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Art et Culture

Allégeance au Roi de Danxomè: Pourquoi les Malèhossou ne se déchaussent ni ne se décoiffent

Publié le mardi 12 fevrier 2019  |  Matin libre
Dah
© aCotonou.com par DR
Dah Sagbadjou Glèlè nouveau roi d’Abomey
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Au détour d’une visite de courtoisie pour les civilités à sa Majesté Dada Sagbadjou Glèlè, nouveau Roi d’Abomey, El hadj Yacoubou Malehossou, porte-parole de la délégation de la communauté musulmane du Zou, a fait une déclaration qui a retenu l’attention au niveau de la Rédaction de votre journal Matin Libre. En effet, faisant le point de la visite de ce dimanche 03 février 2019 au nouvel occupant du trône du Danxomè, il a laissé entendre : « …mais nous, on ne se déchausse pas… ». Qu’est-ce qui explique ce privilège ou cette particularité à l’égard des Malèhossou ? Et comment cela est-il perçu par d’autres ? Enquête.

Les faits renseignent que ces derniers sont les seuls, à l’instar du Roi, qui peuvent entrer au palais royal d’Abomey sans observer les règles élémentaires. C’est-à-dire se déchausser et se décoiffer. Toute une histoire pour expliquer ce privilège accordé à cette lignée musulmane. En effet, c’est en reconnaissance à un bienfait qu’elle aurait fait au royaume.


La source de ce privilège…



Nous étions en 1713, lorsque l’Islam pénétra le royaume de Danxomè. Tout est parti de cette époque, à en croire El Hadj Yacoubou Malèhossou, actuellement Bah (chef ; ndlr) de la lignée Malèhossou. « Ceci, suite à l’invitation du Roi Agadja, celui qui précéda Akaba. Donc à son a arrivée au trône, il eût un peu de difficultés. Bien avant, Akaba en question avait un ami appelé Dan, grand opérateur économique, qui possédait assez de moyens et de terres. Mais le Roi Agadja à sa surprise, constata que l’homme n’était pas un prince. Il commença donc à lui demander assez de services. S’il demande deux hectares aujourd’hui, après c’est trois…Cette attitude fâcha Dan, qui dans sa colère dit au Roi que lui-même a une famille à nourrir et qu’il ne pouvait plus lui garantir tout ce qu’il demandait. A défaut, de le tuer. A son tour, le Roi se fâcha et l’égorgea. Il prit le soin de le fendre en deux, tout en construisant un mur dans son ventre, d’où le nom Danxomè (le ventre du Dan ; ndlr). Cet acte du Roi Agadja amena les nigérians dont serait originaire Dan à se venger. Ils déclarèrent ainsi la guerre au royaume de Danxomè. Curieusement, le Roi constata que les guerriers nigérians venus venger leur frère laissèrent chaque fois qu’il sonnait 14 heures, les armes pour aller prier. Perplexe, il demanda à son ami malien commerçant de l’aider car, les choses se compliquèrent pour le royaume. Une grande sécheresse en représailles s’abattit sur le royaume pendant quatre saisons et la famine s’installa. C’est de là qu’Alpha Seidou, l’ami du Roi fit un tour au Nigeria pour aller chercher Chéhou Abdou Kadri, qui est Malèhossou aujourd’hui. A son arrivée, il était avec deux de ses frères, avec leurs chevaux. A leur descente au musée, on devrait les conduire vers le Roi. Mais une dispute s’éclata. Pour les gardiens du Roi, c’est impossible que les hôtes entrent au palais avec leurs chapeaux et chaussures. Refusant d’obtempérer, Abdou Kadri et les siens se replièrent chez eux à Kana, au Nigéria. La nouvelle de cet incident parvint au Roi qui les fit rappeler au palais royal sans condition. Pour la première fois, une audience fut accordée à des visiteurs chaussés et coiffés. Dans cet environnement incertain, ils prièrent pour le Roi pendant une semaine. Tout juste après ces temps de prières, la pluie annonça ses nouvelles. Emerveillé, le Roi, dès ce jour, ordonna à ses subalternes de laisser ses visiteurs entrer au palais avec chaussures et chapeaux. C’est ainsi que depuis Agadja jusqu’aujourd’hui, la lignée Malèhossou a le privilège d’entrer au palais royal d’Abomey sans se déchausser ni se décoiffer », explique l’actuel Bah des Malèhossou.


