés. Ce qui n’est pas le cas ici puisqu’il n’y a jamais eu une entente, une intention criminelle préalable en vue de porter atteinte aux victimes.
Main trop lourde
Toutefois, il plaide coupable pour la troisième infraction à savoir l’exercice illégal d’activité de microfinance et de banque. Mais là encore, le jeune avocat démontre qu’aux termes de l’article 78 de la loi règlementant l’exercice des activités de microfinance, ses clients ne sont passibles que d’une peine d’amende et non d’une peine privative de liberté. La loi prévoit que c’est en cas de récidive qu’ils pouvaient être privés de leur liberté. Ce qui n’est pas le cas avec ses clients qui sont des délinquants primaires.
Me Hugo Koukpolou est allé plus loin en dénonçant les violations massives qu’ils ont subies. Selon lui, les accusés ont fait 10 jours de garde à vue au lieu de 8 prévus par la loi. Ils ont été assignés à résidence surveillée, puis extraits de la prison nuitamment par des personnes qui n’ont rien à voir dans ce dossier et à l’insu du juge en charge de l’affaire. « Il y a dans ce dossier une violation des droits de l’homme. Les accusés ont déjà fait huit ans et demi sans être jugés. Je vous prie de considérer tout cela dans le secret de votre délibéré», souligne Me Hugo Koukpolou. Au regard de toutes ses observations techniques, il plaide, au principal l'acquittement pur et simple de ses clients, au subsidiaire, au bénéfice du doute et au très subsidiaire, une condamnation pour le temps qu’ils ont déjà passé en prison.
Me Gilbert Attindéhou a abondé dans le même sens. Il a estimé que le ministère public assuré par le procureur spécial près la Criet, Ulrich Gilbert Togbonon, a eu la main trop lourde en requérant la peine maximale de 10 ans d’emprisonnement ferme contre Guy Akplogan, Emile Tégbénou et Ludovic Pamphile Dohou, 9 ans de prison ferme contre Etienne Tchihoundro et 8 ans de prison ferme contre Clément Sohounou. Selon Me Attindéhou, son client Emile Tégbénou, l’un des responsables d'Icc-Services, a bien les moyens de rembourser les épargnants si la somme de 27,050 milliards F Cfa qu’il détenait à son domicile à Adjarra n’avait pas été emportée à une destination inconnue lors des perquisitions policières. Toutefois, Me Gilbert Attindéhou salue l’intelligence de l’avocat général qui, lors de ses réquisitions lundi dernier, a reconnu que les spoliés devraient être aussi poursuivis si l’Etat béninois n’avait pas été défaillant dans ce dossier. Il reconnaît que les prétendues victimes ne devraient s’attendre à rien. Caricaturant les faits, il les décrit comme une situation où l’on s’est servi de « faux billets pour acheter de la drogue ». Si l'on poursuit le détenteur du faux billet, il devrait en être de même pour le vendeur de drogue.
Pour sa part, Me Hervé Gbaguidi retrace à la cour de céans le parcours des promoteurs d’Icc-Services depuis la création de la structure, le 15 décembre 2006, jusqu’à l’éclatement de la crise le 1er avril 2010. Elle est née à la suite d’un banal canular, un jeu de poisson d’avril, qu’il qualifie de « poison d’avril », sur une radio de la place dans l’Ouémé qu’il appelle également de « radio maudite ». Le message invitait, au nom du chef de l’Etat d’alors, les épargnants à aller retirer leur argent avant 12 h de ce 1er avril 2010. Une marée humaine s’est ruée après ce message-radio vers les agences. Sinon, à en croire Me Hervé Gbaguidi, Icc-Services n’avait aucun problème de payement de ses clients avant cette situation. Comme ses deux collègues, il sollicite la clémence de la cour pour permettre à ses clients de rentrer chez eux.
