Jadis fréquentés par des internautes de toutes les classes, y compris les cybercriminels ‘’gayman’’ et les mafieux qui renflouaient leurs caisses, les cybercafés béninois traversent une période de vaches maigres.
«Ça ne marche plus comme avant mais on continue de garder l’espoir que la situation va changer un jour. Que peux-tu faire avec 7 000 FCFA par jour si on va payer le loyer, l’électricité, les taxes, les salaires et les frais de réparation des ordinateurs», s’est interrogé Hyppolite Djossou, l’administrateur de cyber ivoire, situé au quartier Aîdjedo à Cotonou.
«Au moment où l’on parle, la facture d’électricité est déjà arrivée avec le montant de 90 000 FCFA. C’est grave», a-t-il ajouté.
Crainte de naviguer
«Les cybercriminels ont tué notre business parce que les gens ont maintenant peur de venir naviguer par crainte qu’ils seront arrêtés par la police si on fait un ratissage ici. le problème est que quand les policiers entrent, ils ne distinguent pas qui est
un ‘’gayman’’ de qui ne l’est pas. On vous embarque tous», a affirmé le gérant de cyber ivoire.
Au mois de mars 2018, la police béninoise avait lancé une chasse sans merci contre les ‘’gayman’’ dans la ville de Cotonou, ratissant plusieurs cybercafés et arrêtant des dizaines d’internautes, y compris des présumés cybercriminels. Cependant, si ces opérations policières étaient saluées par bon nombre de citoyens, d’autres par contre les avaient fustigées.
«Moi je refuse de dire que les ‘’gayman’’ ont détruit les cybercafés, c’est la police qui nous a foutu dans la merde et nous a mis au chômage», a martelé Richard Akuehonou.
«Après ces évènements, nos recettes avaient systématiquement chuté, nous sommes passés de 25 000 à 6 000 et puis 3 000 FCFA par jour. et puis rien. Donc nous étions obligés de fermer les portes. Nous, on gagnait bien nos vies. Maintenant on va faire quoi ?»
À cause du climat de triomphalisme et d’enthousiasme qui y régnait et les foules, il était difficile de détecter les ‘’gayman’’ en action.
«Comment vas-tu savoir que celui-ci est un cybercriminel et l’autre-la ne l’est pas ? Ce n’est pas notre travail. Nous, on est là, on voit un gars qui vient et ouvre un compte avec 10 000 francs du coup pour naviguer. Nous, on veut de l’argent car ce qu’il fait à son poste ne m’intéresse pas», a poursuivi Richard Akuehonou.
«C’est vrai que ces arnaqueurs ont détruit la vie de beaucoup de gens et ils méritaient d’aller en prison mais la police pouvait chercher un autre moyen de les arrêter plutôt que de venir salir la réputation des cybercafés comme étant des lieux de crime organisé», José Loko, un internaute qui depuis a déserté les cybercafés et fait ses recherches à la maison à l’aide d’une tablette.
«Je ne mets plus mes pieds dans ces lieux de peur d’être arrêté. Jamais. Les prisons sont remplies de gens innocents».
Smartphones
Si l’avènement des smartphones a aussi bousculé le règne des cybercafés, la baisse du prix du forfait d’internet par les compagnies de téléphonie enrage aussi Hyppolite Djossou.
«Avec ça beaucoup d’internautes ont la facilité de naviguer à la maison plutôt que de risquer leurs vies dans les cybercafés. Si on peut revoir les prix du forfait à la hausse, nous on peut respirer encore», a-t-il ajouté.
En vue de diversifier leurs revenus, certains cybercafés servaient aussi de centre de formation où les élevés apprenaient l’informatique. Mais avec le déclin de ces lieux, le rêve de ces élèves d’avoir une certaine maîtrise de l’informatique s’est brusquement volatilisée.
«L’Afrique est la région du monde qui a le plus à gagner de la révolution numérique. Les nouvelles technologies peuvent en effet permettre aux pays africains de s’affranchir du processus de développement traditionnel pour sauter des étapes et accélérer leur croissance économique, mais aussi de gérer leurs ressources plus efficacement et d’étendre l’accès aux services essentiels même aux populations les plus vulnérables», dixit la banque mondiale en avril 2018.