C’est la joie mêlée de peur au ventre que les compatriotes de Yayi Boni ont appris la nouvelle de découverte de gisements pétroliers aux larges des côtes béninoises à la frontière Est. Si pour les uns, c’est une nouvelle qui réjouit, pour d’autres, elle suscite et mérite des réflexions car si on n’y prend garde, elle pourrait avoir des effets de boomerang à moyen ou long terme.
Quel Béninois ne voudrait-il pas sentir dans sa poche les retombées financières de la découverte de gisements pétroliers dans son pays ? Il est donc une lapalissade que toutes les sensibilités politiques, populations et autorités politico-administratives, veulent jouir des bienfaits de la manne pétrolière que la nature a offerte à leur pays. Seulement, il est à craindre que cette grâce divine ne se transforme en cauchemar pour les populations.
En effet, il est un fait que dans la plupart des pays qui ont découvert et commercialisent le pétrole, c’est à un cauchemar que les dirigeants soumettent, la plupart du temps, les populations par la manière dont cette manne divine est gérée. Ainsi, si au Niger en 2010, après avoir découvert des gisements importants d’uranium et de pétrole, le Président Mamadou Tandja a décidé de tordre le cou à la démocratie en mettant sous boisseau toutes les Institutions de la République, il ne faudrait pas que les Béninois subissent cette expérience de bas étage. Si c’est vrai qu’il a été découvert dans leur sous-sol maritime du pétrole. Encore qu’il faudra à Barthélemy Kassa, Ministre du sous-sol dont il se réclame et s’y engonce souvent, de remonter à la surface où se trouvent ses compatriotes pour se confondre à eux dans la gestion responsable de l’hypothétique découverte de gisements pétroliers qu’il a proclamée, urbi et orbi, au Palais du « Baron d’Ararouna » qui s’est pourléché les babines et s’extasié devant cette nouvelle pour le moins vraie ou fausse.
Il ne faudrait surtout pas donc que les dirigeants de la nation béninoise avec à leur tête le « Baron d’Ararouna » s’époumonent à faire comprendre aux Béninois que le Chef ayant fait découvrir le pétrole doit rester à la tête du pays même au delà du terme de son mandat constitutionnel au motif qu’il lui faut terminer ses projets entamés en pleine exercice de son second et dernier mandat présidentiel. Il ne faudrait pas que les thuriféraires du régime calamiteux qui est actuellement en place au Bénin se donnent le malin plaisir de se transformer en intermédiaires de mauvais alois pour amener le gouvernement à signer des contrats léonins avec des compagnies pétrolières qui ne sont qu’à la recherche du profit maximum. Il ne faudrait pas que des magnats du système sclérosé et dépité du pouvoir en place puissent se trouver subitement des aptitudes à devenir des exploitants pétroliers pour pouvoir dépouiller le peuple des retombées des ressources colossales qui pourraient ressortir de l’exploitation des gisements pétroliers sur les côtes béninoises si cela était réel.
Eviter la guerre !
Aujourd’hui, il est une réalité qu’en Guinée à la faveur de son avènement au pouvoir, le Président Alpha Condé a eu l’amère expérience de constater que ses prédécesseurs lui ont laissé des pots-pourris dans le dos qu’il s’est senti le devoir de mettre tout à plat pour pouvoir partir sur de nouvelles bases. Au Bénin, Yayi va-t-il tomber dans les mêmes travers que Lansana Conté et le fougueux et illuminé Dadis Camara qui ont plongé leur pays dans le chaos à propos de l’attribution des permis d’exploitation des gisements ferreux de Simandou en Guinée Conakry à l’homme d’affaire franco-israélien Beny Steinmetz ? (conféré Jeune Afrique n°- 2752 du 06 au 12 octobre 2013)
Si nous apprenons qu’au Bénin, la découverte des gisements pétroliers est l’œuvre de la compagnie Sapétro qui serait sud-africaine (!!!), il va falloir que le gouvernement prenne toutes les précautions requises pour sauvegarder à tout prix les intérêts du peuple béninois. Car, faire le contraire et ne penser qu’à préparer ou sécuriser ses arrières en contractant de façon frauduleuse avec la ou les compagnies pétrolières, ne ferait que nuire aux parties ayant contracté. La preuve en est que dès le 06 avril 2016 où un nouveau président doit, de toutes les façons, prendre quartier à la tête de la nation béninoise, ceux qui se seraient mis dans l’illusion d’avoir fait de bonnes affaires sur le dos du peuple n’auront leurs yeux que pour pleurer. Le pouvoir changera impérativement de mains, tel que prévu par la Constitution béninoise du 11 décembre 1990. Croire le contraire, c’est s’enfermer dans une tour d’illusions qui n’aurait ni tête ni queue et donc préjudiciable pour soi-même. Les compagnies pétrolières qui rôdent actuellement autour des gisements de l’or noir qui seraient de nos jours découverts sur les côtes béninoises ont doublement intérêt à être sur leurs gardes pour ne pas tomber dans les panneaux ignobles du pouvoir de Yayi Boni.
