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Catastrophe sociale et environnementale à Adjohoun : SOS, sauver ‘’Kodé’’ du dragage de sable

Publié le vendredi 1 mars 2019  |  Matin libre
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© aCotonou.com par DR
Photo d’illustration- Une Partie de la Vallée du fleuve Ouémé à Adjohoun.
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Le village de Kodé, ainsi que plusieurs autres, sur les rives du fleuve Ouémé, dans la commune d’Adjohoun est menacé. L’extraction de sable continental semble sonner l’apocalypse de ce village qui présente des signes précurseurs d’une catastrophe environnementale imminente. Les conséquences écologiques de cette activité sont lourdes pour ces localités, avec pour corollaires, l’érosion de la berge, l’effondrement des habitations, etc.

Le dragage de sable continental dans le fleuve Ouémé perturbe la quiétude des populations de Kodé et de plusieurs autres dans la commune d’Adjohoun. Agué kpota, Akpadanou, Gouké, kodé kindji, kodé Tokplavi, Tovê tâ, Abatô, Ahouandjinnanfon, Anamè Allanzoumè 1, Adamè, Démé, Agoungoun sont entre autres villages de ladite commune qui subissent les affres de l’érosion des berges et de la fragilité de la biodiversité. Selon l’historique des faits rapportés par Léonard Dansou (Kodé Agué) et Nestor Ahoton, membre de l’Association des personnes du troisième âge, tout a commencé en 2011, quand pour ses besoins en sable, la société, en charge de la construction de la voie bitumée traversant Adjohoun, a convoqué la population à la maison des jeunes pour solliciter l’exploitation du sable de la lagune, contre une redevance de 5000 F Cfa par voyage de sable, répartie comme suit : 3000 F Cfa dans les caisses de la mairie et 2000 F Cfa affectés directement à la population pour ses besoins de réalisation d’infrastructures sociocommunautaires. Ce qui fut concédé. Seulement, peu de temps après et contre toute attente, l’administration communale d’alors aurait décidé que les 2000 F Cfa soient aussi affectés à la caisse de la mairie. Ce qui, bon gré, mal gré, aurait reçu l’approbation de la population. La raison évoquée était que l’arrondissement de Kodé manquait cruellement d’infrastructures sociocommunautaires (adduction d’eau villageoise, salle de classe…). A l’arrivée, rien ne sera finalement fait. Pourtant, le sable continue d’être exploité. De ce fait, une association de développement local de Kodé a décidé de collecter désormais les redevances (tickets) qui revenaient de droit à la population pour des réalisations dans chaque village de l’arrondissement. Une fois de plus, cela n’a pas prospéré, c’est toujours le statu quo. Ce son de cloche reste le même du côté des femmes rencontrées dans le village de Ahouandjannafon : «On ne prélevait pas de sable ici, c’est à Kodé», font-elles remarquer. Selon leur récit, la berge était bordée de sable marin. C’était un espace d’activités humaines (buanderie, séchoir, baignade…) et surtout de jeux pour les enfants. Malheureusement déplorent-elles, avec l’exploitation massive du sable, la lagune est devenue très profonde (désensablement). Tout l’espace a disparu et les Sökö (terre de la berge) se sont effondrés. La lagune est devenue plus large et plus profonde, rapportent-elles et de poursuivre : «Les maisons tombent et s’écroulent dans la lagune. Or, ces maisons étaient très distantes de la lagune. Nos enfants et les personnes âgées meurent par noyade. Tout ceci est créé par le désensablement massif et incontrôlé », rapportent-elles. Et de poursuivre : «Quelqu’un a perdu complètement son champ», se désole l’une d’entre-elles. « Finalement, nous-nous sommes rendus compte que les dégâts causés par cette exploitation du sable sont plus importants que les taxes prélevés par nos autorités communales. Vivement, nous exigeons la cessation pure et simple de l’exploitation du sable de la lagune et aussi dans toute la zone », concluent-elles.
Le modèle économique



Après le départ de la société, le dragage du sable est devenu une activité des natifs du milieu. Ces derniers entrent dans la lagune et à l’aide de paniers, prélèvent le sable en vue de remplir leurs pirogues. Une fois la pirogue remplie, celle-ci est conduite à la rive et se vend en moyenne à 500 F Cfa. Avec une estimation de 20 « tours » de pirogues par homme/jour, un exploitant peut se faire un gain journalier de 10 000 F Cfa.

