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Impasse électorale au Bénin: La commission des lois divisée sur les 2 propositions de lois, le Prof Dandi Gnamou réagit et propose une porte de sortie

Publié le mercredi 27 mars 2019  |  L`événement Précis
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© aCotonou.com par Didier Kpassassi et Didier Assogba
Pr Dandi Gnamou, Première femme agrégée des facultés de droit au Bénin , conseiller à la cour suprême
Cotonou le 17 Juillet 2018. Huit dossiers ont été inscrits au rôle de l’audience publique de ce mardi 17 juillet a la cour constitutionnelle
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Des sources proches de la commission des lois de l’administration et des droits de l’homme de l’Assemblée nationale, l’étude des deux propositions dérogatoires et modificatives des lois électorales ne s’est pas déroulée dans les conditions consensuelles telles qu’exigé à l’article 2 du protocole A/SP1/12/01, de la Cédéao sur la démocratie et la bonne gouvernance. Selon ledit article, « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (06) mois précédant les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. » Les divergences notées par la commission lors de ces travaux sont de divers ordres. Le premier est relatif à la proposition de loi dérogatoire à la charte des partis politiques soumise à l’étude des députés, qui n’est pas celle validée par le comité paritaire, ni le fruit des réflexions concertées des acteurs politiques engagés dans le processus électoral. Les commissaires estiment que, vu sous cet aspect, cette proposition est l’expression d’un défaut de consensus que la commission ne saurait rechercher. Le deuxième point de désaccord est relatif aux deux textes en étude. Certains députés sont pour l’étude et l’adoption des mesures dérogatoires aux lois 2018-23 portant charte des partis politiques et 2018-31 portant code électoral, tandis que d’autres suggèrent leur abrogation au profit des deux anciennes lois. La troisième forme de divergence concerne ceux qui soutiennent que les problèmes posés par la charte des partis politiques ne proviennent pas de la loi, mais plutôt de son application. Les auteurs de cet argumentaire trouvent que les solutions aux difficultés notées sont d’ordre administratif et non législatif. Pour eux, le retour aux anciens textes apparaît comme un recul inacceptable. Au regard de toutes ces divergences, la commission des lois a choisi de se rabattre sur la plénière qui, dit-on, est souveraine.

Le consensus, s’il n’est trouvé en commission, le sera-t-il en plénière ? Puisque les politiques feignent d’apporter la solution qui s’impose, il appartiendra certainement à la Cour constitutionnelle de le faire si elle est saisie.

Dandi Gnamou donne raison à Patrice Talon

Professeure titulaire de Droit public et agrégée des facultés de droit des universités, Dandi Gnamou intervient dans le débat politique fait de conciliabules de toutes sortes autour des législatives du 28 avril prochain. Sur la chaine de télévision Canal 3 Bénin ce mardi 26 mars, elle estime que la balle est dans le camp des parlementaires, rejoignant la position du chef de l’Etat Patrice Talon. En effet, « je n’ai pas le pouvoir de suspendre le processus, ni de décider qui va aux élections et qui n’y va pas…, » avait déclaré le président de la République lors de sa rencontre avec la classe politique, confiant de suite la situation au président de l’Assemblée nationale. Dans son intervention, la professeure affirme qu’on ne peut pas dire qu’il y a un blocage sur le plan juridique en ce qui concerne les législatives du 28 avril prochain. « Peut-être quelques frictions au plan politique, mais pas de blocage », observe-t-elle estimant que des lois existent et sont en application. Aucune autre loi n’est en conflit avec elle, donc pas de blocage.

Dans son développement, Dandi Gnamou dit ne pas pouvoir jurer de la possibilité ou non de revoir la charte des partis et le code électoral. Pour elle, la loi se fait avec l’accord des députés et c’est eux seuls qui en détiennent la légitimité. Or, fait-elle constater, le rapport de la Commission des lois fait état d’un défaut de consensus. Aussi la Commission demande-t-elle au bureau de l’Assemblée de soumettre les textes dérogatoires sur lesquels elle a travaillé, à la plénière. Mais, sur ce, elle pressent que le même défaut de consensus se prolongerait à la plénière.