Encore qu’il faudra à toute épreuve éviter aux populations les cauchemars liés à l’éclatement d’une guerre suscitée de toutes pièces par les charognards du monde de la finance internationale dont les intérêts seraient menacés au moment de l’exploitation des gisements pétroliers des côtes béninoises. Le fait est remarqué et malheureusement observé dans les pays africains surtout en Afrique centrale où nous déplorons les guerres fratricides à des relents miniers. Les cas des Congo, en Afrique centrale, sont édifiants pour nous convaincre davantage de dire au « Baron d’Ararouna » et ses affidés de Barthélémy Kassa et consorts d’éviter au Bénin des situations difficiles à gérer lorsque l’on passerait à l’exploitation effective des gisements pétroliers si cela était vrai comme ils l’ont affirmé tout récemment. Et c’est d’ailleurs le vœu de la plupart des Béninois de ne vivre la catastrophique expérience de guerre civile qu’engendre souvent l’exploitation du pétrole dans les pays africains. Interrogés sur le sujet, ils expliquent que même si le pétrole est découvert au Bénin, dans l’intérêt supérieur de la nation, les dirigeants actuels doivent le mettre sous boisseau et se préoccuper de la grande et immense tâche qu’ils ont à refaire l’image du pays déjà très écorchée par leur méthode de gestion alambiquée et déshonorante. Ainsi, demandent-ils au « Baron d’Ararouna » et ses courtisans de mettre de l’eau dans leur vin pour se consacrer aux immenses tâches inscrites à leur agenda pour sortir le Bénin de la 174ème qu’il occupe dans le monde selon le Rapport Doing Business 2014. Au lieu de s’empêtrer dans des calculs politiciens dont raffolent le Roi avec son bouffon de thuriféraire qui se fait appeler Ministre du sous-sol. La préservation de la paix et de la stabilité de la jeune démocratie béninoise passerait par-là. Ils en sont aujourd’hui les garants et le peuple dans sa grande majorité les observe.
Emérico Adjovi
Eviter le piège pétrolier
Les autorités béninoises ont annoncé la semaine dernière, à cor et à cri, la découverte et l’exploitation imminente de pétrole dans le sud-Est du pays, non loin de la frontière nigériane. Selon Kevin Quenum, cette annonce, qui suscite de grands espoirs dans ce pays dont l’économie ne pèse guère plus de 7,3 milliards de dollars, a également de quoi inquiéter. Il est souhaitable, pour le Bénin, que les craintes exprimées dans cet article s’avèrent infondées à l’horizon de 2027, la date de la fin théorique de la concession d’exploitation du block 1 du champ pétrolifère de Sèmè à la compagnie nigériane South atlantic petroleum (Sapetro).
La vérité, hélas, est qu’en Afrique, le pétrole laisse généralement une forte odeur de brûlé avant même son exploitation, à cause des nombreux et colossaux enjeux financiers associés.
En juillet 2003, lorsque le Tchad est devenu exportateur de pétrole, de nombreuses voix avaient formulé l’espoir que la manne pétrolière serve enfin à sortir ce pays de la pauvreté et du cycle infernal de l’instabilité : les revenus nets attendus s’estimaient à 2 milliards de dollars nets par an et le pays avait fait voter une loi sur la gouvernance pétrolière, inspirée du modèle norvégien : une part importante des revenus pétroliers devait être mise de côté pour les générations futures.
Mais, confronté à une rébellion financée par le Soudan, le régime d’Idriss Deby Itno a allègrement et méthodiquement dépecé le subtil montage financier sous la houlette de la Banque Mondiale et de l’Union européenne, qui avait servi à financer les investissements initiaux préalables à l’exploitation.
Avec une facilité déconcertante, le pays a remis en cause les clauses-clés du modèle de développement imposé de l’extérieur et ce virage à 90 degrés a servi avant tout à financer l’effort de guerre…
C’est dire qu’à ce niveau déjà, le pétrole tchadien avait commencé à susciter des envies, même au-delà des frontières du pays…
Au Niger voisin, la découverte du pétrole avait donné des appétits au président sortant, Mamadou Tandja qui, dès 2008, lançait ses partisans dans les rues, pour réclamer un prolongement de son mandat à la tête du pays.