De la rive, les femmes (pour la plupart), se chargent du convoyage du sable extrait vers le lieu du chargement pour le camionnage. La mairie prélève une taxe de 4000 F Cfa et 2000 F Cfa par chargement de sable respectivement pour les camions de 10 roues (10m3) et 06 roues (06m3). Parallèlement, l’association de développement local prélève aussi 1000 F Cfa et 2000 F Cfa … Le focus groupe interviewé, a pu dénombrer plus d’une vingtaine (20) de carrières de sable dans la commune d’Adjohoun. Au nombre de celles-ci figurent entre autres, Agué kpota, Akpadanou, Gouké, Kodé Kindji, Kodé Tokplavi, Tovê tâ, Abatô, Ahouandjinnanfon, Lanzoumè, Adamè, Démé, Agoungoun, etc. Une carrière produit en moyenne 15 voyages de sable de 10 roues par jour. En estimant à 5 jours d’exploitation par semaine et à 4 semaines de travail dans le mois, il en ressort une exploitation 60 000m3 de sable par mois dans la commune d’Adjohoun.

Des conséquences



Les conséquences du dragage de sable dans la commune d’Adjohoun sont de plusieurs ordres.

Au plan environnemental

Avec le temps, on note une prolifération des carrières dans la commune notamment dans l’arrondissement de Kodé. C’est ainsi que la modification de la topographie du fond fluvial, induit des changements qui agissent à leur tour sur le régime sédimentaire de la zone d’extraction. On assiste ainsi à l’érosion des berges. «Elles évoluent de façon régressive à partir des excavations créées»

Sur le plan éducatif et social

Le secteur éducatif est également affecté par le dragage du sable. On assiste à l’abandon des classes au niveau des écoliers. Nos enquêtes nous ont en effet permis de constater que pendant la saison pluvieuse, les camions de ramassage de sable détruisent les voies et les rendent très impraticables. Ce qui ne permet pas aux apprenants de rejoindre facilement leurs écoles. La boue remonte au genou pour certains écoliers. Beaucoup y tombent et perdent leurs fournitures scolaires. Par manque de moyens financiers, certains parents n’arrivent plus à les leur renouveler. Et c’est la déscolarisation qui s’en suit. Par ailleurs, les pertes en vies humaines sont légions. L’année 2018 a, à elle seule, enregistré plus de cinq pertes en vies humaines dues au dragage de sable. C’est le cas par exemple de l’élève en classe de terminale au Ceg de Dangbo, Abel Zannoukpèvi qui, venu en week-end chez ses parents, a perdu la vie par noyade. Ce dernier ignorait en fait que la lagune était devenue si profonde. Ce fut également le cas avec Sébastien Médéhou Ahoton, confia son grand-père. «C’est difficile pour nous personnes âgées de solliciter les enfants pour nous apporter de l’eau. Ces derniers refusent. Et, je leur trouve raison. Ce qui d’une manière ou d’une autre déteint sur la norme sociale de respect du jeune envers les adultes», confia «Dah houègounon ancien chef village de kodé Akpô».

Il faut agir !

Face au désastre causé par le dragage, les populations riveraines n’ont pas manqué d’initiatives. Les sages de Kodé se sont réunis pour décider de la fermeture des carrières où se mènent les activités humaines. Ceci a reçu l’approbation du chef de village Emmanuel Ahoton et du chef d’arrondissement Marcellin Oussou. Mais l’administration communale s’y est opposée, selon les révélations de Fadégnon Zannou kpévi, ancien délégué de Kodé Mankan. Les raisons évoquées seraient que les carrières de sable représentent la seule source de revenu de la mairie. Pourtant, l’urgence est là, têtue. Des vies sont, en permanence, menacées. Pourquoi ne pas observer la fermeture des carrières de sable ne serait-ce que pour 02 ans (période d’observation) telle que préconisée par les populations ? Déjà que la situation a connu une évolution dans le village de Gangban. Les carrières y sont en effet, déjà fermées. En témoigne la plaque à l’entrée dudit village. Aussi, « ne faudrait-il pas une étude d’impact environnemental préalable afin d’atténuer les différents types d’impacts, ou de proposer d’autres alternatives moins dégradantes ? », s’interroge Adifon Fiacre, secrétaire du Réseau béninois d’excellence sur la gouvernance foncière en Afrique (Rébelga). Il invite les Ong spécialistes de cette thématique à faire des actions de lobbying.



Thomas AZANMASSO
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