L’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) est-elle devenue une association qui subit les affres de l’Exécutif et du pouvoir législatif pour se contenter juste de constater ? De toute façon, c’est ce que l’on constate depuis que le bouillant président Michel Adjaka a transmis le gouvernail à son successeur. Ainsi, face à des actes mettant en cause l’organisation, le fonctionnement et l’indépendance de la justice au Bénin voire les libertés au niveau du secteur, l’Unamab se limite juste à des communiqués “informatifs“ voire explicatifs. Aucune alerte ni action pour faire échec ou protester contre les projets de loi ou réformes…
Les magistrats béninois, à travers l’Unamab, pourront-ils encore faire fléchir le gouvernement ou les députés comme par le passé, chaque fois qu’il y aura menace sur les acquis démocratiques, l’indépendance de la justice ? Tant d’actes et faits laissent transparaître combien cette association a cessé d’être celle qu’elle était il y a encore quelques mois seulement. Et il faudra moins compter désormais sur l’Union pour mener des luttes pour la préservation des acquis et autres valeurs chères au peuple béninois. A titre illustratif, la loi N°2019-12 modifiant et complétant la loi N°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, adoptée par les députés jeudi, 21 février 2019 et rendue applicable pour compter du 1er janvier 2018. Une loi, qui, selon le bureau exécutif de l’Unamab, “menace gravement la structure du corps hiérarchisé de la magistrature déjà mise à mal par les violations répétées du principe de la préséance“. Seulement qu’ici encore, le bureau de l’Union nationale des magistrats a pris la peine de prendre connaissance du contenu de ladite loi avant son adoption. Chose curieuse, aucune alerte n’a été donnée sur la menace que constitue ladite loi. De plus, aucune action de protestation n’a été projetée voire organisée par les magistrats. « Après avoir pris connaissance et examiné ladite proposition de loi initiée par le deuxième vice-président de l’institution, le député Robert GBIAN, le Bureau Exécutif de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (BE/UNAMAB) a entrepris des démarches de plaidoyer à l’endroit de certaines autorités du Parlement dans le but d’attirer leur attention sur le danger que son adoption ferait planer sur l’indépendance et la crédibilité de la Justice. En dépit de ces démarches, les députés ont adopté, le jeudi 21 février 2019, la loi N°2019-12 modifiant et complétant la loi N°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, rendue applicable pour compter du 1er janvier 2018 » dénonce le bureau de l’Unamab, dans une déclaration publique vendredi, 22 février 2019. On a plutôt laissé faire. Lorsqu’on sait qu’avec Michel Adjaka, on aurait fait face à une forte mobilisation ou une marche de protestation pour alerter l’opinion publique, il faut simplement dire que tout s’est joué sur la passivité de l’actuel bureau. Et tout porte à croire que l’Unamab, ses observations seraient plutôt bonnes pour la poubelle. Comme à son habitude, le bureau de l’Unamab a une fois encore, dans sa déclaration, expliqué. « Cette nouvelle loi prévoit que la carrière des magistrats peut se poursuivre, hors hiérarchie, pour les magistrats âgés de 60 ans au moins et admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite. La catégorie hors-hiérarchie que la loi institue n’est accessible qu’aux seuls magistrats intéressés, à leur demande, sur décision du Gouvernement prise en Conseil des Ministres après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les magistrats retenus pour poursuivre leur carrière dans cette catégorie sont nommés à tous emplois juridictionnels ou non juridictionnels. Officiellement, la loi N°2019-12 vise à éviter aux juridictions en général et à la Cour Suprême en particulier, les difficultés de fonctionnement liées au départ à la retraite des magistrats. Pourtant, cet objectif eut été atteint par le relèvement à 65 ans de l’âge d’admission de l’ensemble des magistrats à la retraite, à l’instar des professeurs d’université, et ainsi d’ailleurs que le prévoyait le statut de la magistrature voté par la même législature, déclaré conforme à la Constitution et rétracté par une loi dite abrogatoire » lit-on dans la déclaration. Et au bureau de déceler des pièges dans ladite loi : « en réalité, la loi N°2019-12 permet au Gouvernement de s’attacher les services des seuls magistrats de son choix, avec le concours du Conseil Supérieur de la Magistrature dominé, en sa composition actuelle – telle qu’issue de la loi n°2018-02 du 04 janvier 2018 modifiant et complétant la loi organique n°94-027 du 15 juin 1999 relative au Conseil Supérieur de la Magistrature votée par la même législature – par les membres du Gouvernement et personnalités nommées par le chef de l’Etat. La rallonge de carrière instituée par la loi votée se révèle dès lors, in concreto, comme une prérogative discrétionnaire du Gouvernement dont bénéficieraient certains magistrats. A l’évidence, la loi N°2019-12 viole les principes essentiels de généralité de la loi et d’égalité des citoyens». Pour l’Unamab, cette loi est conçue pour inspirer aux magistrats en exercice la soumission et la docilité incompatibles avec la mission de juger tout en conviant les repêchés à un esprit de reconnaissance antithétique au serment du magistrat. « Cette loi-appât, inédite dans le concert des nations démocratiques, est indigne de notre histoire et de notre époque » fait constater le bureau qui regrette un recul civique et démocratique et déplore que la 7e législature, quoique finissante, soit demeurée le bras armé de l’inféodation des pouvoirs constitutionnels et de leur soumission au pouvoir exécutif. Seulement que ce n’est pas après que les dés sont déjà pipés qu’il faut porter tout ceci à l’attention du public. Et pour finir, “le Be/Unamab invite les magistrats, les acteurs de la justice ainsi que les citoyens épris de l’Etat de droit et de la démocratie à rester mobilisés pour la cause d’une justice indépendante, gage d’une paix individuelle et collective durable“. C’est désormais la conclusion habituelle des communiqués ou déclarations de l’Unamab qui, pour certains observateurs, ne peut que constater les faits et s’y soumettre. Certainement que l’Unamab cherchant à justifier son inaction actuelle, va brandir l’argument de contexte dû à l’envahissement du Scm par des allogènes (ce qui une facilité à la radiation de magistrats rebelles), et du retrait du droit de grève à certaines catégories d’agents de l’Etat. Mais cette union syndicale ne peut-elle pas, au-delà d’un simple communiqué, procéder autrement ?