Les députés ont adopté ce jeudi, la loi n°2019-11 portant renforcement de la gouvernance publique en République du Bénin dédouanant l’Etat de toute condamnation civile devant des juridictions pour des infractions économiques commises du fait des agissements d’un agent de l’Etat. Il revient à ce dernier de réparer désormais le préjudice subi par ses victimes.
Les agents de l’Etat dont les agissements causent des préjudices financiers à des personnes physiques et morales doivent s’apprêter dorénavant avec leurs co-auteurs ou complices éventuels à les réparer. La responsabilité civile de l’Etat ne doit plus être engagée. Autrement dit, la justice ne peut plus condamner l’Etat à faire face aux intérêts-civils des infractions commises par des fonctionnaires. Cette innovation est portée par la loi n°2019-11 portant renforcement de la gouvernance publique en République du Bénin adoptée par les députés ce jeudi 21 février. Les infractions économiques visées par cette loi concernent notamment les soustractions ou détournements commis par des agents publics ; la corruption des agents publics ; la corruption dans la passation des marchés publics ; la corruption des agents publics internationaux ; la corruption dans le secteur privé ; les infractions relatives à la direction, à l’administration et au contrôle des entreprises publiques et semi-publiques ; le trafic d’influence ; l’enrichissement illicite ; le délit d’initié ; l’abus de fonction ; l’abus d’autorité contre les particuliers ; l’abus d’autorité contre la chose publique ; la prise illégale d’intérêt et les délits de fonctionnaires qui se seront ingérés dans les affaires ou activités commerciales incompatibles avec leur qualité.
Le texte adopté hier pose le principe et fixe les conditions de la condamnation au profit de l’Etat des auteurs des agissements constitutifs d’infractions économiques qui auraient exposé ce dernier aux condamnations pécuniaires par les juridictions nationales ou étrangères, arbitrales ou non. L’article premier du texte dispose que : « Lorsque, en répression des infractions économiques, il est établi la culpabilité des personnes poursuivies, comme auteurs, co-auteurs, complices de ces infractions ou leur recel, la juridiction compétente : - décharge l’Etat de toute somme due au titre de contrats, protocoles, engagements et toutes conventions ayant servi de fondement, moyen, effet, résultat ou produit auxdites infractions. - prononce à leur encontre, à titre personnel ou à titre solidaire, toutes condamnations pécuniaires auxquelles l’Etat aura été exposé dans le cadre de procédures judiciaires, arbitrales ou non, auxquelles l’Etat est contraint à raison de tels agissements. – prononce toutes confiscations de leurs biens au profit de l’Etat ».
150 milliards F Cfa d’intérêts payés
Les condamnations visées supra ont un caractère provisionnel lorsque les contrats, protocoles, engagements ou conventions n’ont pas encore été annulés, retirés ou résolus ou que les procédures dans lesquelles l’Etat est engagé n’ont pas fait l’objet de décisions passées en force de chose jugée. Ces condamnations et confiscations s’étendent aux personnes physiques ou morales bénéficiaires de celles auxquelles l’Etat aura été exposé ou susceptible de l’être dans les cas susvisés ; lorsque leur participation comme auteurs ou complices aux agissements incriminés est établie, ou lorsqu’elles auront recelé ces infractions ou leur produit ou résultat ou à raison de toute collusion ou concussion, le tout sans préjudice des dommages et intérêts qui pourront également être prononcés, précise l’article 3 de la loi initiée par le député Robert Gbian. Ce dernier motive sa proposition de loi suite à son constat que l’Etat engloutit d’importantes sommes d’argent dans des condamnations civiles et autres réparations de préjudices causés à des personnes physiques ou morales du fait de certains agents publics. Les condamnations prononcées contre l’Etat de 2011 à 2016 par les juridictions nationales et étrangères, arbitrales et étatiques sont évaluées à plus de 150 milliards F Cfa. Lesquelles sont les effets induits des actes de corruption, de concussion, et de toutes formes de collusion d’agents et d’opérateurs privés, aux dépens de l’Etat.
Le texte vise donc à prévenir et tout au moins de réduire la saignée afin de permettre à l’Etat d’orienter les ressources financières vers les actions de développement du Bénin. Tout en reconnaissant la justesse du texte, le député Eric Houndété alerte que l’avènement de cette loi va faire fuir les hommes d’affaires qui éviteront de prendre des risques en signant des contrats et autres avec l’Etat désormais civilement responsable de rien.