La suite, on la connait : Tandja croupit en prison, après une série de coups de force constitutionnels d’un homme qui s’était isolé de lui-même du reste de la classe politique, en rêvant d’un destin à la Bongo.
C’est que le pétrole, s’il est bien géré, peut être synonyme de prospérité et de croissance ; s’il est mal géré, il peut être aussi, hélas, source d’instabilité, voire de guerre civile.
Il attise des appétits au niveau des gouvernants, mais également au niveau des acteurs économiques. D’où l’impérieuse nécessité de règles de gouvernance en vue d’une gestion rationnelle et responsable des ressources pétrolières.
Ce qui vaut pour le Tchad, le Congo-Brazzaville, le Niger, voire le Nigeria, chacun de ces pays ayant connu diverses fortunes dans l’exploitation de la manne pétrolière, vaut également pour le Bénin, à l’orée de sa deuxième aventure significative avec l’or noir.
Il y a quelques années de cela, les Béninois, suspicieux, raillaient un gouvernement Yayi Boni comprenant un ministre du Pétrole, alors que le pays ne produisait pas une goutte d’or noir.
Il est permis de dire, à la lumière des derniers développements, que Yayi Boni avait une certaine vision.
Son pari aura payé, car après moult incertitudes et revirements, la société nigériane – et non sud-africaine, comme certains médias officiels se sont complaisamment amusés à le dire – a en effet annoncé officiellement la semaine dernière son intention de commencer l’exploitation du pétrole dans le bassin sédimentaire côtier béninois et le démarrage imminent de la phase d’exploitation.
Ces derniers évènements méritent un certain éclairage.
D’un côté, il y a évidemment, au niveau des Béninois, cette même tendance à entourer les bonnes nouvelles d’un halo de mysticisme, avec cette sempiternelle évocation de Dieu ; il y a aussi, une exploitation, au plan communicationnel. On a ainsi entendu le ministre béninois de l’Energie, Barthélémy Kassaï, saluer « un jour mémorable » qui marque l’entrée officielle du Bénin dans le cercle des pays producteurs et exportateurs de pétrole, alors que le pays avait déjà produit du pétrole, vers la fin des années 1970.
Après la communication, les réalités.
South Atlantic Petroleum Limited (Sapetro) annonçait le 1er janvier dernier l’acquisition du bloc 1 d’exploration pétrolière sur le champ de Sèmè ; un mois à peine plus tard, le groupe nigérian annonçait avoir découvert du pétrole !
Selon des spécialistes consultés par Afrika 7, « l’affaire ne sent pas que du pétrole. Elle sent aussi un potentiel délit d’initié. »
Autre problème : de nombreux spécialistes doutent que le Bénin, qui a abandonné l’industrie pétrolière pendant de nombreuses années et n’a franchement pas la même expertise que des pays traditionnellement pétroliers comme le Gabon ou le Nigeria, soit suffisamment outillé pour négocier un contrat sérieux avec l’ogre nigérian, Sapetro, qui non seulement est soutenu par de solides techniciens, mais aussi par les pouvoirs publics nigérians.
La société a en effet été fondée par un général de l’armée nigériane, Theophilus Yakubu Danjuma, chef d’état-major de l’armée nigériane, de juillet 1975 à octobre 1979.
Il a également été ministre de la Défense sous Olusegun Obasanjo, dont les accointances sont bien connues avec le président béninois, Yayi Boni.
Il est aujourd’hui 24e sur la liste Forbes des 40 personnalités africaines les plus riches, avec des actifs nets estimés à 600 millions de dollars (285 milliards de Francs Cfa).
Son épouse, la sénatrice Daisy Ehanire Danjuma, très présente dans les médias béninois ces derniers temps, est la vice-présidente exécutive de Sapetro.
Elle est diplômée en droit de l’Université Ahmadu Bello de Zaria, avec plus de 35 années d’expérience.
Elle a commencé sa carrière en tant que conseillère au ministère de la Justice de l’Etat de Lagos, avant de travailler pour la banque d’investissement nigériane Acceptations Ltd (Nal). Elle a passé les dix années suivantes en tant que Conseillère juridique à la Nigerian Television Authority (Nta), avant de passer dans le privé. De 1999 à 2003, elle a aussi occupé le poste de présidente de Sapetro.
La sénatrice Danjuma est ancienne élève de la Lagos Business School, membre de l’International Bar Association (IBA), de l’Association du Barreau nigérian (Nba) et de la Fédération internationale des femmes juristes (Fida).