Les Djissa aussi mais…



Une autre lignée très utile au Roi bénéficie aussi de privilège, mais pas à la hauteur de celui des Malèhossou. Ce propos de Franck Ogou, Docteur en histoire et spécialiste de patrimoine, indique qu’à l’instar des Malèhossou, il y a les descendants du premier boconon du Roi (féticheur du Roi ; ndlr), qui sont d’une manière ou d’une autre privilégiés. « S’il y a un notable dans Danxomè qui conserve un privilège depuis le Roi Hwegbaja, c’est le chef de collectivité Hountondji qui est le seul autorisé à entrer au palais avec son ombrelle et jusqu’à nos jours. Il est le premier boconon du royaume qui a rang de dignitaire car, le roi pour le récompenser lui a fait construire un palais qui vient d’être restauré par l’actuel Djissa », raconte l’historien. Pour lui, la différence entre les deux faveurs est que le boconon du roi ne peut, contrairement aux Malèhossou, porter ses chaussures dans l’enceinte du palais.


Pendant que les ministres du Rois sont soumis…



Au moment où les Malèhossou et la lignée Djissa conservent leurs privilèges respectifs de génération en génération, les princes, les ministres et autres proches du Roi sont obligés de se décoiffer et de se déchausser avant d’entrer au palais. Ambivalence ? Non, répond Dah Adjaho Avounsibessé Tozonnou Adimagbè, chef de la famille Kpochémè, ministre au palais royal d’Abomey. « Même nous qui sommes ministres au palais n’avons pas ce privilège. C’est uniquement les Malèhossou », a-t-il confié. A l’écouter, cette histoire a tellement marqué le Roi qu’il a envoyé son enfant Kpengla au Nigéria, pour apprendre tout cela.


Le regard extérieur…



Ce privilège est un acte qui n’honore en aucun cas la royauté béninoise, évoquera A.D. Pour lui, ce n’est pas sûr que cette bénédiction soit accordée à un composite dans une mosquée, quel que soit le service rendu. « Le palais tout comme l’église et la mosquée sont des lieux sacrés et la seule personne qui doit s’y trouver chaussée, c’est le Roi. Ne dit-on pas que nul n’est au-dessus de la loi ? C’est ainsi que nul, non plus, ne devrait être au-dessus de la culture », opine ce citoyen. Contrairement à lui, certains visiteurs, bien qu’étant habitués du palais royal d’Abomey, ignorent cette histoire, même étant autochtones de cette ville historique du Bénin. C’est le cas de Naura Challa, qui donne toutefois son appréciation : « Dans le passé, la parole, la reconnaissance et la gratitude sont des principes indétournables… Ce phénomène sous d’autres cieux serait vu comme de la discrimination par ceux qui ne connaissent son fondement. Moi je ne qualifie pas ça de discrimination mais plutôt d’honneur et de respect d’une promesse. Je ne maitrise pas ce qui a conduit à cette décision mais elle est sacrée et son respect est formel. J’y attache du prix et c’est un plaisir pour moi d’observer les règles élémentaires, chaque fois que je me rends au palais », dira l’expert en évaluation environnementale et sociale. Quant à El Hadj Yacoubou Malèhossou, c’est une reconnaissance du Roi qu’on ne peut interpréter comme étant une discrimination. « C’est notre histoire. Ça se respecte depuis nos aïeux et nous avons le devoir de la perpétuer », ajoute Dah Adjaho Avounsibessé Tozonnou Adimagbè, chef de la famille Kpochémè, ministre au palais royal d’Abomey. L’historien Franck Ogou lui aussi, n’y trouve aucune discrimination en ce qui concerne cette décision. Selon lui, le Roi peut décider d’accorder de privilège à qui il veut pour service rendu. « On ne peut pas lui en vouloir pour ça et cela ne peut être assimilé à une discrimination. Et dans les temps modernes, les gouvernants donnent des privilèges à des citoyens donnés », rappelle-t-il pour conclure.

Janvier GBEDO (Stag)
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