19 février 1990 - 19 février 2019. Il y a vingt-neuf ans, commençait la Conférence nationale des forces vives. Historique rencontre qui sonnait le glas de dix-sept ans de Révolution marxiste-léniniste et qui jetait aussi les bases de la démocratie et de l’Etat de droit.
Tenue du 19 au 28 février 1990 à l’Hôtel PLM Alédjo de Cotonou, la conférence des forces vives de la nation a ouvert la voie à la démocratie au Bénin, voire en Afrique. Elle fait suite à la session conjointe des organes centraux de l’Etat, des 6 et 7 décembre 1989, qui avait, entre autres, décidé de la libération du pays de l’idéologie du marxisme-léninisme et de séparer le Parti de la Révolution populaire du Bénin (Prpb) de l’Etat, de la création d’une nouvelle structure gouvernementale.
En effet, le régime militaire qui s’est installé au pouvoir sous l’égide de Mathieu Kérékou à la faveur du coup d’Etat du 26 octobre 1972, faisait face à d’énormes difficultés socioéconomiques avec leurs corollaires de crises sociale et économique, grèves, mesures d’austérité, émeutes. Toutes choses qui ont fait capituler les révolutionnaires qui avaient pourtant promis de diriger le pays « dans la sagesse et la dignité ».
Sonnant le glas de dix-sept années de Révolution marxiste-léniniste soldées par de graves turbulences et un programme d’ajustement structurel (Pas), la conférence s’est déroulée sous la présidence de Mgr Isidore de Souza, alors archevêque de Cotonou. Ayant réuni près de cinq cents participants venant de toutes les couches socioprofessionnelles, de sensibilités politiques diverses et donc d’intérêts divergents, elle a jeté les bases d’un Etat de droit dans lequel « le pouvoir est service ».
Les participants se sont entendus pour demander que le pouvoir ne puisse plus être confisqué par quelques-uns pour l’écrasement des autres et pour proclamer sans ambiguïté la souveraineté du rassemblement et la force exécutoire des décisions, selon le rapport général présenté par Albert Tévoédjrè. Il est décidé que le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire soient clairement séparés, que la presse soit libre et responsable, que puissent s’exprimer et fleurir des mouvements associatifs, des coopératives dynamiques et productrices de biens. En somme, il était question « que les libertés fondamentales soient garanties pour tous et que nul ne s’arroge le droit de chosifier l’autre et de le mettre à genoux ».
Changement
La conférence nationale a décidé du changement, notamment d’une nouvelle Constitution qui sera soumise au référendum populaire plus tard, une loi fondamentale adoptée le 11 décembre 1990, qui consacrera un régime entièrement démocratique pour un développement fondé sur le travail, la liberté et la solidarité. Sous l’autorité du chef de l’Etat, Mathieu Kérékou, qui s’est montré assez ouvert, un gouvernement avec à sa tête un premier ministre unanimement désigné par la Conférence en la personne de Nicéphore Soglo, cadre de la Banque mondiale, est chargé de trouver les voies et moyens pour sortir de la grande crise qui sévissait. Pour ce faire, il a été jugé opportun de coupler au Pas, un programme national de redressement économique et social, comptant sur les ressources nationales, les organisations non gouvernementales, nationales et internationales, la diaspora.
Un Haut Conseil de la République est également institué pour, entre autres, « contrôler le suivi des décisions de la Conférence nationale ; exercer la fonction législative, notamment en matière budgétaire ; contrôler l’Exécutif ; superviser les élections législatives et présidentielles, ainsi que le règlement du contentieux électoral ; assurer l’accès équitable des partis politiques aux mass-médias officiels et veiller au respect de la déontologie en matière d’information ».
Une attention prioritaire devrait être accordée à l’éducation pour la formation générale, la formation à l’emploi, la formation du caractère et l’utilisation des ressources humaines pour atteindre l’objectif du développement.
Par ailleurs, les armoiries et le drapeau vert-jaune-rouge de la période du Dahomey seront repris au détriment des emblèmes de la République populaire du Bénin.
Au total, la Conférence nationale des forces vives a eu pour mérite de réconcilier la nation avec elle-même et de baliser le chemin pour la démocratie au Bénin, quoique les acquis restent fragiles.
Fière chandelle à Mgr Isidore de Souza
A la recherche d’un homme neutre et charismatique, le choix a été porté sur Mgr Isidore de Souza, pour présider la Conférence nationale des forces vives. A son corps défendant ! La providence l’a ainsi choisi pour faire de lui l’instrument qui a permis d’ouvrir la voie de la démocratie au Bénin et en Afrique.
« Ce fut pour moi une véritable expérience de l’audace de la foi, dans l’amour de l’Eglise et de mon pays en crise », témoignera celui qui deviendra plus tard président du Haut Conseil de la République, l’ancêtre de la Cour constitutionnelle du Bénin.
Pour avoir conduit les travaux de ce virage national sensible, avec tact et fermeté, il a montré ses qualités de fin diplomate, d’homme de conviction, mais aussi d’écoute et de concession. Les tentatives sans grand succès dans d’autres pays, avec des hommes d’église, pourtant de son rang sur le continent, montrent que cette figure ecclésiale avait quelque chose de particulier, une certaine onction qui lui a permis de canaliser les débats et de contenir les rivalités à peine voilées. Au-delà du devoir et de la responsabilité de citoyen et de chrétien accomplis, il a évité que des politiciens se servent de lui et de l’Eglise à des fins inavouées. Son œuvre est immense et à perpétuer.