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Opinion : Aimer le Bénin, c’est intégrer le Parti du Renouveau démocratique

Publié le jeudi 28 mars 2019  |  aCotonou.com
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© Autre presse par DR
Bureau de vote aux élections municipales et communales
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Cette assertion m’est inspirée par l’indignation suscitée en moi suite à l’affirmation, devant la plus haute juridiction de notre pays, par un citoyen selon laquelle le PRD serait dans le faux depuis trente ans. Si l’on peut admettre qu’il n’est pas concevable que les sages de ladite cour s’en émeuvent ostensiblement, il serait tout de même effarant qu’ils ne lui remontent pas, d’une manière ou d’une autre, les bretelles.
Il y a, dans le cheminement politique de notre pays vers le progrès, des hauts faits dont on ne doit pas bafouer les avant-gardes. Le Parti du Renouveau démocratique, par le truchement de son leader est l’un de ceux-là, et, ainsi, il n’est pas possible d’alléguer que l’on aime le Bénin si l’on intègre pas cette réalité-là.
Président de la première assemblée post Conférence nationale, c’est le président Adrien Houngbédji qui a défriché le terrain en vue de l’enracinement de la démocratie dans notre pays. C’est déjà là qu’il fit montre d’une conscience nationale aiguë. La belle carrière d’avocat qu’il entreprit au Bénin et qu’il exerça au Gabon l’ayant mis à l’abri du besoin, il avait préféré renoncer aux émoluments liés à sa fonction plutôt que de faire saigner les maigres caisses de l’État de l’époque. Il y a des ressortissants de Porto-Novo qui lui en veulent encore du fait qu’il n’eut pas choisi d’user de ce pactole pour ériger une infrastructure économique ou sociale dans leur localité. Un ressortissant de Dassa-Zoumè m’avait confié que c’est ce sentiment national qui l’a définitivement lié au président Houngbédji.
La formation politique que dirige le président Houngbédji engrangea, en 1995, une performance électorale inédite pour un parti politique qui n’est pas au pouvoir, non seulement au regard du nombre de sièges à l’Assemblée nationale, mais aussi du point de vue de la représentativité. Les dix-neuf sièges (19) étaient en effet obtenus dans cinq (5) départements sur les six (6) d’alors, faisant ainsi du PRD un parti d’envergure nationale.
Le retour du président Kérékou au pouvoir va davantage révéler le président Houngbédji. Acteur malgré lui de ce retour, il n’hésitera pas à claquer la porte du gouvernement avec les ministres de son parti lorsque les engagements de bonne gouvernance puis de réformes politiques et institutionnelles qui ont présidé aux négociations entre les deux tours de la présidentielle de 1996 étaient foulés aux pieds par le président de la République. Si ce fait politique alors inédit avait été diversement apprécié, il avait tout de même nourri la sève de notre démocratie.
Un autre fait politique qui marqua cette époque est la négociation par le président Houngbédji du poste de premier ministre chargé de la coordination de l’action gouvernementale qui avait fait couler des avanies sur lui. Régime présidentiel pur, si notre loi fondamentale ne prévoit pas ce poste, elle ne l’interdit pas dans la mesure où la Cour constitutionnelle avait fait droit à la requête du chef de l’État dans ce sens. Il ouvrait ainsi une voie susceptible d’assurer la bonne gouvernance. Personne n’avait taxé, plus tard, Pascal Iréné Koukpaki ou Lionel Zinsou de premier ministre kpayo.
Hors du gouvernement et du perchoir, le président Houngbédji animera une opposition constructive au régime du président Kérékou, ce qui contribua à le faire remonter au perchoir en 1999. La collaboration inéluctable avec le président de la République lui fit tenir une posture digne jusqu’en 2003 où il passa le témoin.
Le parcours politique du président Houngbédji faisait de lui le successeur légitime de Kérékou qui, ayant ourdi des tentatives pour un troisième mandat, finit, semblait-il, par lâcher prise. C’était en effet mal connaître le caméléon qui, après avoir fait manipuler les scores du trio de tête à l’issue du scrutin présidentiel de 2006, appela le président Houngbédji à contester les résultats. Ce dernier déjoua l’intrigue en félicitant Boni Yayi que la Cour constitutionnelle avait déclaré vainqueur. Le président Kérékou voulait en effet susciter des troubles lui permettant de décréter l’état d’urgence et ainsi se maintenir au pouvoir, ce qui mettrait à mal notre démocratie.
Le K.O. de 2011 sur lequel l’unanimité est faite aujourd’hui qu’il s’agissait purement et simplement d’un hold-up électoral aurait pu embraser le pays, n’eut été le sens d’abnégation du président Houngbédji qui avait su calmer les foyers de tension.
