Les lignes ont bougé. Fait rarissime, Patrice Talon a fléchi. C’est lui-même en personne qui a proposé une issue de sortie de crise. Comme un bon père de famille, il use tantôt de la carotte tantôt du bâton. Il est important de le souligner, le chef de l’Etat a démontré hier qu’il sait se braquer mais lâcher du lest lorsque les circonstances l’exigent. Le lundi 25 février dernier, en présence des forces de l’opposition, il est resté ferme et rigide. Hier, mercredi 5 mars au cours d’une rencontre élargie à toute la classe politique, il s’est montré flexible et même préoccupé par la situation. Les oiseaux de mauvais augure qui ont prédit une issue malheureuse à cette séance ont eu tort. Certes, on n’est pas encore sorti de l’auberge, mais il y a des éléments qui prêtent à l’optimisme. Même en l’absence des principaux partis d’opposition, des pistes de solution à l’impasse qui se profilait à l’horizon ont été proposées.
« Je suis disposé à toutes les concessions, à toutes les exigences compatibles avec la loi et la constitution », a martelé d’emblée Patrice Talon pour qui, si consensus il y a, que cela soit consacré par une loi. C’est pourquoi le chef de l’Etat propose à ses vis-à-vis, législateurs pour la plupart, d’accorder leurs violons afin que des solutions pratiques et efficaces soient trouvées aux difficultés actuelles. « Je voudrais espérer qu’à partir de ce soir ou demain jusqu’au mardi au plus tard, vous allez être en mesure de nous faire des suggestions, prendre des décisions parce que vous en avez les prérogatives. Au besoin, s’il faut que l’Assemblée nationale aille en séance extraordinaire pour proposer des mesures nous permettant d’atteindre les objectifs tout en respectant les lois actuelles ou les lois de demain ou d’après demain, ce serait salutaire pour nous tous et nous allons partager le mérite ».
Avec du tact et de la finesse, le chef de l’Etat a renvoyé la patate chaude au parlement. Puisque c’est dans cette enceinte que les réformes ont été validées, parallélisme des formes oblige, il faut encore que les blocages de l’heure soient levés en ce même lieu. C’est dire que ceux qui ont consenti à voter la loi dont l’application cause tant de soucis sont à même de trouver la formule pour faire avancer la chose. Au terme de cette rencontre boycottée par l’opposition, il est attendu de la 7ème législature qu’elle légifère en urgence. Enfin, le consensus tant réclamé par une partie de la classe politique est sur le point de naître. Il ne reste plus que les députés, notamment ceux du Bloc de la majorité parlementaire (Bmp) et qui sont d’ailleurs les plus nombreux qui ont validé les lois qui sont sources de difficulté aujourd’hui, soient sur la même longueur d’ondes que le chef de l’Etat. Le sacrifice et les compromis exigés par Patrice Talon doivent prioritairement provenir de leur camp.
S’il faut quitter cette étape pour parvenir à un nouveau blocage, cela n’en vaut pas la peine. C’est pourquoi cette fois-ci, si les députés sont disposés à faire en sorte que les choses bougent, qu’ils le fassent vite et bien. Au point où on est, le sérieux et la pertinence des actes à poser doivent être de mise. Les délais sont courts, très courts. Lundi ou mardi au plus tard, la situation doit pouvoir être décantée. La finalité étant que les prochaines élections soient véritablement inclusives. La démocratie si chère aux Béninois a un prix et il faut être disposé à le payer. Sinon, on glisse sournoisement et maladroitement vers la pensée unique. Il est déjà annoncé ce jour la tenue de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Les contours du consensus tant attendus seront esquissés sur les plans juridique et politique. Et on pourra voir par la suite à quoi cela va ressembler.