Une Assemblée nationale, poursuit-elle, n’adopte des lois qu’avec l’accord de la majorité de ses membres. « C’est aux députés de prendre la décision qu’on modifie ou qu’on ne modifie pas les lois », ajoute-t-elle. Là-dessus, la professeure objecte que c’est à tort que certains invitent la Cour constitutionnelle à se saisir du dossier pour prescrire une solution aux acteurs. Car, explique-t-elle, le pouvoir régulateur de la cour ne se met en œuvre que lorsqu’il y a blocage institutionnel, conflit entre pouvoirs d’Etat ou pour protéger certains droits d’un des pouvoirs constitutionnellement établis. Ainsi, le président de l’Assemblée nationale ne peut saisir le président de la Cour sur cette question sans préciser quel blocage il lui soumet, quel blocage entre institutions il y a.

Précisément ici, relève Dandi Gnamou, le problème se pose au sein de l’Assemblée nationale, donc il est propre à cette institution et on ne peut pas demander en l’espèce à la cour, en l’absence de blocage institutionnel, de venir réguler alors que sur le plan strictement juridique, il n’y a pas de blocage. De même, récuse-t-elle, on ne peut demander à la Cour de proroger le mandat des députés car ce n’est pas de son ressort et que la cour ne saurait procéder à l’allongement du mandat législatif établi par la Constitution sans courir le risque de prétendre être détenteur du pouvoir constituant. « Cela n’est pas défendable pour moi car j’ai fait la plupart de mes travaux sur le fait que la Cour constitutionnelle ne peut pas être un pouvoir constituant. Cela, je l’ai dénoncé comme certains de mes collègues, y compris le professeur Aïvo ». « Ce n’est donc pas maintenant que nous allons accepter que le juge constitutionnel se mette dans une posture de substitution au peuple, de substitution aux députés qui sont là…, » précise la professeure. Elle ajoute que « c’est d’autant plus grave que si on lui permettait cela, rien n’empêchera qu’un jour le juge constitutionnel décide de proroger le mandat d’un président de la République. C’est l’Assemblée seule qui peut décider d’allonger le mandat des députés. Encore faudrait-il qu’elle le veuille ».

Dandi Gnamou propose une porte de sortie

Pour sortir de cette impasse, la professeure évoque essentiellement deux possibilités. D’abord que les députés décident de modifier l’article 80 de la Constitution pour prolonger leur mandat de quelques mois, 3 par exemple, le temps pour les partis qui ne sont pas à jour de se mettre en conformité vis-à-vis de la Charte des partis politiques. A cet effet, dit-elle, on peut comprendre que ceux qui ont voté la charte veuillent qu’on la respecte… et peut-être qu’au niveau de la Céna, on laissera le temps à ces partis de revoir leur copie. « Sur le plan juridique cela est bien valable ». On notera, souligne-t-elle, qu’en 2006, en invalidant la révision opérée par les députés, la cour a épinglé le défaut de consensus. Et en 2011, la cour n’a pas considéré la durée du mandat des députés comme une des options fondamentales de la Conférence nationale. Si les députés ne veulent pas aller dans le sens de la révision et en l’absence de consensus, on revient à la légalité qui prévaut actuellement, c’est-à-dire celle de la charte des partis et du code électoral en vigueur…Pour Dandi Gnamou le débat actuel s’apparente à une façon de demander aux partis en règle, qui peuvent considérer qu’ils ont bien fait leur travail, d’aider ceux qui ne le sont pas. Encore qu’au début du processus, si on fait bien attention, il n’y avait pas de parti d’opposition. Mais, précise-t-elle, sur le plan politique, la voix du dialogue peut permettre d’avoir une solution politique.

Mais sur le plan juridique, c’est la charte des partis et le code électoral en vigueur qui devront s’appliquer tant qu’ils n’ont pas été modifiés. La professeure estime que le chef de l’Etat ne peut même pas décréter qui va aux élections et qui n’y va pas. Cela n’est pas possible. « Force doit rester à notre système constitutionnel et à nos lois tant que les députés ne prennent pas les dispositions pour modifier les lois en question », conclut Dandi Gnamou.



Fidèle KENOU et Yannick SOMALON
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