Laver l’honneur
L’acquittement pur et simple a été également la demande de Me Michel Salomon Abou en faveur de son client Michel Agbonon poursuivi pour complicité d’escroquerie avec appel au public. Selon lui, ce chef d’accusation ne peut être retenu contre son client qui a été recruté à Icc-Services le 1er avril 2010. Et il y a travaillé pendant trois mois seulement et perçu un mois de salaire avant l’arrestation des promoteurs. Le recrutement de Michel Agbonon, ex-chef agence Icc-Services Bazounkpa a été donc postérieur aux faits mis à la charge de ses ex-responsables. L’on ne saurait, dès lors, établir une certaine complicité d’escroquerie avec appel au public entre son client et ses patrons avec qu’il a des rapports de subordination. Me Michel Salomon Abou a étayé son argumentaire par les cas de trois autres collègues de Michel Agbonon qui ont été recrutés bien avant lui et ont travaillé et arrêté dans les mêmes conditions que lui. Mais aussi curieux que cela puisse paraître, l’avocat relève que le juge instructeur a conclu à l’insuffisance, de charges de complicité d'escroquerie contre ces derniers qu’il a mis hors de cause et donc libérés. Me Michel Agbonon dit compter sur la cour de céans pour que soit acquitté purement et simplement son client contre qui le ministère public a requis la peine de 10 ans d’emprisonnement dont 8 ans fermes.
Libérez Grégoire Ahizimè
D’un avocat à un autre, Me Claude Olivier Hounyèmè a assuré la défense de l’ex-coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées, Grégoire Cocou Ahizimè, poursuivi pour recel d’escroquerie avec appel au public et corruption. Ces infractions ont été requalifiées par l’avocat général Ulrich Gilbert Togbonon en blanchiment de capitaux pour lequel il requiert cinq ans d’emprisonnement dont 30 mois fermes. Me Claude Olivier Hounyèmè a démonté les réquisitions du ministère public à l’égard de son client. Pour lui, aucune des infractions n’est constituée contre l’accusé. Selon lui, en tant que responsable de la structure qui assure le rôle de gendarme dans le secteur de la microfinance, Grégoire Cocou Ahizimè a joué sa partition. Il a alerté depuis 2009 son supérieur hiérarchique, le ministre de l’Economie et des Finances à travers plusieurs fiches pour dénoncer la situation. Mais, ces correspondances sont restées lettres mortes. Mieux, c’est l’accusé qui est l’auteur de la plainte déposée en janvier 2010 contre les promoteurs d'Icc-Services, renchérit Me Claude Olivier Hounyèmè. Cette assignation n’a pas été du goût des responsables d'Icc-Services dont Emile Tégbénou qui lui a collé une affaire de 220 millions F Cfa, montée de toutes pièces, qu’il lui aurait remis contre décharge. Mais, Emile Tégbénou n’a pu produire cette décharge jusqu’à la clôture des débats, observe Me Claude Olivier Hounyèmè. Il y a alors un doute opaque qui doit profiter à l’accusé. Car, selon lui, il vaut mieux mille coupables en liberté qu’un seul innocent en prison. Il demande à la cour de faire une bienveillante application de la loi à l’égard de son client et d’ordonner la restitution de la caution de huit millions F Cfa que l’accusé a payée au Trésor public avant de bénéficier d'une liberté provisoire en 2013, après trois ans de prison.
Acquittement pour Justin Dimon
Me Marie Claude Alapini est le conseil du pasteur Justin Dimon accusé de recel d’escroquerie avec appel au public et corruption contre qui le ministère public a requis l’acquittement au bénéfice du doute. L’avocat se dit non satisfait des réquisitions de l’avocat général à l’égard de son client. Pour lui, Justin Dimon est blanc comme neige dans ce dossier dans lequel il a été victime de la méchanceté des hommes, en l’occurrence d’un ancien garde du corps de l’ex-président de la République. Ce dernier l’a chargé à la Police comme ayant bénéficié de beaucoup de libéralités auprès des promoteurs d’Icc-Services. Or, l’accusé a déjà remis à l’enquête préliminaire depuis juin 2010 le seul véhicule dont il a bénéficié chez Emile Tégbénou. Mieux, les 10 millions F Cfa que lui a remis Emile Tégbénou pour le compte des sinistrés des inondations en 2010 ont été remis effectivement au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique d’alors devant les médias, rappelle Me Marie Claude Alapini. Au regard de ces moyens, il invite alors la Cour à aller plus loin que le ministère public en acquittant purement et simplement son client qui est un homme de Dieu. Cette sentence permettra de laver le pasteur Justin Dimon de tout soupçon. Me Marie Claude Alapini demande à la cour d’ordonner la restitution du cautionnement de 4,5 millions F Cfa que l’accusé a payé avant d’obtenir sa liberté provisoire.