C’est dire si les Béninois ont affaire à une redoutable avocate, doublée d’une femme d’affaires rompue aux techniques de négociations de contrats pétroliers, forte de l’expérience de son groupe au Nigeria, au Mozambique et à Madagascar.
« Il est à ce titre indispensable pour le gouvernement du Bénin de bien s’entourer et d’éviter de signer n’importe quoi », avance Mark Flemming, analyste à la City de Londres, interrogé par Afrika 7.
De fait, des membres de la société civile béninoise invitent également le gouvernement à faire preuve d’un maximum de transparence, pour éviter des retours de manivelle douloureux.
Un syndicaliste a ainsi partagé son analyse avec Afrika 7, sous couvert de l’anonymat : « Dans ce genre de contrat, il y a toujours des dessous de table, quel que soit le discours des parties. La présomption de dessous de table est d’autant plus forte que ces transactions se feront, pour l’essentiel, entre une société du Sud, opérant dans un pays à la réputation de corruption bien établie, et un gouvernement, lui aussi du Sud, qui en dépit des agitations de son chef, n’a pas fait de preuves palpables dans la lutte contre la corruption. »
Il est vrai que les chiffres du nouveau projet pétrolier de Sèmè ont de quoi donner le tournis.
En tout, ce sont 197 millions de barils qui ont été repérés sous le sol béninois, dans la zone de Sèmè, par les Géo Trouvetrou de l’est.
Cela équivaut, au prix actuel du baril de pétrole (97.93$), à la manne de 19,2 milliards de dollars (environ 12.000 milliards de Francs CFA), que doivent se partager l’Etat béninois, la société Sapetro et divers autres intermédiaires intervenant dans la chaîne logistique du pétrole, notamment au niveau de l’exploration, de la production, du trading et du transport.
« Cela équivaut à près de trois fois la valeur de l’économie béninoise et vous imaginez bien le niveau des enjeux. Ils sont tellement colossaux que dans les Etats à faible gouvernance, ils entrainent tout de suite l’instabilité », explique encore Mark Flemming.
« Il suffit qu’un futur gouvernement béninois remette en cause les accords signés avec Sapetro pour que cette société, surtout qu’elle détient l’exclusivité de l’exploitation des blocs concernés, cherche à le déstabiliser, en organisant, dans le meilleur des cas, un coup d’état ; dans le pire des cas, en suscitant une guerre civile. Cela s’est vu ailleurs dans le monde. Les guerres civiles en Angola, et même au Nigeria, ont toutes eu un arrière-goût de pétrole », soutient encore notre interlocuteur.
Et de préciser : « Dans le monde francophone, la forte dépendance des gouvernements vis-à-vis de la métropole a rendu difficiles les entreprises de déstabilisation : tant que l’homme fort du moment respectait les règles du jeu, son pouvoir était protégé par la puissance de feu de l’armée française. Mais à la moindre velléité d’indépendance, votre gouvernement tombait. »
Autre danger qui pointe à l’horizon : la tentation du séparatisme. Dans ce pays aux apparences de stabilité prononcées, il s’était déjà trouvé des gens pour rêver d’une sécession du Nord, l’un des poumons économiques du pays, grâce au coton – la fameuse République de l’Atabor y a fondé une partie de sa rhétorique.
Comme dans le delta du Niger, si proche du Bénin, il n’est pas exclu que l’ancienne province de l’Ouémé redécouvre soudain, comme au milieu des années 1980, qu’elle est l’alpha et l’oméga de l’économie béninoise. En 1980, cela pouvait se dire sans être suivi d’action.
Dans le contexte de 2013, marqué par la piraterie et les nombreuses revendications à caractère ethnique et identitaire, l’action, dans ce qu’elle comporte de plus aléatoire et détestable, semble être le maître-mot, en l’absence d’une bonne gouvernance.
Le Bénin n’en est pas encore là. Mais de la coupe aux lèvres, il n’y a qu’un pas…
Evidemment, le risque le plus imminent est sans doute celui d’une confiscation du pouvoir par la classe dirigeante actuelle.
Déjà que sans le pétrole, de forts soupçons de velléités de confiscation du pouvoir pesaient sur le régime de Yayi Boni, toute nouvelle maladresse ne manquera pas d’alimenter les débats sur la question…
La découverte de l’or noir dans les champs pétrolifères de Diffa, au Niger, avait quelque peu enivré l’ancien président Mamadou Tanja, au point qu’il s’était accroché au pouvoir, en dépit du bon sens, avant de s’en voir chassé de manière fort peu reluisante…