Il était une fois des conteurs qui parcouraient les villages pour conter leurs histoires, à la nuit tombée. Au Bénin, de nouvelles initiatives perpétuent la culture du conte. Les jeunes suivent le mouvement avec entrain.
"Raconte-moi un conte" - Le 26 février, c'est LE jour pour raconter aux enfants des histoires qui font rêver, des histoires qui font peur, des histoires qui font rire... et des histoires qui font grandir. C'est en effet le jour du conte.
Si le conte a le privilège d'une journée dédiée, c'est parce qu'il a longtemps joué un grand rôle dans la tradition orale et qu'il apparaît dans toutes les cultures à travers le monde.
Le conte en scène à Adjrou'houé
Vêtu d'une longue tunique bleu roi, Mermoz Kossou, 14 ans, sautille sur une petite scène de théâtre. À côté de lui, son ami Coffi Anato fait teinter une cloche.
Les deux garçons récitent et jouent sur scène un des contes traditionnels béninois. Une trentaine d'enfants de cinq à douze ans retiennent leur souffle et applaudissent longuement à la fin de la pièce. Mermoz, le jeune acteur, quitte la scène avec fierté.
"J'aime m'amuser avec le public, quand je monte je suis très heureux."
Ce sont des scènes passionnantes qui se jouent à Adjrou'houé, le village du conte situé aux abords de la ville d'Abomey-Calavi, dans le sud du pays.
Ici, l'artiste et conteur Fidèle Anato entretient la tradition. Pas besoin pour cela d'un jour dédié au conte, comme celui qui est célébré chaque année le 26 février à travers le monde.
Tous les mercredis, Fidèle Anato invite les enfants du village à l'heure du conte. Le week-end, il organise des ateliers, des lectures et des spectacles avec de jeunes acteurs venus de toute la région et même de l'étranger.
L'initiative vise à remplacer ce qui faisait partie du quotidien, jadis, dans le sud du Bénin. À la nuit tombée, enfants et adultes se rassemblaient sur la place du village autour d'un conteur de passage pour écouter ses histoires. Et les parents et grands-parents transmettaient à leur tour les histoires aux enfants.
L'univers du conte
Aujourd'hui, Fidèle Anato ne veut pas seulement enthousiasmer une nouvelle génération d'enfants pour le conte, mais aussi renforcer le sentiment de communauté.
"Manger ensemble, boire ensemble, écouter un conte ensemble, c'est mieux que d'être chacun avec son smartphone, tout seul dans son coin et que cela renforce l'individualisme."
Les contes sont un univers en soi, explique encore Fidèle Anato. Raison pour laquelle ils ont une chance de survivre à la révolution numérique, selon lui.
"L'univers du réseau social est artificiel, celui du conte est vivant, émotif. Quand on fait de la sensibilisation pour dire 'il ne faut pas faire ci, il ne faut pas faire ça', dès qu'on fait un petit sketch, la personne capte."
Malgré l'euphorie du conteur, la concurrence de la télévision et d'internet reste grande, déplore Mensah Wekenon Tokponto, professeur de littérature allemande et éditeur d'un recueil de contes béninois et allemands.
"Le conte a perdu le rôle qu'il jouait il y a encore quelques décennies au Bénin, il ne suscite plus d'intérêt auprès de la jeunesse. Le gouvernement a fait l'effort d'Introduire le conte à l'école primaire. Tous les vendredis, une heure est consacrée au conte... peut-être !"
L'importance des langues locales
Pour rétablir la tradition, le germaniste envoie des étudiants dans les villages pour enregistrer les contes avant qu'ils ne disparaissent. Des contes racontés de préférence en langue locale, comme le fon.
"L'apprentissage et la narration d'un conte dans les langues locales sont aussi importants parce que la traduction fait perdre au conte certaines substances nutritives."
Au village du conte, Claudette Nongandé Zovedi est responsable de la bibliothèque. Pour l'enseignante de primaire, l'heure du conte le vendredi est une matière essentielle.
"Le conte relate ce que nous sommes, notre patrie, nos cultures, nos réalités. Donc à travers le conte, on sait qui on est, ensemble, et on se connaît mieux. C'est le rôle du conte."
Les contes ne sont pas seulement faits pour divertir, mais aussi pour transmettre, à travers leurs personnages tantôt humains tantôt animaux, un message et des valeurs comme le respect, l'honnêteté ou la solidarité.