Revenu au perchoir la troisième fois en 2015, il fait consigner, huit mois avant la fin de son mandat, les discours qu’il a prononcés en tant que président de l’Assemblée nationale, que ce soit au sein de l’hémicycle ou en dehors, dans un ouvrage publié intitulé "D’un perchoir à l’autre : discours-plaidoyers pour la démocratie béninoise". On y perçoit, non seulement la dimension intellectuelle politique et humaine de l’homme, mais aussi pourquoi la République a trouvé en lui la conviction, l’habileté et la vision nécessaires pour conjurer les menaces pesant sur un régime naissant en 1991, consolider les acquis démocratiques en 1999 et, enfin, ouvrir les perspectives d’une démocratie moderne en 2015.
L’exploit littéraire est réédité, moins de deux mois avant la fin de son mandat, lorsqu’il publie "La liberté au cœur : le temps des semailles", que l’on peut voir comme une première partie de ses mémoires. Un livre d’une valeur intellectuelle, politique et historique à lire, à relire et à faire lire absolument. Certaines personnes pourraient prendre ombrage de certains passages, mais à soixante-quinze ans passés, on se demande moins si ce que l’on relate peut faire plaisir ou fâcher, surtout lorsque l’on ressent le besoin de vider son cœur de vieilles blessures ou de rétablir la vérité. Des passages sur sa vie y rapportés permettent de mieux connaître l’homme et comprendre son action politique.
Le PRD a cru en ses chances réelles d’accéder au pouvoir d’État et a dignement œuvré pour, mais les intrigues politiciennes l’en ont, chaque fois, empêché. Ayant payé un lourd tribut de la gestion du pouvoir d’une certaine classe politique, le PRD décida et annonça, à l’issue de son Conseil national à Ifangni en 2014, qu’il voudrait être désormais un parti de pouvoir. Il inaugure ainsi une thérapie de l’action politique, la realpolitik. Il s’agit d’un concept de la science politique qui consiste à se baser sur les rapports de force et ses possibilités réelles en faisant fi de toute idéologie.
Option politique choisie et assumée donc, c’est au nom de la realpolitik que le PRD a déclaré son soutien à Patrice Talon aussitôt après sa victoire en 2016, et il a œuvré à ce soutien de la plus belle manière tout au long de la septième législature.
Chantre de la réforme du système partisan, le président Houngbédji et sa formation politique ont joué à fond leur partition dans sa mise en œuvre. Ce dernier a eu la clairvoyance de renoncer d’emblée au leadership du bloc politique que nous allions constituer avec d’autres, clouant ainsi le bec à ceux qui l’accusent de s’accrocher à la tête d’un parti politique. Mais lorsque l’exigence minimale qui motiverait ses militants à maintenir leur engouement au militantisme n’était plus prise en compte dans le mariage auquel il a librement consenti, le PRD avait pris courageusement ses responsabilités.
Le renoncement à ce mariage avait fait l’effet d’un orgasme républicain, à la base, c’est-à-dire comme s’il y avait une forte quantité d’endorphine libérée qui a produit une euphorie, voire une extase résultant des efforts intenses des militants. Par une diplomatie politique en règle, le président Houngbédji a su, pensait-on, dissiper l’animosité subséquente, laquelle a induit la rage de vaincre qui continue de revigorer les militants.
Suite au dépôt des dossiers de candidature des partis politiques à la CENA, l’institution a délibéré, le 5 mars 2019, et cela a provoqué un émoi au sein de l’opinion publique nationale et internationale parce que seules les formations contrôlées par le président de la République sont habilitées à participer aux élections législatives de 2019 sur les dix qui se sont manifestées.
Une crise préélectorale est ainsi née. L’opinion publique a pu se rendre compte qu’une formation qui vit le jour au lendemain de la sortie du PRD du Bloc républicain n’avait pour raison d’être que de servir de support au parasitage du dossier de candidatures du PRD. Cela déclencha une guerre de procédures judiciaires qui débuta par une interpellation outrancière par la Brigade criminelle de la deuxième personnalité de l’État pendant que celui-ci, le cœur serré pourtant, prenait ses responsabilités en offrant ses bons offices pour dénouer la crise, et finit par mettre à nu l’impartialité de la CENA.
C’est au cours d’une audience publique à la Cour constitutionnelle suite au recours formulé par le PRD pour dénoncer le parti pris de la CENA, que l’opprobre fut jeté sur le PRD qui est tout de même la seule formation politique à avoir pris part à toutes les élections depuis 1991, et a pouvoir, à chaque législature, constituer un groupe parlementaire autonome, toutes choses qui confortent sa vocation à redevenir un parti d’envergure nationale.
Il n’aura donc échappé à personne que si les moutons broutent ensemble, ils n’ont pas le même prix, et que les circonstances politiques ne peuvent pas donner droit à tous les excès.
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Ismaël Kaffo, Essayiste sociopolitique*
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