Le sort de l’ancien Président de la République Yayi Boni et de ses ministres impliqués dans l’affaire Icc-Services se retrouve entre les mains des 83 prochains députés. Seulement, l’issue dépendra de la configuration à l’Assemblée nationale.
Si Yayi Boni et ses ministres étaient des citoyens lambda, l’exercice aurait été assez souple. Car, il relèverait de l’entière compétence des juridictions ordinaires. La décision de poursuite du Représentant du parquet suivie d’une ouverture d’information ou d’une saisine des tribunaux ordinaires aurait permis de convoquer rapidement les concernés et de décider de leur sort en un laps de temps. Avec les personnages en présence, le processus est beaucoup plus complexe et ne se réduit pas à la seule volonté du magistrat du Parquet. Il faudra en plus de cette volonté judiciaire, une volonté politique. Il est vrai que jusqu’à demain, le parquet général ou le parquet spécial ont toujours l’apanage de la poursuite judicaire. Cette initiative reste fondée sauf qu’elle ouvre un long processus qui ne sera tranché que par l’Assemblée nationale. Le parquet général ou le parquet spécial n’auront qu’à solliciter du Parlement l’initiative de la poursuite. Ce n’est qu’après cette première étape que l’Assemblée nationale notifiera en cas d’avis favorable, la décision à la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou, (juridiction du siège de l’Assemblée nationale et faisant office de chambre d’instruction de la Haute cour de justice) et à la Présidente de la Haute Cour de justice. On comprend donc au regard des textes que seule l’Assemblée nationale a la clé de la poursuite ou de la mise en accusation. C’est justement à ce niveau que se trouve toute la complexité de la question. Quelle issue pour ce dossier dont le développement dépendra assurément de la configuration de la prochaine législature ?
Question à plusieurs inconnus
On sait déjà que la législature actuelle est finie et que plus rien n’est vraiment possible pour lancer un quelconque processus de poursuite et de mise en accusation d’ancien Président ou de ministres impliqués dans une affaire fût-elle Icc-services. A ce niveau, les dés sont pratiquement pipés. L’enjeu reste donc la huitième législature. Tout dépendra donc de la majorité à l’Assemblée nationale. Si les députés de la majorité présidentielle arrivent à avoir un score retentissent à l’Assemblée les yeux fermés on dira que Icc-services sera le premier dossier à inscrire à l’ordre du jour. Au cas où la majorité reviendrait à l’opposition comme elle aime à le dire, le premier dossier qui sera inscrit à l’ordre du jour sera la suppression de la Criet. A ce niveau encore il y a matière à se poser mille et une questions. La plus importante est que l’ancien Président de la République ne sera pas seul à subir la procédure judiciaire. Il sera entrainé par plusieurs autres ministres qui ont réussi par le jeu des positionnements politiques à se retrouver dans les grâces du pouvoir actuel. S’ils mouillent le maillot tout en sachant que le premier dossier à l’Assemblée sera le dossier Icc-services dans lequel ils seront embêtés, est-ce qu’ils travailleront à cœur joie aux côtés du pouvoir pour le triomphe de la majorité à l’Assemblée nationale encore même qu’ils ne savent pas s’ils seront positionnés sur une liste. Face à cette énigme, toute personne rationnelle dira qu’elle préférera la seconde option qui consiste à donner la majorité à l’opposition pour qu’on en finisse définitivement avec ce dossier Icc-services. A ce niveau encore l’exercice n’est pas simple car comment réussir une contre campagne sur le terrain alors qu’on est de la majorité ? Dans un cas comme dans l’autre, Il y a un grand péril en vue pour l’ancien Chef de l’Etat qui doit désormais batailler dur pour inverser la tendance à l’Assemblée et ses anciens ministres reconvertis qui sont dans une position délicate. Encore que une fois député, les personnes en lice actuellement n’ont plus un devoir d’allégeance et peuvent toujours basculer dans un camp comme dans l’autre. C’est le champ même des coups politiques et des retournements spectaculaires de vestes. Aussi, l’opposition même minoritaire peut toujours jouer sur sa minorité de blocage pour se faire entendre. On réalise donc que le quitus de poursuite de tout ce monde à l’Assemblée sera un exercice difficile à réussir au regard du caractère éminemment politique du processus. Son aboutissement dépendra de la prochaine configuration à l’Assemblée nationale qui n’affiche à l’heure actuelle aucune lisibilité.